La Russie a ordonné ce jeudi 3 février la fermeture du bureau local de la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle, en représailles à l’interdiction faite à la chaîne russe RT d’être diffusée en Allemagne.
Les représailles promises par Moscou après l’interdiction de la chaîne RT en allemand n’ont pas tardé. Les « mesures de rétorsion » impliquent la « fermeture du bureau » local de Deutsche Welle, le « retrait de l’accréditation de tous les employés » de ce bureau et « l’interruption de la diffusion » de ce média sur le territoire russe.
Le ministère russe des Affaires étrangères a en outre annoncé le lancement d’une procédure visant à reconnaître Deutsche Welle en tant « qu’agent de l’étranger », qualificatif infamant et controversé déjà appliqué à plusieurs médias russes critiques du pouvoir.
Selon Moscou, des sanctions sont également prévues contre les « représentants de structures étatiques et publiques allemandes impliqués dans la restriction de la diffusion de RT », chaîne qui promeut notamment la position du Kremlin à l’étranger. Les autorités russes ont précisé que ces mesures relevaient d’une « première étape », promettant une réponse supplémentaire « en temps utile ». Quelques heures plus tôt, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait fustigé l’interdiction de diffusion faite par le régulateur allemand à RT comme une « atteinte à la liberté d’expression ».
« Inacceptable »
Cette interdiction, une première pour un grand média occidental dans l’histoire post-soviétique, est inacceptable, a réagi jeudi la ministre allemande de la Culture et des Médias, Claudia Roth. Elle a souligné que RT en allemand diffusait « sans licence et n'(avait) pas demandé d’autorisation », à la différence de Deutsche Welle en Russie. Le président de DW, Peter Limbourg, a quant à lui dénoncé dans un communiqué une « réaction absurde », qui n’a pas encore été officiellement notifiée. « Les mesures des autorités russes sont incompréhensibles et excessives », a-t-il critiqué.
Mercredi, Moscou avait également promis une punition à l’encontre des plateformes en ligne ayant « supprimé de manière arbitraire et injustifiée les comptes de la chaîne », une référence apparente au géant américain YouTube, qui a suspendu le 16 décembre le compte en allemand de RT le jour de sa mise en service.
La diffusion par satellite de la chaîne en Allemagne avait été interrompue peu après. Le régulateur allemand ZAK a interdit la diffusion de RT Deutsch sur son site internet et sur une application mobile, arguant du fait que « l’autorisation nécessaire » n’a été « ni demandée ni accordée ». Moscou estime que cette décision est en réalité « motivée par des considérations politiques ».
Tensions
Cette affaire intervient en pleine crise entre Moscou et les Occidentaux au sujet de l’Ukraine, qui redoute une invasion russe, et alors que la Russie et l’Allemagne ont vu leurs relations se dégrader ces dernières années autour de l’opposant Alexeï Navalny et des retards de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 entre les deux pays.
Ces 30 dernières années, le Kremlin s’était gardé de s’en prendre aux médias étrangers, tandis que le secteur médiatique russe a été, lui, mis au pas depuis que Vladimir Poutine a pris les commandes du pays en 2000. Mais à mesure de l’aggravation des relations avec les Occidentaux, cette politique a évolué, avec notamment l’expulsion d’une journaliste de la BBC et d’un reporter néerlandais en 2021.
La chaîne RT, inaugurée en 2005 sous le nom de « Russia Today », est financée par l’État russe. Elle s’est développée en plusieurs langues, mais a suscité la controverse dans plusieurs pays. Aux États-Unis, elle est enregistrée comme « agent de l’étranger ». Au Royaume-Uni, les autorités ont menacé de lui retirer sa licence de diffusion. En France, elle est largement accusée par les autorités d’être un outil de désinformation du Kremlin. La chaîne a par ailleurs été interdite dans plusieurs pays, notamment en Lituanie et de Lettonie.
AFP