Dans un rapport fait au Conseil de sécurité des Nations-Unies, M. Mankeur Ndiaye, Représentant spécial du Secrétaire général, chef de la MINUSCA, a livré son rapport ce 22 février 2022, à New-York, sur la situation en République centrafricaine. Voici l’intégralité de son discours revenant, point par point, sur les faits dominants de ce pays en crise depuis plusieurs années, les avancées et surtout, les défis à relever.
Situation en République Centrafricaine : Le Rapport Mankeur Ndiaye, Représentant spécial du Secrétaire général, chef de la MINUSCA
Monsieur le Président,
Madame la Ministre des Affaires Etrangères, de la Francophonie et des centrafricain de l’étranger ;
Monsieur Bertino Mathias Matondo, Représentant Spécial et Chef du Bureau de l’Union Africaine en République Centrafricaine ;
Monsieur Joao Samuel Caholo, Secrétaire Exécutif de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,
Je tiens à vous remercier ainsi que le Secrétaire général de me faire encore une fois l’honneur de prendre la parole aujourd’hui, devant vous, pour vous présenter mon rapport sur la situation en République centrafricaine, en application des dispositions pertinentes de la Résolution 2605du 12 novembre 2021. J’aimerais, dès l’entame de mon propos, saluer l’intérêt que vous continuez de porter à la situation en République centrafricaine ainsi que le soutien unanime apporté à la MINUSCA en renouvelant son mandat et en l’adaptant sans cesse aux contexte et exigences de la situation sur le terrain.
Je saisis cette occasion pour renouveler mes félicitations et vœux de succès au nouveau Premier ministre Monsieur Félix Moloua et à son Gouvernement, qui a assurément de nombreux défis à relever, notamment la mise en œuvre de l’Accord de paix, la conduite du dialogue républicain, la restauration de l’autorité et des services de l’État conformément aux exigences de l’État de droit pour une prise en charge effective des populations affectées par la crise, Il n’est point besoin de relever que ces populations n’aspirent qu’à reprendre leurs activités socioéconomiques et bénéficier d’une relance des programmes de développement compte tenu de la période de récession post-COVID qui fragilise le tissu social. Il en est de même pour la tenue des élections locales tant attendues depuis 1988. Dans ce cadre,la MINUSCA et l’Equipe Pays des Nations Unies sont et demeurent pleinement mobilisées aux côtés du Gouvernement et du peuple centrafricain, et avec les partenaires stratégiques
Je voudrais, une fois encore, exprimer notre gratitude aux membres du Conseil pour leur soutien décisif lors de la crise électorale, notamment à travers l’augmentation du plafond des contingents militaires et de police. J’exprime ma reconnaissance au quartier général pour les efforts déployés afin de diligenter le déploiement des nouvelles capacités militaires et de police dont les plus essentielles ont commencé à arriver et devraient conférer à la Mission une plus grande aptitude à protéger les populations civiles et à défendre son mandat. Tout en leur renouvelant ma gratitude pour leur soutien constant à la MINUSCA, j’encourage les pays contributeurs de troupes et de police à honorer leur engagement de déployer leurs contingents.
Monsieur le Président, honorables membres du Conseil,
Des progrès vers la paix et la stabilité en République centrafricaine sont notés et se poursuivent avec des défis toujours présents. À la suite de l’adoption de la feuille de route conjointe de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs,le 16 septembre 2021 et de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral par le Président Touadéra le 15 octobre, des représentants de cette organisation sous-régionale ont effectué une visite de suivi à Bangui le 14 janvier 2022 pour faire avancer la mise en œuvre effective de la feuille de route pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine.
Je remercie tous les partenaires régionaux et internationaux et les États de la sous-région engagés dans cette initiative et j’en appelle à leur soutien continu pour atteindre les objectifs escomptés. Cette initiative, faut-t-il le rappeler, gagnerait à renforcer son ancrage dans l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation. J’appelle ainsi le Gouvernement à manifester davantage son engagement pour l’avancement du processus de paix à travers l’adoption de mesures concrètes et rapides. Il s’agit en particulier, concernant la feuille de route, d’en définir les mécanismes de suivi, en les rendant opérationnels, adossés à un calendrier clair et en responsabilisant chacune des parties prenantes.
Le succès de la feuille de route n’est possible que s’il existe une forte volonté politique et si tous les acteurs matérialisent, sans équivoque et de manière irréversible, leur commune volonté de dépassement de la crise par l’exécution de bonne foi de toutes leurs obligations. Le peuple centrafricain est toujours en attente des dividendes de la paix. Il est urgent que ce processus politique vienne alléger les souffrances des populations, victimes des violences d’un conflit qui n’a que trop duré.
Les partenaires de la République centrafricaine, la MINUSCA en premier, continuent de jouer un rôle proactif en soutenant les conditions propices à la poursuite du processus de paix.La complémentarité entrela feuille de route conjointe et de l’Accord de paix du 6 février 2019, devrait faciliter des interactions synergiques, etpromouvoir la revitalisation dudit Accord.
À cet effet, la visite à Bangui mi-février, des experts de la CIRGL, rwandais et angolais a permis l’établissement et l’élaboration des termes de référence d’un groupe de travail de suivi, en coordination étroite avec les autorités nationales et les partenaires internationaux. Ce groupe de travail est responsable du suivi detrois aspects de la feuille de route de Luanda, arrêtés lors du dernier sommet de la CIRGL, à savoir : i) l’engagement avec les groupes armés ; ii) les effets de la déclaration de cessez-le-feu unilatéral par le Chef de l’État ; et iii) le renforcement de la capacité opérationnelle du Gouvernement dans le cadre du DDR. Ce groupe de travail devrait alors permettre de redonner de l’élan au processus de paix de manière coordonnée et de saisir toute nouvelle opportunité de mutualisation des expertises et ressources dans l’intérêt de la paix et de la sécurité.
La MINUSCA travaille à remobiliser tous les partenaires et fait un usage optimal de ses bons offices et de sa Force afin d’accroître la contribution des partenaires internationaux au processus de paix et de s’assurer, avec toutes les parties prenantes, de la crédibilité et de l’intégrité de l’Accord. Il y va de notre intérêt commun de travailler avec le Gouvernement afin que les garants et facilitateurs de l’Accord de paix du 6 février 2019 s’investissent pleinement dans le processus de revitalisation dudit Accord à travers la mise en œuvre de la Feuille de Route pour la Paix et la Réconciliation.
Aussi, la Mission, à travers ses bons offices, contribue-t-elle àfaire avancer le processus politique en République Centrafricaine. Avec ses partenaires, la MINUSCA s’est employée, auprès du Gouvernement et de l’opposition politique républicaine, à instaurer un climat de confiance pour sortir de l’impasse dans laquelle les préparatifs du dialogue républicain se trouvaient, en raison du retrait de l’opposition de ce processus. Je me réjouis que cet investissement collectif ait abouti au retour de l’opposition démocratique au sein du Comité d’Organisation du Dialogue Républicain qui a repris ses travaux.
J’appelle tous les acteurs politiques à poursuivre cet élan positif afin de contribuer à la tenue d’un dialogue républicain sincère, inclusif et constructif, de nature à générer des accords en faveur de la stabilité et de la réconciliation nationale. Conformément à son mandat, la MINUSCA continuera à soutenir le processus préparatoire et la création de conditions propices à la bonne tenue du dialogue, que le Gouvernement prévoit d’organiser au mois de mars. Les attentes sont grandes. Il s’agitd’apporter des solutions politiques durables et de créer un climat politique propice à la bonne tenue des élections locales. L’engagement sincère de toutes les parties prenantes en sera la clé de ce succès.
Monsieur le Président, honorables membres du Conseil,
Avec son mandat d’assistance électorale,la Mission continue de soutenir les Autorités nationales et de travailler avec la Communauté internationale afin de s’assurer de la bonne tenue des élections locales qui vont grandement contribuer à l’approfondissement du processus de démocratisation par la promotion d’une gouvernance locale inclusive. Àcet effet, la mission travaille avec tous les acteurs politiques pour maintenir un climat politique apaisé, et renforcer la confiance, afin de permettre, le moment venu, à la population de participer pleinement et sans entrave à cet exercice démocratique.
Le succès de ces élections tant attendues contribuera également à l’approfondissement du processus de décentralisation ainsi qu’à l’extension de l’autorité de l’État et à l’élargissement de l’espace politique sur toute l’étendue du pays.Pour que le processus soit pleinement à la hauteur des attentes et au service de toute la population, j’encourage leGouvernement à déployer tous les efforts possibles pour l’apaisement du climat politique. J’appelle également la communauté internationale à poursuivre son soutien à l’organisation deces élections qui découlent des dispositions de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation. Il faudrait quelque dix millions de dollars US.
Monsieur le Président, honorables membres du Conseil,
En dépit de la déclaration du cessez-le-feu unilatéral en octobre 2021, la situation sécuritaire demeure préoccupante. En effet, dans certaines parties du territoire, des opérations militaires sont en cours contre des groupes armés, membres de la Coalition des Patriotes pour le Changement. À ces opérations militaires, s’ajoutent les représailles menées par les groupes armés à la fois contre les forces de sécurité nationale et les populations. Je note les progrès réalisés au cours de ces opérations en termes de reprise du contrôle du territoire, précédemment occupé par des groupes armés. Je déplore néanmoins que des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire continuent d’être commises par toutes les parties au conflit, y compris l’usage excessif de la force ainsi que le ciblage de certaines communautés dans les théâtres d’opérations, les violences sexuelles basées sur le genre et/ou liées aux conflits ainsi que le recrutement, les abus et l’utilisation d’enfants par des groupes armés.
J’exhorte les autorités centrafricaines à mener les enquêtes requises, poursuivre les auteurs de ces violations et rendre ainsi justice aux victimes. J’encourage les autorités nationales à prendre des mesures tangibles et immédiates pour prévenir les violations des droits de l’homme commises par les forces de défense et de sécurité et les autres personnels de sécurité. J’insiste également sur la nécessité de coupler la reprise du contrôle du territoire avec une restauration effective de l’autorité de l’État, à travers le déploiement de services au profit de la population.
En effet, la restauration de l’autorité de l’État et son corollaire, l’extension de son contrôle sur le territoire national offrent, pour le Gouvernement, les Nations Unies et tous les partenaires internationaux, une belle opportunité pour insuffler un élan vital dans la prise en charge graduelle, par les autorités étatiques, de leur responsabilité principale de protéger les populations civiles.
Dès lors, il me semble plus que jamais urgent, au regard de l’extension significative de l’autorité de l’État, d’encourager le Gouvernement à explorer une démarche plus équilibrée qui tempère la prédominance des opérations militaires par la poursuite, des processus politique et de paix. L’action militaire est certes nécessaire, mais pas suffisante à elle seule pour apporter des solutions politiques durables à la crise centrafricaine. Non, il n’y aura pas de solution militaire exclusive à la crise. Ceci est d’autant plus fondé que le recours actuel aux supplétifs par les forces armées centrafricaines, si l’on y prend pas garde, est susceptible de compromettre les initiatives de désarmement, de démobilisation et de réintégration en cours, de ruiner les gains engrangés dans le processus de réforme du secteur de la sécurité, de fragiliser l’œuvre de réconciliation nationale et de répandre un climat de suspicion mutuelle de nature à raviver les tensions aux relents ethniques et/ou religieux.
J’exhorte les autorités nationales à préserver l’intégrité des efforts de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement en se conformant au cadre national actuel unique et au programme de réduction de la violence communautaire, en empêchant toute initiative parallèle qui saperait ces efforts. Je tiens à réaffirmer que l’État a la responsabilité première de protéger les populations civiles. Pour ce faire, les déploiements des forces nationales de défense et de sécurité intérieure, doivent être durablement soutenus, sous un commandement et un contrôle plus effectifs et de manière structurelle pour atteindre la plénitude de leur fonctionnalité afin d’assurer leurs missions régaliennes de protection des populations et de garant de l’intégrité du territoire. Ceci requiert un travail de réforme institutionnelle en profondeur, qui lui-même apparait comme la résultante d’une forte volonté politique avec l’implication concertée et transparente de tous les partenaires stratégiques de la République centrafricaine.
Je tiens, à féliciter les autorités nationales dans leur volonté de mise en œuvre de la feuille de route sur la Réforme du Secteur de la Sécurité, approuvée par le chef de l’État en août 2021, dont les documents cadres, notamment la Politique Nationale de Sécurité et la Stratégie Nationale RSS, font aujourd’hui l’objet d’une révision en vue de leur mise à jour. Il s’agit-là d’une bonne perspective qui s’inscrit, dans une dynamique de contrôle démocratique et citoyen, de redevabilité et de gouvernance du secteur de la sécurité.
J’attire l’attention surla banalisation de l’utilisation d’engins explosifs parles parties au conflit notamment dans l’Ouest du pays. Je condamne fermement l’utilisation des engins explosifs aux conséquences dramatiques et appelle les parties prenantes au conflit à renoncer à leur usage immédiatement. Il leur revient, dans ce contexte, de faciliter l’accès aux personnes en quête d’assistance humanitaire et de protection. En raison de la recrudescence de l’utilisation de ces engins explosifs en RCA, j’encourage le Gouvernement centrafricain à explorer avec le soutien des partenaires la mise en place d’un mécanisme national en charge de la lutte antimines.
Monsieur le Président, honorables membres du Conseil,
La justice doit aller de pair avec la réconciliation pour favoriser une paix durable. J’encourage les autorités nationales, avec le soutien des partenaires internationaux, à poursuivre leurs efforts pour renforcer le système judiciaire afin de faire respecter la loi de manière impartiale et indépendante. Je salue la tenue de la première audience publique de la Chambre préliminaire de la Cour pénale spéciale, qui témoigne des progrès réalisés dans la lutte contre l’impunité. J’appelle au respect de l’indépendance et de l’impartialité de la Cour Pénale Spéciale. Il est essentiel de créer un environnement qui permette à la Cour de s’acquitter pleinement de son mandat, notamment de mener des enquêtes et d’engager des poursuites. Avec le concours des partenaires internationaux et du Gouvernement, les structures et les bases nécessaires à la lutte contre l’impunité sont en place. Mais la justice ne peut servir la réconciliation que si les jugements sont rendus. J’appelle donc à prendre toutes les mesures possibles pour assurer l’exécution des mandats d’arrêt de la Cour Pénale Spéciale.
J’aimerais relever au titre des développements positifs, pour m’en réjouir, les efforts déployés par le Gouvernement pour l’opérationnalisation de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation. Les membres de cette Commission, nommés dans le respect de la parité homme/femme, sont à pied d’œuvre et peuvent permettre à la République centrafricaine de franchir un tournant décisif vers la promotion du droit des victimes à la vérité, à la justice et à la réparation, étape incontournable vers la réconciliation nationale. Il est de notre évaluation que la République Centrafricaine inaugure, à travers cette Commission, l’ère d’une approche globale de justice transitionnelle qui mérite le soutien de tous les partenaires stratégiques, au moment où son fonctionnement se confronte à la rareté des ressources nécessaires au bon déroulement de ses opérations et ce, malgré les efforts du Gouvernement qui continue à prendre en charge les salaires des membres de cette Commission.
Je déplore le climat délétère entretenu par des campagnes de désinformation qui nuisent aux relations entre le Gouvernement, la population et la MINUSCA et alimentent des comportements hostiles de la population et des forces armées et de sécurité intérieure. J’appelle le gouvernent à lutter contre ses agissements, y compris à travers des poursuites judiciaires, pour renforcer notre collaboration dans la mise en œuvre conjointe du mandat que le Conseil de sécurité nous a confié.
Je déplore également la persistance des violations de l’Accord de siège, avec 17 violations documentées entre le 1er octobre 2021 et 1er février 2022. Toutefois, je tiens à saluer la réactivité du Président de la République face aux cas de violations du SOFA soumis à sa haute attention.J’invite à nouveau le Gouvernement à continuer le dialogue avec la MINUSCA dans l’intérêt de la sécurité et de la sûreté du personnel de maintien de la paix. Je salue la disponibilité du nouveau Premier Ministre à cet égard.
Par ailleurs, je souhaite souligner les progrès réalisés dans le traitement des incidents relatifs aux exploitations et abus sexuels.La MINUSCA a entrepris un audit stratégique dont l’objectif premier est d’améliorer sa gestion des risques d’exploitation et d’abus sexuels dans le cadre d’une approche plus intégrée et proactive.
Monsieur le Président, honorables membres du Conseil,
En RCA, les progrès sont réels, mais les défis restent nombreux. Le rôle actif de la Mission demeure essentiel pour soutenir les ajustements nécessaires au processus de paix dont les contours sont dessinés par l’Accord de paix, la feuille de route conjointe, le dialogue républicain et les élections locales. Ces outils pour la paix il faut les saisir pleinement et les manier habilement, avec toujours le souci premier de la protection des populations civiles. Une fois encore, j’appelle le Gouvernement et la communauté internationale à soutenir la mise en œuvre de la résolution 2605, pour apporter la stabilité, la cohésion sociale et le développement à tous les Centrafricains.
Je vous remercie.
leral
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