Depuis la chute d’IBK, le peuple malien exprime un sentiment légitime de révolte contre la domination héritée de la colonisation. Paris doit en prendre acte et s’opposer aux mesures prises à l’encontre du pays par la Cedeao et l’Union africaine.
Le Mali vient d’être frappé par des sanctions d’une inhabituelle agressivité, de nature à affecter directement la vie quotidienne d’une population aux revenus déjà maigres et fragiles. Paradoxalement, cette situation provoque localement une sorte d’optimisme, une fierté presque joyeuse partagée par bien des citoyens des pays voisins. Une rupture mentale avec la domination est en cours. Nous y voyons une chance pour le Mali, pour l’Afrique, pour le monde. Une chance aussi pour la France.
Puissante révolte populaire
En 2020, une puissante révolte populaire a mis à bas un régime de plus en plus kleptocratique et des institutions inopérantes parce que copiées-collées sur celles de l’ancien occupant colonial. En un jour et sans un coup de feu, une intervention militaire a reconduit chez eux les responsables de cet état de fait. En deux étapes, des institutions de transition conduites par des personnalités civiles et militaires respectées ont été mise en place : présidence, gouvernement, conseil national de transition. Objectif politique annoncé : la refondation des pouvoirs publics. Et cette volonté de refondation coïncide avec un vif renouveau d’intérêt dans la société pour l’étude des institutions politiques endogènes de l’Afrique de l’Ouest, ainsi que pour son patrimoine culturel et spirituel.
N’est-il pas temps, pour la France, de se saisir de cette situation pour retirer son masque défraîchi de sauveur du monde ?
Face à cette situation, les chefs d’État de la Cedeao puis de l’Union africaine ont « suspendu » le Mali, enjoignant son « retour » à « l’ordre constitutionnel » et à « l’État de droit ». La France, soupçonnée d’être l’inspiratrice de cette injonction, a tenté d’entraîner l’ONU dans la voie des sanctions. Mais chacun sait que pour plusieurs des présidents signataires des sanctions, « l’ordre constitutionnel » et « l’État de droit » ne sont que des alibis pour leur mal-gouvernance et leur confiscation du pouvoir. Chacun peut comprendre que le peuple malien n’ait pas envie d’y « retourner ».
Durant toute cette période, le peuple malien et ses dirigeants ont fait preuve d’une grande maturité, distinguant soigneusement les autorités françaises et africaines des citoyennes et des citoyens de ces pays. N’est-il pas temps, pour la France, de se saisir de cette situation pour retirer son masque défraîchi de sauveur du monde et de modèle universel ? Pour mettre ses puissantes singularités et sa grande histoire en conversation sans surplomber les civilisations d’Afrique ? Pour s’associer avec volontarisme au rééquilibrage symbolique, économique et politique de notre planète où se tissent déjà tant de liens familiaux et amicaux transfrontaliers, désormais constitutifs de l’identité française ?
Cruelles sanctions
Pour toutes ces raisons, nous demandons à Paris d’intervenir au plus vite pour obtenir la levée immédiate des cruelles sanctions imposées au Mali. Elles ont notamment pour conséquence de compliquer les transferts d’argent de la diaspora malienne, souvent essentiels pour leurs familles. Nous encourageons également les autorités de transition à favoriser la mise en place, aussi vite que possible, d’instruments de contrôle démocratique du pouvoir, et notamment l’organisation d’élections libres et vérifiées.
Nous invitons aussi les autorités françaises à renoncer définitivement à faire la leçon à des pays qu’elle a longuement occupés, en violation flagrante du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous assurons enfin nos ami.e.s du Mali, de France et d’ailleurs, de notre engagement pour la construction d’une planète débarrassée de la domination des uns sur les autres, une planète équilibrée.
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