La méga-acquisition pour 69 milliards de dollars par Microsoft de l’éditeur de jeux vidéo Activision (Call of Duty, Candy Crush…) restera peut-être comme le moment où le métavers a quitté le domaine des concepts pour devenir un terrain de bataille entre géants du numérique.
Le métavers est présenté par certains comme le futur d’internet, un monde virtuel en 3D où chacun pourra interagir grâce à des masques, des capteurs et autres accessoires capables de plonger l’humain dans un univers parallèle au monde physique.
Microsoft y fait allusion à deux reprises dans son communiqué de presse sur le rachat d’Activision, en soulignant notamment, par une citation de son patron Satya Nadella, que le secteur du jeu vidéo jouera « un rôle clef dans le développement des plateformes du métavers ».
Certains experts rappellent que le métavers reste pour l’instant un concept assez flou, et qu’il ne saurait justifier de lui-même une méga-opération comme le rachat d’Activision.
« Nous verrons comment tout cela évoluera vers le métavers, mais ce n’est pas encore le cas », a estimé le journaliste Tom Ffiske, rédacteur en chef de la publication spécialisée dans les réalités virtuelles et augmentées Immersive Wire.
La décision de Microsoft doit plutôt être vue comme « un mouvement stratégique au sein de l’industrie du jeu », a-t-il dit.
Mais d’autres estiment que Microsoft fait en réalité un pari à double détente, qui lui permet à la fois de consolider sa position sur le marché du jeu vidéo, et de placer ses pions sur ce qui sera, peut-être, une nouvelle révolution numérique.
Microsoft ne ferait en cela que suivre Facebook, qui a changé son nom en Meta l’année dernière en l’honneur de ce nouvel eldorado de la technologie.
Les conceptions entre les deux géants divergent toutefois.
Facebook a plutôt évoqué un concept dans lequel les interactions ont lieu dans un espace unique.
Microsoft a dépeint une vision plus éclatée du métavers.
« Quand nous réfléchissons à ce que le métavers pourra être, nous estimons qu’il n’y aura pas un unique métavers, centralisé », a ainsi déclaré à la presse Satya Nadella après l’annonce du rachat d’Activision.
En fait, explique Theo Tzanidis, un professeur de marketing numérique à l’université de West Scotland, chacun part de ce qu’il est.
Autres géants encore discrets
Facebook veut doper à coup de technologies une plateforme déjà existante, celle de son réseau social et de ses presque 3 milliards d’utilisateurs.
Microsoft de son côté va plutôt devoir « acheter en gros » des morceaux de propriété intellectuelle déjà existante pour les rassembler de manière cohérente, en se servant de son infrastructure de « cloud » (informatique dématérialisée) et de services aux entreprises.
« Je ne serais pas surpris qu’une collaboration silencieuse émerge » au sein de Microsoft, estime Theo Tzanidis.
Pour l’instant, les autres géants de la Silicon Valley n’ont pas dévoilé leurs stratégies sur le métavers. Google, Amazon et Apple ont gardé leurs distances, en public au moins.
Pour Tom Ffiske, Amazon est connu pour préparer soigneusement ses coups, et pourrait bien, en réalité, être déjà en train de travailler sur le sujet, attendant le bon moment pour annoncer ses intentions.
Et Scott Kessler, analyste au cabinet d’études américain Third Bridge, subodore que Microsoft a planifié son rachat alors que ses rivaux sont englués dans des défis légaux et réglementaires partout dans le monde.
Ce qui laisse pour l’instant, dans la bataille pour définir le métavers, deux géants et beaucoup de petites entreprises spécialisées sur un aspect du futur monde virtuel.
Tom Ffiske pointe par exemple le développeur de solutions 3D Unity et le studio de jeu vidéo Epic.
Derrière les nombreux débats, remarque-t-il, « des ingénieurs sont en train de bâtir discrètement les fondations » de ce que sera le métavers demain.
AFP