Près de six ans après l’assassinat du père Jacques Hamel, égorgé dans son église de Saint-Étienne du Rouvray, trois proches des jeunes assaillants jihadistes tués sur place sont jugés à partir de lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris, ainsi que le propagandiste du groupe État islamique et instigateur présumé de l’attaque, Rachid Kassim, présumé mort.
Son meurtre avait choqué la France. Le procès de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray s’est ouvert lundi 14 février à Paris, près de six ans après l’assassinat du père Jacques Hamel à coups de couteau en pleine messe, avec trois membres de l’entourage des assaillants dans le box des accusés et un grand absent, l’instigateur présumé Rachid Kassim.
Les deux jihadistes de 19 ans, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, qui se réclamaient du groupe État islamique (EI), ont eux été tués par la police à leur sortie de la petite église de la banlieue de Rouen (Seine-Maritime), le 26 juillet 2016.
Cet attentat visant pour la première fois en Europe un prêtre dans une église avait bouleversé bien au-delà des frontières françaises.
Les trois hommes attendus dans le box de la cour d’assises spéciale de Paris, Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia, sont renvoyés pour « association de malfaiteurs terroriste ». Ils sont soupçonnés d’avoir été au courant des projets des deux jeunes hommes, d’avoir partagé leur idéologie ou d’avoir tenté de rejoindre la Syrie.
Le quatrième accusé, Rachid Kassim, présumé mort dans un bombardement en Irak en février 2017, sera le grand absent du procès.
Ce propagandiste français du groupe État islamique est le seul à être mis en examen pour complicité de l’assassinat du prêtre, pour avoir « sciemment encouragé et facilité le passage à l’acte » d’Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean.
Malgré l’absence des principaux responsables, les victimes et leurs proches veulent croire que le procès, prévu pour durer près de quatre semaines, aidera à la « compréhension » de ce qui s’est passé.
« Comprendre les motivations »
Guy Coponet, qui assistait à la messe avec sa femme et avait été grièvement blessé, « veut comprendre, à travers le procès, comment des jeunes tout juste sortis de l’adolescence en sont arrivés à commettre de telles horreurs », a expliqué à l’AFP son avocat, Méhana Mouhou.
Malgré ses 92 ans, il prévoit d’assister à l’audience, ce qu’il considère comme « une mission spirituelle » « pour la mémoire du père Hamel » et de son épouse, aujourd’hui décédée.
« Comprendre qui étaient les auteurs de l’acte » et leurs « motivations », c’est aussi l' »attente principale » des deux sœurs du père Hamel, Roseline et Chantal, selon leur avocat, Me Christian Saint-Palais.
Elles veulent également savoir pourquoi leur frère, « un homme de paix », a été « désigné comme cible », et s’il y a eu « des insuffisances dans l’arsenal de prévention », alors que l’un des assassins était placé sous bracelet électronique au moment de l’attentat, après un départ avorté vers la Syrie.
L’archevêque de Rouen monseigneur Dominique Lebrun, interrogé par l’AFP, attend lui « que la justice soit rendue », pour les victimes, mais aussi pour « Farid Khelil, Yassine Sebaihia et Jean-Philippe Jean Louis détenus depuis cinq ans ». « Sont-ils coupables ? De quoi ? », interroge-t-il.
Pour Béranger Tourné, avocat de Jean-Philippe Jean Louis, la réponse est claire : ces trois accusés ne sont « que trois lampistes (…) que l’on tente de raccrocher » de façon artificielle à l’attentat.
L’accusation décrit son client, âgé de 25 ans aujourd’hui, comme « très actif dans la jihadosphère », via l’administration d’une chaîne Telegram pro-EI et la création de cagnottes en ligne pour soutenir des personnes de « la mouvance islamiste radicale ».
Quelques semaines avant l’attentat, il s’était rendu en Turquie avec Abdel-Malik Petitjean, pour, selon l’accusation, rejoindre la Syrie.
Farid Khelil, cousin d’Abdel-Malik Petitjean, est lui présenté comme fasciné par les discours jihadistes.
Également en contact avec Rachid Kassim sur Telegram, il aurait soutenu les velléités d’action violente de son cousin.
Ce Nancéien aujourd’hui âgé de 36 ans « n’était pas du tout au courant du projet criminel de son cousin » et « conteste avoir partagé son idéologie », assure au contraire à l’AFP son avocat, Me Simon Clemenceau.
Quant à Yassine Sabaihia, 27 ans, qui avait brièvement rejoint les deux terroristes à Saint-Etienne-du-Rouvray le 24 juillet, avant de rentrer à Toulouse, « il ne savait pas ce qui était en train de se préparer », affirme son avocate, Me Katy Mira, espérant que le procès « fera le jour sur la non implication » de son client.
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