Six ans après la mort d’Adama Traoré, une marche antiraciste est organisée samedi, à Paris, à l’appel du comité « Vérité et Justice pour Adama », afin de dénoncer la dernière expertise demandée par les juges. La manifestation entend également dénoncer plus largement les discriminations et la violence.
Elle appelle les Français, quelle que soit leur « couleur », leurs « origines », leurs « croyances » à participer au rassemblement pour « réclamer et exiger la vérité dans la mort [de son frère, Adama] ». Six ans après la mort de celui-ci, lors de son interpellation par trois gendarmes, sa sœur, Assa Traoré, appelle de nouveau les Français à sortir dans la rue pour « réclamer justice ».
Le comité « Vérité et Justice pour Adama » organise une marche antiraciste à Paris, samedi 12 février, afin de dénoncer la dernière expertise médicale demandée par les juges d’instruction pour tenter de déterminer les causes de la mort d’Adama Traoré. Une expertise (la dixième depuis le début de l’affaire) farouchement rejetée par la famille. « Elle a été demandée par la juge d’instruction, Françoise Foltzer, qui a donné aux experts un arrêt maladie datant de 2014 [deux ans avant la mort d’Adama Traoré] en leur demandant si ce document pourrait donner lieu à une expertise différente », explique Assa Traoré, contactée par France 24.
Les experts mandatés quatre professeurs de médecine belges – qui avaient déjà rendu leur expertise en février 2021 –, laquelle soulignait pour la première fois la responsabilité des gendarmes dans la mort d’Adama Traoré.
Le 29 juin 2021, les juges d’instruction avaient demandé à ces mêmes experts de compléter leur expertise au regard de l’arrêt de maladie précédemment évoqué. L’avocat de la famille Traoré, Me Yassine Bouzrou, avait alors estimé qu' »à chaque fois qu’apparaîtront des éléments à charge lourds contre les gendarmes, les juges feront tout afin de les dédouaner », et avait demandé « la nullité de cette expertise ». En vain, puisque l’expertise en question sera publiée le 15 février.
« La vérité est claire, la vérité est simple »
L’arrêt maladie au cœur de cette nouvelle expertise a été mis sous scellé, « ce qui signifie que moi, en tant que famille de la victime, je n’ai pas accès [avec mon avocat] à ce document », précise Assa Traoré, ajoutant avoir porté plainte contre la juge d’instruction.
Début février, l’avocat de la famille Traoré a par ailleurs déposé une troisième demande de reconstitution de l’interpellation. « Il faut savoir que nous, on n’a pas peur de la vérité », affirme Assa Traoré à France 24. « La vérité est claire, la vérité est simple : cette reconstitution, que nous demandons depuis maintenant cinq ans, a toujours été refusée par la justice parce que la réalité ne correspondrait pas à leurs dires ».
Elle réclame également que les trois gendarmes ayant procédé à l’interpellation de son frère soient mis en examen. Quatre experts mandatés par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme se sont également dits préoccupés par « la lenteur de l’instruction » de l’affaire Adama Traoré et de « l’absence de mise en examen ». Dans une lettre envoyée au gouvernement français, en novembre 2021, ils ont également pointé une « absence de prise en considération d’un possible mobile raciste dans la mort de M. Traoré. »
« Les gendarmes devraient être mis en examen, car les expertises ont parlé : celle que la justice a mandatée et celle que nous avons faite en parallèle avec l’expert de George Floyd », insiste Assa Traoré, évoquant Michael Baden, le médecin légiste qui avait procédé à l’autopsie de cet Afro-Américain, mort par asphyxie lors de son interpellation à Minneapolis (États-Unis), en mai 2020. Consulté par la famille Traoré pour examiner le dossier Adama Traoré, Michael Baden avait, en mars 2021, livré un rapport médical mettant en cause la responsabilité des gendarmes.
« Aujourd’hui, on est dans un déni de justice », dénonce Assa Traoré, qui demande un procès public. « Tout le monde doit pouvoir entendre de leur propre bouche ce qui s’est passé ce 19 janvier 2016. »
Comme la marche qui avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Paris le 13 juin 2021, le comité « Vérité et Justice pour Adama » invite samedi une nouvelle fois les Français à dénoncer la violence et les discriminations. « Quand on demande la justice pour Adama, quand on dit qu’on veut l’égalité, on sait que le pays de l’égalité ne peut pas en être un s’il y a une justice pour Adama, mais une injustice pour quelqu’un d’autre », explique Assa Traoré à France 24. « Toutes les injustices doivent être combattues », conclut-elle.
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