Le coup d’état militaire, intervenu au Burkina Faso le lundi 24 janvier, a balayé sans coup férir le président Roch Marc Christian Kaboré, qui avait assisté deux semaines auparavant au Sommet extraordinaire du 9 janvier, au cours duquel le minable syndicat de chefs d’Etat avait pris la décision illégale, honteuse et ignoble d’étrangler le peuple malien, en pleine guerre contre le terrorisme. Tout le monde sait aujourd’hui que cette décision avait été largement dictée par l’agenda géopolitique de la France et de l’Union européenne, qui se préoccupent plus de combattre le resserrement des relations entre la Russie et le Mali que de lutter réellement contre le terrorisme. La très grande satisfaction du président français Emmanuel Macron à l’égard de ces sanctions le prouve amplement.
Echec cuisant de la politique des sanctions
Mais voilà que malgré le caractère inhumain des sanctions, le peuple malien et ses dirigeants y ont répondu avec une grande dignité et de façon admirable, comme l’a illustré la grande mobilisation du vendredi 14 janvier, qui a drainé des centaines de milliers de personnes à Bamako et des milliers d’autres dans les autres localités et au sein de la diaspora. La réponse magistrale du peuple malien et le coup d’état au Burkina ont montré que les sanctions des présidents de la CEDEAO n’impressionnent personne. Ajouter à cela les vives réactions contre ces sanctions et la grande solidarité avec le Mali observées notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire, dirigés par les deux plus grands laquais de la France. Tout cela démontre que les chefs d’Etat de la CEDEAO ont perdu leur crédibilité, voire leur légitimité, aux yeux de leurs populations.
Panique dans les rangs du syndicat : à qui le tour ?
Leur parole ayant peu d’importance aux yeux des populations et des forces de défense et de sécurité, on comprend dès lors la panique qui doit s’emparer de certains membres, parmi les plus exposés, du syndicat des chefs d’Etat. Un syndicat plus préoccupé par la conservation du pouvoir de ses membres – quitte à piétiner les Constitutions- que du bien-être et de la sécurité des peuples. Après les évènements du Burkina, certains d’entre eux doivent être dans l’angoisse, avec la peur au ventre, redoutant que le prochain coup se produise chez lui. La défiance, voire le mépris, vis-à-vis des présidents de la CEDEAO traduit tout simplement le fossé de plus en plus profond entre ces dirigeants et les peuples.
La faillite des modèles importés
Mais par-delà le manque de légitimité des régimes en place, incapables de faire face aux défis qui se posent à leurs pays, ces coups d’état récurrents traduisent surtout la faillite des modèles de « développement » importés depuis les « indépendance » factices. La Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA) a indiqué dans son rapport de 2011 que l’Afrique était le seul et unique continent à avoir fait l’expérience de neuf (9) modèles de développement, tous venus de l’extérieur. Et ils ont tous échoué avec les terribles conséquences économiques et sociales que l’on sait. Les programmes d’ajustement structurel (PAS) de la Banque mondial et du Fonds monétaire international (FMI) étaient parmi ces modèles qui avaient détruit des pans entiers des économies africaines.
Les politiques d’austérité draconiennes imposées aux pays africains, les privatisations sauvages et les attaques systématiques contre l’Etat avaient considérablement affaibli celui-ci, notamment dans sa capacité à remplir ses fonctions régaliennes les plus fondamentales. Cela a profondément affecté les forces de défense et de sécurité qui ne sont plus en mesure de défendre efficacement l’intégrité du territoire de leurs pays. La situation actuelle dans les pays du Sahel le prouve amplement.
Mais l’échec des modèles importés n’est pas seulement limité à l’économie. On le voit également au niveau politique. Les politologues se réfèrent souvent au « discours de la Baule », lors du Sommet France-Afrique au cours duquel le président français de l’époque, François Mitterrand, avait sommé les dirigeants africains de s’engager dans la voie de la « démocratisation », faute de quoi, il n’y aurait plus « d’aide » ! Mais l’expérience a montré depuis lors qu’élections et démocratie ne sont pas la même chose. Des dictateurs déguisés ou ouverts organisent des élections qu’ils gagnent toujours, souvent avec la complicité de leurs maîtres qui envoient des « observateurs » pour attester de la « régularité » de ces élections ! Au Sénégal, on a vu Macky Sall emprisonner ou exiler des adversaires pour les empêcher de se présenter à l’élection présidentielle. Il a également manipulé la Constitution pour limiter le nombre de candidats en 2019. Et en face de tous ces forfaits, la France et les pays occidentaux, donneurs de leçons de « démocratie » sont restés muets !
Pour des modèles endogènes
L’échec des « démocraties » tropicales, inspirées des systèmes occidentaux, doit amener les partis politiques et les citoyens africains à réfléchir sur d’autres modes de transmission et de gestion du pouvoir, conformes à leurs réalités socio-économiques et culturelles. Il faut définitivement admettre que le système importé de l’Occident a lamentablement échoué. Le mimétisme a conduit à la dé-crédibilisation des élections et au manque de légitimité des pouvoirs qui en sont issus. Ce qui explique en partie les coups d’état. Le moment est venu pour la CEDEAO, et les autres pays africains, de promouvoir des modèles endogènes, tant sur le plan économique que politique.
Demba Moussa Dembélé
Dakar
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