«Internet stimule le développement économique, social et politique et contribue au progrès de l’humanité dans son ensemble» en tant que «facilitateur» des autres droits, assurait un rapport délivré au Conseil des droits de l’Homme aux Nations Unies. Derrière les avancées qu’internet permet, son utilisation est parfois perçue, entre les mains de l’opposition, comme une menace pour le pouvoir en place. Tour d’horizon des coupures d’internet en Afrique par les régimes autoritaires.
Dans un rapport de 2011, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression du Conseil des droits de l’Homme aux Nations Unies se penchait sur la question d’Internet et de sa relation avec les droits d’accès à l’information et la liberté d’opinion et d’expression. Si l’accès à internet ne peut être limité que dans de rares circonstances «exceptionnelles et limitées prescrites par les droits de l’Homme», la réalité de l’utilisation, et de la limitation d’internet, dresse un tableau bien plus sombre.
Loin d’être des exceptions, la restriction de l’utilisation d’internet est devenue une arme largement utilisée par des régimes autoritaires ou des puissances politiques dans le monde pour contrôler l’information et museler l’opposition.
Alors qu’en Afrique sub-saharienne, moins de 30% de la population utilisait quotidiennement internet en 2019, 1 coupure internet sur 6 dans le monde est le fait d’un État africain, rapporte Le Monde. Faciliter ou tenter d’arrêter un coup d’État, influer sur les résultats d’élections, faire taire un mouvement populaire ou masquer des violences, la coupure d’internet est devenue un outil puissant en Afrique dont le recours ne désempli pas, bien au contraire.
Couper internet pour faire taire ou masquer la réalité
Dernier exemple en date, le Burkina Faso où, en novembre dernier alors que des milliers de citoyens prenaient la rue pour protester contre l’insécurité croissante, les autorités ont coupé l’accès à internet via les téléphones mobiles pendants plusieurs jours. Jusqu’au 24 janvier, avec la réussite du coup d’État par l’armée, le pays a été victime de coupures d’internet pas moins de 3 fois, justifiées par le président alors en activité par «la défense nationale et la sécurité publique».
Les exemples en Afrique sub-saharienne sont nombreux, au Tchad notamment où le pays a été privé d’accès à internet pendant plus de 100 jours depuis 2016, ou encore au Soudan où internet a été coupé durant 25 jours consécutifs entre octobre et novembre 2021. En Éthiopie, des dizaines de coupures localisées permettent de couper les Tigréens du reste du monde et de masquer des crimes commis sur les populations civiles depuis plus de 2 ans dans des conflits qui opposent les rebelles au gouvernement.
L’Afrique du Nord et le bon élève marocain
L’Afrique du Nord n’est pas en reste quant aux coupures d’internet, avec l’Algérie qui a coupé en 2019 son réseau pas moins de 6 fois, établissant un record sur le continent. En cause, le mouvement du Hirak que le gouvernement de Bouteflika essayait d’empêcher de communiquer, et donc de se coordonner. Sans succès, le président a été contraint de démissionner. L’Égypte en 2011 avait d’ailleurs réussi à couper totalement ou quasi totalement internet, ce que seule la Birmanie avait fait jusqu’alors, pour tenter d’empêcher les manifestants de communiquer et pour mettre fin à la révolution du papyrus, encore une fois sans succès.
Au Maroc, malgré les différents mouvements sociaux qui sont nés notamment en 2011 avec le mouvement du 20 février, dans le Rif à la fin 2016, ou avec les campagnes de boycott à grandes échelles survenues principalement en 2018, les autorités ne se sont jamais appuyées sur la coupure ou la restriction d’internet, privilégiant une gestion «classique» des crises. Si dans chacun de ces exemples, internet et les réseaux sociaux ont joué un rôle central et se sont montrés indispensables, le pouvoir marocain a préféré ne jamais utiliser ce ressort.
Alors qu’internet est devenu un outil précieux pour les mouvements de contestation ou d’opposition, la censure de la toile est la solution de facilité utilisée par les régimes autoritaires. Pour autant, malgré les coupures, les mouvements de contestation continuent et parfois même s’étendent jusqu’à faire tomber le pouvoir en place. Les nombreux exemples africains en sont la preuve.
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