La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est souvent critiquée pour son inaction ou son incapacité à prévenir les crises politiques. Par ailleurs, la Cédéao est souvent perçue comme une organisation influencée par la France car elle est composée en majorité d’anciennes colonies françaises.
Dans la panoplie des critiques formulées à l’égard de la Cédéao, certaines sont sans doute trop sévères, selon plusieurs experts, qui estiment cependant que cela traduit aussi l’espérance que les populations avaient placé dans cette organisation régionale.
Légitimité de la Cédéao
Gilles Yabi, fondateur du think tank Wathi, croit ainsi qu’à l’échelle africaine, il y a peu d’organisations régionales qui soient aussi légitimes que la Cédéao, également pour résoudre des crises politiques internes.
« La légitimité de la Cédéao à intervenir dans des Etats membres n’est pas remise en cause et cette organisation a un bilan important qu’il ne faut pas oublier, pense Gilles Yabi. Lorsqu’on se rappelle des conflits dans la région du fleuve Mano, c’est-à-dire au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée dans les années 90, la Cédéao a joué un rôle majeur. Evidemment, on était aussi dans une autre configuration politique au niveau régional à ce moment-là car le Nigeria a joué un rôle important. »
Giles Yabi estime toutefois « qu’aujourd’hui, la majorité des critiques qui sont formulées à l’égard de la Cédéao concernent l’incapacité de l’organisation à agir sur la gouvernance interne des Etats membres et notamment sur la question des manipulations de Constitution, comme en Côte d’Ivoire et en Guinée :
« Je crois que ces exemples ont vraiment été à la base des premières critiques les plus fortes à l’égard de l’organisation. Le fait qu’elle se limite au fond à condamner des coups d’Etat militaires mais qu’elle soit totalement impuissante à se prononcer lorsque des chefs d’Etat en place manipulent les institutions pour se maintenir au pouvoir. »
Impopularité dans certains pays
Une analyse que partage Ornella Moderan, chercheuse et responsable du Programme Sahel de l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé à Bamako. Elle estime aussi que « la Cédéao est sous le feu des critiques » en raison des sanctions imposées au Mali qui la rendent impopulaire auprès de la population malienne mais aussi des opinions publiques en Afrique de l’Ouest. »
« De manière plus large sur le plan national au Mali, l’organisation a acquis, en raison de l’usage répété des sanctions et de menaces de sanctions, l’image d’un censeur plutôt que celle d’un partenaire, constate Ornella Moderan. Ce qui, évidemment, sape sa légitimité. Il serait utile, de ce point de vue, d’adopter une approche qui soit beaucoup plus constructive en allant vers le dialogue. »
Ornelle Moderan rappelle pourtant que la Cédéao a aussi aidé le Mali avant que celui-ci soit dirigé par des militaires putschistes :
« Beaucoup ont oublié le rôle central joué par la Cédéao dans l’assistance aux forces armées maliennes dès 2013, en réponse à la crise sécuritaire. Ils ont oublié le fait que les pays de la région avaient alors massivement participé à la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine, la Misma, et que les pays de la Cédéao, pour finir, continuent de jouer un rôle essentiel au sein de la Minusma, la mission onusienne qui a succédé à la Misma. »
Manque de leadership politique
Le problème de fond serait « un problème lié au leadership politique dans chacun des Etats membres et au fait qu’aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de locomotive au sein de l’organisation régionale pour porter un certain nombre de valeurs et faire en sorte que ces valeurs se traduisent en actions de la part de l’organisation régionale. » ajoute Gilles Yabi, fondateur du think tank Wathi.
Comme lui, d’autres experts redoutent que les critiques qui s’abattent sur la Cedéao soient « un véritable risque pour le processus d’intégration régionale » qui a été porté pendant des décennies par cette organisation. Il faudrait donc éviter d’affaiblir la Cédéao mais la pousser plutôt à se réformer.
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