Poussés dehors par la junte au pouvoir à Bamako, la France et ses partenaires européens ont officialisé jeudi matin leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antijihadiste menée par Paris.
Poussés dehors par les « obstructions » de la junte au pouvoir à Bamako, la France et ses partenaires européens ont officialisé, jeudi 17 février, leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antijihadiste menée par Paris, tout en affirmant vouloir rester engagés auprès des pays sahéliens et du golfe de Guinée.
« En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les états européens opérant aux côtés de l’opération (française) Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel […] au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations », soulignent-ils dans une déclaration conjointe.
« Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés », et qui ont recours à « des mercenaires de la société [russe] Wagner » aux « ambitions prédatrices », a fait valoir le président français, Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse aux côtés des présidents sénégalais, ghanéen et du Conseil européen. Les autorités maliennes continuent de nier la présence de ces mercenaires sur leur territoire.
Paris et ses partenaires souhaitent toutefois « rester engagés dans la région » sahélienne et « étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest » pour contenir la menace jihadiste. Les « paramètres » de cette réorganisation seront arrêtés « d’ici à juin 2022 », selon la déclaration conjointe.
« Nous comprenons cette décision », a déclaré Macky Sall dans une conférence de presse commune avec le président Emmanuel Macron. « La lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains […]. Nous sommes heureux que l’engagement ait été renouvelé de rester dans la région et de réarticuler le dispositif », a-t-il ajouté, alors que le départ français risque potentiellement d’ouvrir des perspectives aux jihadistes.
Le Sahel et le Golfe de Guinée sont des « priorités de la stratégie d’expansion » des organisations jihadistes Al-Qaïda et État islamique, a souligné Emmanuel Macron.
La France est militairement présente depuis 2013 au Mali, proie des groupes jihadistes qui sévissent aussi dans d’autres États sahéliens. Paris est intervenu pour enrayer la progression des groupes islamistes radicaux menaçant Bamako et a ensuite mis sur pied une vaste opération régionale, Barkhane, déployant des milliers de soldats pour lutter contre les franchises locales d’Al-Qaïda et du groupe État islamique.
Emmanuel Macron « récuse complètement » l’idée d’un échec français au Mali
Mais malgré des victoires tactiques, le terrain n’a jamais été véritablement repris par l’État malien et ses forces armées. Facteur aggravant, le gouvernement malien a été renversé lors d’un double coup d’État en 2020 et en 2021, aboutissant à l’arrivée au pouvoir d’une junte qui refuse d’organiser des élections avant plusieurs années et qui surfe sur un sentiment antifrançais croissant dans la région.
Emmanuel Macron « récuse complètement » l’idée d’un échec français au Mali, a-t-il toutefois réagi jeudi. « Que se serait-il passé en 2013 si la France n’avait pas fait le choix d’intervenir ? Vous auriez à coup sûr un effondrement de l’État malien », a-t-il fait valoir, en ajoutant qu' »ensuite nos militaires ont obtenu de nombreux succès », dont l’élimination de l’émir d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) en juin 2020.
Quelque 25 000 hommes sont actuellement déployés au Sahel, dont environ 4 300 Français (2 400 au Mali dans le cadre de Barkhane), selon l’Élysée. Le pays accueille aussi 15 000 soldats de l’ONU au sein de la Minusma.
Concrètement, la fermeture des dernières bases françaises au Mali (Gao, Ménaka et Gossi) prendra de « 4 à 6 mois », a détaillé Emmanuel Macron. « Pendant ce temps, […] nous allons continuer d’assurer les missions de sécurisation de la Minusma », qui continuera de bénéficier d’un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens, a-t-il assuré.
Des militaires européens participant au groupement de forces spéciales Takuba « seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali », a-t-il précisé. Le Niger héberge déjà une base aérienne et 800 militaires français.
Le Mali était au cœur du dispositif antiterroriste français et européen au Sahel. Emmanuel Macron avait déjà décidé d’amorcer à l’été 2021 une réduction des effectifs français au profit d’un dispositif régional moins visible, mais ce départ contraint du pays force Paris à accélérer cette réorganisation dans d’autres pays de la région menacés par la contagion jihadiste. En s’efforçant de rendre la présence française moins visible.
« Il s’agit de nous recentrer sur les demandes de nos partenaires là où notre contribution est attendue, toujours en soutien et encore davantage intégrée […]. Nous définirons dans les semaines et mois qui viennent l’appui que nous apporterons à chacun des pays de la région sur la base des besoins qu’ils auront exprimés », et « cet appui pourra inclure de l’aide en matière de formation et d’entraînement, de la fourniture d’équipements, voire un appui à leurs opérations contre le terrorisme », a conclu Emmanuel Macron.
Depuis 2013, 53 soldats français ont été tués au Sahel, dont 48 au Mali.
AFP