Cette semaine, le quotidien belge La Libre Belgique publie un long format sur le vote singulier des Français résidant en Belgique. Ces expatriés votent davantage à l’élection présidentielle et surtout, différemment. Explications.
Pourquoi les Français de Belgique votent-ils plus à l’élection présidentielle que dans le reste du monde, et différemment ? Le quotidien belge La Libre Belgique a publié cette semaine un long format basé sur une étude universitaire pour comprendre cette singularité. En 2017, un peu plus de 46 000 personnes ont en effet participé au scrutin sur les 83 000 citoyens français inscrits sur les listes électorales en Belgique cette année-là. Ce qui place la Belgique au deuxième rang sur les onze pays qui comptent le plus de ressortissants français. Son taux de participation (56,6 %) des Français à l’étranger a été le plus élevé en 2017, après le Luxembourg (61,18 %).
Cette particularité s’explique. Il y a d’abord la proximité géographique, culturelle et linguistique avec la France. « Dans les médias nationaux, on parle de l’élection française. On s’intéresse aussi à ceux qui sont plus proches, géographiquement et culturellement de nous », estime Caroline Close, chercheuse et professeure en science politique à l’Université libre de Bruxelles, interrogée par « La Libre ». Un tel climat favorise l’envie de participer au vote.
Même constat pour Bruno Jean-Étienne, secrétaire général de l’association Français de Belgique-ADFE, lui aussi contacté par le quotidien. « Quand il y a des élections présidentielles, la Belgique vit les élections par procuration. Toute la Belgique regarde le débat entre les deux candidats. »
Mimétisme et émulation
Autre facteur, l’adaptation à la norme du pays de résidence. Comme le vote est obligatoire en Belgique et au Luxembourg, on peut penser qu’il incite, par mimétisme, plus volontiers les expatriés à se rendre aux urnes. C’est du moins ce que pense Caroline Close. « Si on part du principe que les ressortissants français sont socialisés et immergés parmi les nationaux qui vont très régulièrement voter, comme les Suisses par exemple, ça peut avoir un impact sur leur propre motivation à aller voter. » C’est d’autant plus vrai que les ressortissants français votent moins dans les pays où le taux de participation est plus faible, comme aux États-Unis ou au Canada.
La faible superficie du pays a aussi une incidence sur le vote. Ou plutôt la répartition de la population sur le territoire. En chiffres absolus, il y a beaucoup plus de ressortissants français au Canada et aux États-Unis qu’en Belgique, en Suisse et au Luxembourg, « mais ils sont dispersés sur le territoire. La densité de réseau peut donc y être moins forte », explique La Libre. Or, « l’acte d’aller voter, c’est aussi le résultat d’une socialisation, de l’intégration des personnes dans des réseaux où on parle de politique, où chacun pousse les autres à participer », observe la sociologue. « Je crois que c’est plutôt une question de dispersion et d’éloignement géographique à l’intérieur de ces territoires qui peut avoir un impact sur la participation. »
Disparités du vote
Deuxième question abordée dans le long format de La Libre : pourquoi le vote des expatriés français en Belgique est-il différent du vote national ? Lors de l’élection présidentielle de 2017, les ressortissants français résidant en Belgique ont en effet plébiscité Emmanuel Macron avec 36 % des voix contre 24,01 % au niveau national, soit 12 points d’écart. Plus étonnant, la candidate Marine Le Pen, arrivée deuxième au premier tour des résultats nationaux, n’est parvenue qu’à la cinquième place dans le vote des Français de Belgique. Là encore, ces disparités s’expliquent.
Selon la sociologue interrogée par La Libre, les positions des candidats sur l’Europe livrent une partie de l’explication. « La grande différence réside dans le vote pour les deux candidats opposés sur le clivage gagnant-perdant de la mondialisation : Emmanuel Macron et Marine Le Pen. » Il n’est pas étonnant que des Français installés en Belgique ait été sensibles aux arguments europhiles d’Emmanuel Macron. « En Belgique, surtout à Bruxelles, de nombreux ressortissants gravitent autour de l’Union européenne, par leur emploi dans les institutions ou par les lobbyings », abonde Bruno Jean-Étienne, le secrétaire général de l’association Français de Belgique-ADFE.
Même scénario en 2022 ?
Il existe également des raisons sociologiques propres pour expliquer ces disparités. « Je vais simplifier, mais les électeurs de Marine Le Pen sont d’un niveau socio-économique plus faible », avance Caroline Close. « Ce ne sont pas des électeurs qui parlent spécifiquement plusieurs langues. Ce n’est pas un profil d’électeur qui peut se permettre d’aller travailler à l’étranger par exemple. Ce sont les perdants de la mondialisation. Vous n’allez donc pas retrouver sociologiquement ce profil-là parmi les expatriés français, en tout cas très peu. »
Enfin, dernière question : de telles disparités vont-elles à nouveau se produire en 2022 ? Impossible de le dire tant qu’on ne dispose pas des résultats du premier et du second tour, affirment les auteures de l’article, Pauline Denys et Emma Druelles. Tout comme il est difficile de savoir si la candidature d’Emmanuel Macron suscitera le même engouement en Belgique en 2022.
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