Russie : une vidéo montre des étudiants africains se faire traiter de « singes » et distribuer des bananes

Une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux depuis fin janvier montre des étudiants africains victimes de racisme. Ces images ont causé une vive émotion parmi la communauté africaine en Russie, alors que les cas de racisme ne sont pas nouveaux dans ce pays où des dizaines de milliers d’Africains étudient. Notre Observateur raconte les discriminations et les insultes de son quotidien.

La vidéo, qui a circulé sur Reddit et sur des réseaux sociaux russes, est en fait un montage de plusieurs vidéos. Derrière la caméra, des voix d’hommes parlant russe invectivent des étudiants noirs, traitent l’un de « singe » (à la 19e seconde) et proposent aux étudiants des bananes, le tout en rigolant.

Elle a été tournée le 20 janvier sur le campus de l’Université d’État de la construction de Moscou, où étudient plus de 200 étudiants étrangers, originaires de 35 pays. ‘Some of the insults they use are so rude that I can’t repeat them’.

« Quand les gens me voient, la première chose qu’ils font, c’est de rigoler »
Christ Dinga, 27 ans, est un étudiant originaire du Congo Brazzaville. Il vit en Russie depuis 2015. Contacté par notre rédaction, il raconte sa vie de personne noire en Russie.

En Russie, j’ai personnellement été victime de racisme à plein de reprises. Quand les gens me voient, la première chose qu’ils font, c’est de rigoler : « regardez, un homme noir. Qu’est ce qu’il fait ici ? « . On subit des moqueries tous les jours. Il y a des groupes sur VKontakte [réseau social russe, NDLR] qui sont remplis de haine. Je me connecte seulement pour lire les informations concernant les études. Tout le monde n’est pas raciste en Russie, mais le racisme existe.

Cependant je n’ai pas été témoin de racisme au point de ce qu’on peut voir dans cette vidéo. Il y a deux Russes, un qui filme et l’autre qui tient des bananes et jette des boules de neige aux étudiants africains, les traitant de « singes ». Certaines insultes sont tellement vulgaires que je ne peux pas les répéter. La première personne dans la vidéo est un Angolais, qui se défend, il profère lui aussi des insultes. Le deuxième est nigérian, il accepte la banane sans se rendre compte que c’est pour l’humilier. Le troisième est angolais aussi, et le quatrième un Guinéen, avec qui une bagarre a éclaté mais la partie de la vidéo qui montrait ça a été coupée.

Je peux dire que les étudiants africains sont victimes de racisme et de discrimination. D’ailleurs le 25 octobre 2020 le corps sans vie d’un étudiant burundais avait été retrouvé non loin du campus, au même endroit où cette vidéo a été tournée. Il existe une association au sein de l’université au nom d’Interclub, censée lutter contre la discrimination. Sur le terrain cette association ne fait rien du tout. Son but est en réalité de protéger l’image de l’université.

Jolivet Makoroka, un étudiant burundais de 31 ans de l’Université d’État d’ingénierie civile de Moscou, avait disparu le 22 octobre 2020 et avait été retrouvé mort trois jours plus tard, avec le crâne fracturé. Son corps avait été trainé dans les buissons. Les étudiants ont organisé une cérémonie en hommage à la victime, mais selon notre Observateur, l’université n’a pas réagi au décès.

Entre l’Afrique et la Russie, des partenariats universitaires

Ces dix dernières années, des étudiants africains en Russie ont régulièrement dénoncé des insultes, des coups et des incidents de harcèlement. De manière générale, les personnes noires en Russie font état d’incidents réguliers, incluant le refus d’être admises dans des restaurants, prises en charge par un taxi, ou rejeté par des propriétaires immobiliers.

En 2013, un ressortissant swazilandais a été victime d’une attaque homophobe, filmée. Il a été expulsé de son université après s’être plaint.

Près de 27 000 étudiants africains sont scolarisés en Russie dans le cadre de divers partenariats. Notre Observateur lui-même est bénéficiaire d’une bourse de l’État congolais pour étudier à Moscou. Il estime cependant que ni la Russie ni le Congo ne lui ont donné assez de moyens pour vivre durant ses études. Selon lui, il est contraint de donner des cours à des étudiants russes pour gagner un peu d’argent.

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