En Côte d’Ivoire, qui accueille la plus grande diaspora malienne au monde, les conséquences des sanctions décidées, début janvier, par la Cédéao se font déjà sentir, en particulier pour les commerçants et transporteurs maliens.
Aux alentours du port d’Abidjan, les bordures des routes servent de parking de fortune pour camions transporteurs. Depuis la décision prise par la Cédéao, dimanche 9 janvier, de fermer les frontières du Mali, de nombreux camions à destination de ce pays sahélien enclavé sont à l’arrêt. Dans le dédale du quartier bordant le port, les chauffeurs maliens attendent dans les allées poussiéreuses, attablés dans les petites cantines qui bordent la route, assis sur un banc, ou endormis dans un hamac harnaché directement sous leur camion.
Le parking des poids lourds maliens compte, lui, une trentaine de camions qui attendent de connaître leur sort. Sous un soleil de plomb, la frustration se lit sur le visage de leurs chauffeurs qui discutent à l’ombre d’un mur. L’un d’eux, Kone Camara, vit depuis plusieurs jours sur ses propres réserves financières, en attendant de savoir ce qu’il adviendra de sa marchandise. “J’ai chargé du riz et je suis toujours arrêté, dit-il, je ne comprends pas ce qui ne va pas.” Plusieurs chauffeurs transportant des denrées alimentaires ont fait état de ces blocages à l’équipe de France 24. Les pays de la Cédéao avaient pourtant précisé que la fermeture des frontières – l’une des sanctions décidées à l’encontre du Mali – ne viserait pas les produits de première nécessité.
L’ennui et l’inquiétude qui dominent
Et les Maliens ne sont pas les seuls concernés. Tala Sene, un jeune ivoirien, gagne son pain en chargeant des camions à destination du Mali. Habituellement, les camions à charger sont légion, mais ces jours-ci, ce sont surtout l’ennui et l’inquiétude qui dominent : »Ces derniers jours on ne gagne rien, impossible d’obtenir notre salaire habituel » soupire-t-il.
Chez les commerçants, les conséquences se font également sentir. Dans la commune d’Adjamé, hub commercial d’Abidjan et cœur de la communauté malienne de la capitale, les commerçants maliens n’ont, pour nombre d’entre eux, aucun problème d’approvisionnement car ils importent leurs produits de Chine ou de Dubaï. Mais avec la fermeture des frontières, c’est une clientèle de gros qui disparaît : “La plupart des grossistes se trouvent au Mali. Mais maintenant tout est à l’arrêt » déplore Mamadou, gérant d’un magasin familial de vente de tissus, interrogé par France 24. Il voit déjà les conséquences concrètes des sanctions de la Cédéao : »On est maintenant obligés de vendre au détail, ce qu’on ne fait pas habituellement. »
Abidjan, premier port pour le Mali
Le Haut-Conseil des Maliens de Côte d’Ivoire estime à plus de 3 millions le nombre de Maliens résidant en Côte d’Ivoire. Le pays côtier serait donc la première terre d’accueil de cette diaspora dans le monde. “La diaspora malienne produit 150 milliards de francs CFA par an (environ 23 millions d’euros, NDLR) », précise son président, Mahamadou Diwara, qui s’inquiète de sanctions pénalisant davantage la diaspora malienne que le gouvernement à Bamako. Et il ajoute : « Si la Côte d’Ivoire perd cette activité, elle perdra aussi beaucoup d’argent. Donc ça n’est dans l’intérêt de personne ».
Avec la fermeture des frontières, le Mali n’a plus de débouchés maritimes. Le port d’Abidjan en Côte d’Ivoire et celui de Dakar au Sénégal, ses deux principales voies d’approvisionnement, lui sont inaccessibles depuis le début des sanctions. Les représentants de la diaspora malienne, largement composée de commerçants, voient bien l’impasse se profiler. « Qu’allons nous faire ? Le port d’Abidjan est le premier port malien », s’interroge Mahamadou Diawara, lui-même négociant, qui appelle les dirigeants ouest-africains à revenir à la table des négociations.
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