Son nom brille au firmament de la Haute couture française. Décédé en 2008, le couturier Yves Saint-Laurent est actuellement célébré dans six musées à Paris, à l’occasion du 60e anniversaire de son premier défilé.
Plusieurs événements ou mises en scène montrent les liens que le créateur a tissés toute sa vie, entre la mode et l’art. Des expositions à voir au Centre Pompidou, au Musée d’Orsay, au Louvre, au Musée Picasso, au Musée d’Art moderne. Le Musée Yves Saint-Laurent, situé avenue Marceau dans l’hôtel particulier qui abritait la maison de couture, présente quant à lui, 340 croquis du maître.
Il y a vingt ans, Yves Saint-Laurent, le plus grand artiste des couturiers français, présentait son dernier défilé à Beaubourg. Dans sa maison de couture créée en 1962, il n’a eu de cesse, au fil de ses collections, d’entretenir un dialogue avec l’art : peinture, sculpture, littérature, théâtre ou cinéma, ont nourri son imagination et ses créations. Il entre aujourd’hui au musée, reconnaissance supplémentaire de sa création au rang de Patrimoine national.
Un collectionneur passionné
Cet amour pour l’art, Yves Saint-Laurent l’avait assouvi dans sa passion de collectionneur, passion partagée avec son compagnon, Pierre Bergé. Le couple avait constitué une collection éclectique dans le célèbre studio du créateur, au 55 rue de Babylone, à Paris. Des œuvres de l’Antiquité, mais aussi du Japon ou du Maroc, des toiles cubistes ou abstraites, dont trois tableaux de Mondrian, écho à la célèbre robe du couturier en jersey de laine écru incrusté de bandes noires, de rectangles, rouge, jaune et bleu, issue de la Collection automne-hiver 1965.
Yves Saint-Laurent avait de son vivant archivé toute sa production, à une époque où la mode n’était pas censée passer à la postérité. Le couple Bergé/Saint-Laurent, dès qu’il en a eu les moyens, a conservé la mémoire de tout le processus créatif : dessins originaux, fiches d’ateliers, bijoux, patrons, broderies, photographies. Comme cette sélection de polaroïds, témoignage de chaque tenue complète de ses défilés, à voir au Centre Pompidou.
Quête de beauté, d’harmonie
Saint-Laurent dessine et possède un immense talent de coloriste qu’il va perfectionner au Maroc, où il imaginera toutes ses collections, osant des alliances de couleurs audacieuses, orange et violet, bleu et vert, rose et orange.
1966 sera une année pop, 1967 une année africaine, avec la collection dite «Bambara» que Yves Saint-Laurent signe un an après le Festival mondial des arts nègres, lancé par le Président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, à Dakar et Paris.
Au Centre Pompidou, Mouna Mekouar, curatrice de ces six expositions, et les conservateurs, Christian Briend et Marie Sarrey, ont su révéler l’intérêt de Saint-Laurent pour l’Afrique. Le manteau en raphia roux et perles de bois, réminiscence des habits rituels dogon, dialogue avec le cabinet de curiosités de André Breton, la robe noire à poitrine conique en organza brodée de perles de plastique, cohabite avec l’Objet désagréable du sculpteur Alberto Giacometti.
Excepté Oran, en Algérie -où il est né-, et le Maroc -son refuge à partir des années 1960-, le couturier n’a jamais mis les pieds ailleurs en Afrique. Il en admire pourtant les formes et silhouettes. Le premier objet acheté pour ses collections d’art privé, sera d’ailleurs un oiseau sénoufo de Côte d’Ivoire, symbole de fécondité. Sculpture jamais vendue, qui accueille aujourd’hui encore les visiteurs au Musée Yves Saint-Laurent de Marrakech.
Hommages
Yves Saint-Laurent s’inspire de Matisse, Warhol, Léger…. Au Centre Pompidou, la blouse roumaine du couturier est exposée juste à côté du tableau de Henri Matisse, qui porte le même nom. Au Musée Picasso, le couturier emprunte à l’esthétique cubiste du grand maître, éternels jeux de construction et de déconstruction. En 1979, Saint-Laurent consacre une Collection complète automne-hiver au peintre espagnol, comme cette robe qui reprend les visages asymétriques dans l’œil du peintre. Autre hommage que cette veste brodée de tournesols, empruntée à Vincent Van Gogh, pour la Collection printemps-été 1988.
Au Louvre, dans la galerie de Apollon, le département des objets d’art du plus grand musée du monde, abrite les diamants de la Couronne. Quatre vestes brodées rivalisent avec l’orfèvrerie des lieux, dont le fameux Cœur en strass, broche que portait l’une de ses modèles lors de chaque défilé. Au Musée d’Art moderne de Paris, une vingtaine de pièces du couturier se déploient. Trois robes devant l’immense Fée électricité, peinture de Raoul Dufy de 600 mètres carrés, des blouses d’organza devant les tableaux de Bonnard.
Bal «Proust» à Orsay
L’œuvre de Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, fait partie des livres de chevet de Yves Saint-Laurent. Le Musée d’Orsay, musée des impressionnistes, a choisi le salon de l’horloge pour exposer la robe que porta la chanteuse et actrice, Jane Birkin, en 1971 pour un bal «Proust», ainsi que celle portée par la baronne de Rothschild. Elles cohabitent avec différents smokings pour femme, réinventés année après année et pièces iconiques du couturier. Un habit qui transférait les codes du pouvoir masculin aux femmes.
«Je suis un artiste raté», disait Yves Saint-Laurent dans une interview à la presse en 2000, reconnaissant avoir pioché chez les plus grands artistes de son temps. Ces «touches» haute couture signées Saint-Laurent, exposées dans les collections permanentes de grands musées parisiens, restent un exercice délicat, tant il est difficile de présenter un vêtement sans corps, en mouvement. Sans aucun accessoire, sur des mannequins minimalistes, les tenues dégagent pourtant une force sans âge, qui a sans doute à voir avec l’art.
rfi
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