Doit-on s’inquiéter de l’utilisation que font les adolescents des plateformes sociales ? Rencontre avec un Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation et une psychiatre.
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Il y a eu MSN, Habbo et Myspace ; il y a désormais Twitter, TikTok et Instagram. Plus que jamais, les réseaux sociaux occupent une place importante dans la vie des internautes, et particulièrement dans celles des adolescents. Mais leur utilisation par les plus jeunes soulève de nombreuses questions, sur leur sécurité physique dans un premier temps, mais aussi sur l’impact que peuvent avoir ces outils sur leur santé mentale.
En septembre dernier, Le Wall Street Journal publiait une enquête édifiante, dans laquelle Facebook reconnaissait le rôle que joue Instagram dans le mal-être adolescent. Accusée d’avoir fait la sourde oreille, la plateforme s’est rapidement défendue en arguant que les affirmations des journalistes américains résultaient d’une mauvaise interprétation de ces données. L’entreprise de Mark Zuckerberg a depuis revu légèrement sa copie, faisant désormais de la sécurité de ces jeunes utilisateurs une priorité. Mais quels sont les risques d’une exposition aux réseaux sociaux dès l’adolescence et quels rôles doivent jouer les régulateurs du monde entier pour endiguer ce phénomène ?
Un difficile rapport au corps
L’arrivée du téléphone portable, et principalement du smartphone, a bousculé nos habitudes de navigation. Désormais, les réseaux sociaux sont constamment à portée de main, accessibles d’un simple geste depuis notre écran d’accueil. Inévitablement, le temps passé sur lesdites applications ne cesse de croître ; selon une étude de Diplomeo, 56 % des jeunes entre 16 et 25 ans passent plus de 5 heures par jour sur les plateformes du genre. C’est presque 10 % de plus qu’en 2019 où ils n’étaient encore que 48 %.
Au-delà même du temps passé sur les réseaux sociaux, c’est surtout l’impact que peuvent avoir de tels outils sur la santé mentale des jeunes utilisateurs qui inquiète particulièrement les régulateurs du monde. Cette profusion de corps parfaits, souvent retouchés pour correspondre à des standards de beauté inatteignables, impacterait largement la manière dont les utilisateurs se perçoivent.
Une mécanique plus inquiétante que celle des médias dits “traditionnels” selon Barbara Jiotsa, psychiatre au CHU de Nantes qui a mené une étude sur les troubles alimentaires et les réseaux sociaux.
“Une star, ça paraît plus lointain et inaccessible. Avec Instagram, il y a une proximité, quelque chose qui va être un peu plus impactant que de voir ces corps parfaits à la télévision ou dans un film. Les jeunes filles sont particulièrement sensibles à ce genre de discours, car elles sont à une période de gros changements corporels, des moments de leur vie où elle voit leur corps se métamorphoser et où cette exposition accrue à des corps dit parfaits peut devenir problématique”.
Lors de son expérience, menée sur 1300 sujets dont la moitié avait des TCA (Troubles du Comportement Alimentaire) avérés, Barbara Jiotsa explique avoir déterminé une association significative entre ces troubles du comportement alimentaire et le temps passé sur Instagram, TikTok et consorts. “Plus elles scrutent les réseaux sociaux, plus elles sont insatisfaites de leur corps.” Elle temporise néanmoins, “les plateformes sociales ne semblent pas être un élément déclencheur de ces comportements, mais simplement un facteur aggravant chez les personnes qui souffrent de troubles du comportement alimentaire.”
Pour lutter contre ce phénomène, Instagram a néanmoins pris quelques mesures. Le réseau social avait annoncé en 2019 une évolution de sa politique publicitaire. Les réclames sur les régimes ou la chirurgie esthétique ne sont officiellement plus accessibles aux utilisateurs mineurs. Néanmoins, les partenariats avec des influenceurs vantant l’efficacité de pilules coupe-faim ou de tisanes détoxifiantes dans la stories sont nombreux. Même son de cloche concernant l’apologie de la médecine esthétique : il y a quelques mois sur Snapchat, la candidate de téléréalité Maeva Ghennam confiait avoir eu recours à la radiofréquence et à la mésothérapie pour “rajeunir son vagin”. Des discours évidemment problématiques, surtout compte tenu de l’âge moyen de ses abonnés.
Tu me likes, donc je suis
Cette exposition constante aux réseaux sociaux s’accompagne aussi bien souvent d’un véritable besoin de validation par les pairs. Et sur Internet, cette validation se manifeste pas un signe d’approbation bien connu : le like, qui permet de signifier à un utilisateur que l’on valide sa publication. Un concept qui résonne particulièrement chez les jeunes utilisateurs, qui partagent bien volontiers des autoportraits, en espérant récolter un nombre important de pouces levés au passage. Une situation qui n’a rien de nouveau selon le Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation Grégoire Borst. “C’est une activité cérébrale similaire à celle d’un compliment. Ça ne dit rien de très nouveau. Quand on reçoit un like au même titre que dans la vie réelle, on a besoin de retour sur ce que l’on fait”.
Cette validation serait ainsi nécessaire au développement de l’adolescent selon Grégoire Borst. “Si j’ai fait une action pro-sociale et que je reçois des récompenses, c’est une manière de permettre de s’engager plus longuement dans quelque chose. Mais c’est aussi risqué…”. Nombreux challenges sont ainsi pointés du doigt pour leur dangerosité. Les mêmes qui, il y a quelques années, avaient émergé sur Facebook et mis les utilisateurs dans des situations à risque. On se souvient encore du fameux “à l’eau ou resto”, qui avait provoqué en 2014 la mort d’un jeune homme de 19 ans dans le Morbihan.
Si les utilisateurs adultes ont généralement le recul nécessaire, les adolescents sont particulièrement sensibles à ces phénomènes, et manquent souvent de discernement sur le sujet, explique Grégoire Borst, “L’adolescence est une période de reconfiguration du cerveau, il redevient très sensible à l’environnement social, et n’est pas toujours capable d’évaluer le rapport bénéfice risque”. Renforcé par les réseaux sociaux, cet effet de groupe aurait également un impact sur ces comportements risqués. “Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène de pression sociale. Quand on est adolescent, on est plus sensible à notre groupe social et aux choix opérés par celui-ci”.
Néanmoins, le tableau n’est pas complètement noir. Les plateformes sociales ont également un rôle crucial dans le développement de l’adolescent, et particulièrement dans les milieux ruraux qui peuvent le couper de ses amis et connaissances. “Ce n’est pas nécessairement en dehors du cercle familial ou amical”, rappelle Grégoire Borst.
“Les réseaux sociaux regroupent les groupes qu’ils côtoient dans la vraie vie. On réfléchit souvent à l’adolescence sous le prisme des jeunes dans l’urbanisation, mais c’est aussi pour beaucoup une manière de rester en contact, on l’a bien vu pendant cette crise. Ils ont été un moyen pour les adolescents de rester connectés.”
Une responsabilité commune
Lors de son audience devant l’Assemblée nationale en novembre dernier, la lanceuse d’alerte Frances Haugen a appelé le gouvernement à créer un cadre législatif pour réguler les activités des géants du numérique, Facebook en tête. Une manière de préserver la santé des utilisateurs, pour le moment reléguée au second plan dans les préoccupations de l’empire Zuckerberg.
Pour Grégoire Borst, la sécurité des adolescents sur les réseaux sociaux n’appellerait pas nécessairement à une législation publique. Selon lui, ces problématiques relèveraient plutôt du cas individuel. “Quand on pense cette problématique, il faut la comprendre en fonction des traits de personnalités qui vont être différent d’un individu à un autre.” Il ajoute que les bénéfices des réseaux sociaux sont nombreux, notamment pour la socialisation. “Il ne faut pas tomber dans l’interdiction de ces outils avant 18 ans, alors même que l’on sait qu’il y a de nombreux avantages”.
Plutôt que des politiques drastiques, Grégoire Borst préfère un dialogue avec les parents et le personnel enseignant.
“Les écoles doivent devenir un lieu où l’on forme les élèves à ces outils. Il faut aussi que les parents prennent part à cette éducation là. Ils doivent être informés des effets bénéfiques et néfastes des réseaux sociaux”.
D’autant plus que ce sont souvent ces mêmes adolescents qui sont plus au fait de ces problématiques que leurs parents. Il est donc nécessaire que l’ancienne génération se forme elle aussi à ces questions, tout en maintenant le dialogue avec leur progéniture.
Un sentiment partagé par Barbara Jiotsa, qui ajoute que lorsqu’un parent détermine que le rapport qu’entretient son enfant avec les réseaux sociaux n’est pas sain, il ne faut pas hésiter à demander l’aide d’un professionnel. “C’est un peu aussi notre rôle à nous psychiatres de nous en mêler”. Cela peut prendre la forme d’une discussion informelle avec le médecin de famille, qui pourra orienter l’enfant et ses parents vers des professionnels si la situation nécessite une attention plus particulière.
Rappelons néanmoins que l’utilisation des réseaux sociaux est interdite aux utilisateurs de moins de 13 ans. A partir de cet âge, il est nécessaire d’encadrer un maximum leur utilisation, et c’est précisément là que le dialogue et la connaissance de tous ces enjeux s’avèrent bénéfiques. Pour autant, doit-on exclusivement mettre cette éducation aux mains des écoles et des parents ? Pas nécessairement selon Grégoire Borst, qui invite aussi les plateformes sociales à prendre le problème à bras le corps.
“Il y a évidemment une responsabilité des réseaux sociaux. Quand on voit que YouTube refuse de supprimer les contenus pour enfants de sa plateforme classique pour les mettre sur YouTube Kids, et ainsi d’éviter de les exposer à des publicités ciblées qui ne leur sont pas destinées (sur le compte des parents ndlr), c’est inacceptable”.
Mais on peut logiquement se demander si les plateformes sont réellement prêtes à prendre de leur propre initiative de telles mesures pour protéger les utilisateurs. C’est principalement grâce à des mesures fortes, comme le RGPD par exemple, que les pratiques des géants du numérique pourront être encadrées. C’est du moins l’argument avancé par Frances Haugen, qui assure que le profit sera toujours favorisé à la santé des utilisateurs chez Facebook.
Mieux comprendre ce sujet
Si vous vous sentez un peu dépassé, de nombreuses ressources peuvent vous aider à mieux comprendre le rôle et l’impact des réseaux sociaux chez les plus jeunes. On citera par exemple Derrière nos écrans de fumée sur Netflix, qui aborde notamment la question du harcèlement en ligne. On ne peut également que vous conseiller Le Palais des Miroirs de Liv Stromquist qui s’intéresse aux idéaux de beauté féminins et à leur représentation à travers l’histoire. Une belle manière d’acquérir un peu de savoir avant d’ouvrir le dialogue avec votre adolescente.
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