Au marché «Total», l’un des plus fréquentés de Brazzaville, l’incessant ballet d’allées et venues entre les stands de fruits et légumes est à l’essoufflement depuis janvier. Même son de cloche à Pointe-Noire où les prix des produits alimentaires ont subi une hausse annuelle de 8,6% en janvier. Face à cette situation qui affecte le pouvoir d’achat des Congolais, l’accélération du développement de la production locale, déjà initiée par certains acteurs, devient primordiale.
Malgré son fort potentiel agricole, le Congo importe aujourd’hui près de 70% de ses produits agricoles vivriers. Des importations dont le coût annuel est estimé à près de 700 milliards de francs CFA, ce qui représentait 64,6% du budget de l’Etat en 2020. En parallèle, le pays fait face depuis quelques mois à une inflation alimentaire à l’instar d’autres pays d’Afrique subsaharienne, en raison de la hausse des prix du pétrole qui accroît les coûts de transport mondiaux. À cela s’ajoutent des restrictions à l’exportation mises en place par certains pays.
Cette situation qui devient intenable affecte certains revendeurs qui considèrent déjà d’autres alternatives, plus locales. C’est ce qu’explique Mathilde K., une vendeuse de légumes à Pointe-Noire : « Nous sommes souvent obligés de vendre à perte ou de voir nos produits pourrir. Les légumes que nous recevons sont parfois moins frais qu’avant… La solution serait de s’approvisionner à l’intérieur du pays, de faire appel à des fournisseurs locaux ». Anticipant cette nécessité, le gouvernement a adopté des réformes qui visent à stimuler les investissements étrangers dans des zones agricoles, comme le Niari.
Une nouvelle dynamique agricole facilitée par des investissements agro-industriels
Le département du Niari est l’un des principaux bénéficiaires de ces réformes entreprises par les autorités congolaises avec le soutien de bailleurs comme la Banque mondiale et la CNUCED. Situé à 160 km de Pointe-Noire, il a vu depuis quelques années l’installation d’acteurs internationaux à l’instar d’Agri Resources Group ou encore Tolona, une entreprise espagnole.
Installée à Dolisie depuis 2016 où elle y gère plus de 69 000 hectares de terres, Agri Resources Congo, filiale d’Agri Resources Group (la branche agricole de Monaco Resources Group) a investi dans la production locale de céréales (riz et maïs) et maraîchère (chou, poivrons, oignons verts, piment, oignon). « Depuis 2016, nous avons mis notre expertise et savoir-faire acquis sur l’ensemble de notre réseau en Afrique au service des communautés locales du pays. Sur le dernier trimestre 2021, nous avons été en mesure de produire plus de 20 tonnes de légumes, et cela, grâce à notre main d’œuvre locale et nos pratiques agricoles durables. La prochaine étape est centrée sur la transformation de ces matières premières, des renforts techniques ont déjà eu lieu et des discussions avec nos investisseurs durables stratégiques se concentrent sur cet aspect essentiel » explique Frédéric Dalmasie, Président Directeur Général d’Agri Resources Group. L’entreprise est en train de finaliser la construction d’une chambre froide lui permettant de stocker à termes près de 500 tonnes de légumes frais. Grâce à développement conjoint avec R-Logistic Congo, la branche logistique de Monaco Resources Group, ils assurent l’acheminement tout en garantissant la fraîcheur et la qualité des légumes, et cela, de la récolte dans les champs de Dolisie à l’entreposage sur les étals des vendeurs de Pointe-Noire.
Le groupe Tolona, également présent sur les bords du fleuve Niari, s’est lui positionné sur la production du maïs et autres cultures à haute valeur ajoutée. L’entreprise s’est également lancée dans l’élevage de volailles destinées à la production d’œufs, afin de fournir le marché local à prix réduits. Ces deux exemples, parmi tant d’autres, illustrent la nouvelle dynamique en place, fruit de réformes du gouvernement, qui tente également d’accompagner les plus petits exploitants, comme le témoigne la validation le 18 janvier 2022 du projet d’appui au développement de l’agriculture commerciale (PDAC).
Développer l’agriculture à petite échelle
Une autre initiative du gouvernement a été de mettre en place un projet d’appui au développement de l’agriculture commerciale (PDAC) afin d’encourager le développement de l’agriculture à petite échelle. C’est dans cet esprit que le PDAC de 2022 prévoit deux milliards de francs CFA de subventions en vue de la mécanisation de l’appareil productif d’une cinquantaine d’exploitants.
Bien que du chemin reste à faire, la volonté affichée par le gouvernement et les moyens mis en place permettent d’envisager un essor de la production agricole locale au cours des prochaines années. Lors d’une rencontre tenue le 3 février 2022, Guyslain Kayembé Ngeleza, le co-chargé du PDAC et Korotoumou Ouattara, la représentante de la Banque mondiale, ont adressé des recommandations qui pourraient ainsi booster l’agriculture congolaise au ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche. Les principaux besoins des producteurs identifiés ont été la mise à disposition d’entrepôts réfrigérés pour la conservation des légumes et fruits, la construction des silos pour la conservation du maïs, la finance rurale, la disponibilité des semences de qualité et la mécanisation
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