La déclaration du président russe au sujet de la mise en alerte de l’arsenal nucléaire de la fédération a suscité de vives réactions de la communauté internationale.
La mise en alerte par Vladimir Poutine des forces de dissuasion nucléaire de son pays a suscité dimanche un haro mondial et jusqu’à la promesse de l’UE de fournir des avions de chasse à l’Ukraine, qui résiste avec acharnement à l’invasion russe.
Après des combats intenses notamment à Kharkiv (1,4 million d’habitants), deuxième ville d’Ukraine dans le nord-est du pays, dont les forces ukrainiennes ont déclaré avoir repris le contrôle dimanche après l’entrée de blindés russes dans la nuit, l’espoir fragile d’une trêve était né dans le sillage de l’annonce de pourparlers russo-ukrainiens à la frontière bélarusse. Mais Vladimir Poutine, dont les forces se sont heurtées depuis jeudi à la résistance des Ukrainiens et à la mobilisation des Occidentaux, a ordonné dans une réunion filmée avec son ministre de la Défense Sergueï Choïgou de «mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte», ce qui concerne les forces nucléaires, invoquant «les déclarations belliqueuses de l’Otan» et les sanctions «illégitimes» imposées à la Russie.
Les États-Unis ont aussitôt dénoncé une escalade «inacceptable», accusant Vladimir Poutine de «fabriquer des menaces qui n’existent pas afin de justifier la poursuite d’une agression». Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a dénoncé une attitude «irresponsable» de Moscou.
La ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht a accusé le chef de l’État russe d’avoir «franchi un cap supplémentaire» parce que «l’invasion rapide de l’Ukraine a été stoppée par des actions courageuses et déterminées de l’Ukraine». «Ce qui se passe vraiment, c’est qu’ils se défendent peut-être avec plus d’effet, plus de résistance, que ce que s’imaginait le Kremlin», a abondé le premier ministre britannique Boris Johnson.
En réponse, les pays du G7 ont intimé dimanche soir à la Russie de «mettre un terme immédiatement aux attaques contre l’Ukraine», la menaçant de nouvelles sanctions après celles, déjà considérables, adoptées cette semaine.
Des avions de chasse
De son côté, Bruxelles a annoncé dimanche débloquer 450 millions d’euros pour financer des livraisons d’armes à l’Ukraine, fermer l’ensemble de son espace aérien à tous les avions russes et bannir dans l’UE les médias d’État russes RT et Sputnik et leurs «mensonges».
«Pour la première fois, l’UE va financer l’achat et la livraison d’armements et d’autres équipements à un pays victime d’une guerre. C’est un tournant historique», a souligné la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Bruxelles va proposer d’utiliser une ligne de financement d’urgence de l’UE «pour fournir aux forces ukrainiennes des armes létales, ainsi que du carburant, des équipements de protection et des fournitures médicales», a détaillé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Quant à la Suisse, son président Ignazio Cassis a déclaré dimanche «probable» qu’elle décide de geler à son tour les milliards d’avoirs russes qu’elle détient. Le Canada a annoncé dimanche l’envoi à l’armée ukrainienne d’équipements militaires de protection, quelques heures après la fermeture de son espace aérien aux appareils russes.
L’UE va prendre également de nouvelles sanctions contre le Bélarus en interdisant les exportations des «plus importants secteurs économiques» du régime de Minsk, «complice» de l’invasion russe. Mais aussi, évolution considérable et source potentielle d’escalade avec Moscou qui a menacé tout pays venant en aide à l’Ukraine, l’UE a annoncé dimanche soir avoir l’intention de fournir des avions de combat aux forces ukrainiennes.
«Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a dit avoir besoin d’avions que les Ukrainiens peuvent piloter. Certains États membres disposent de ce genre d’avions et nous allons les fournir avec d’autres armements nécessaires à une guerre», a déclaré Josep Borrell à l’issue d’une réunion avec les ministres des Affaires étrangères de l’UE.
«Il faut qu’on essaie», a déclaré Zelensky
Conséquence de la guerre en Ukraine et des sanctions décidées par les Occidentaux, la Banque centrale européenne a constaté lundi la «faillite ou faillite probable» de la filiale européenne de la banque russe Sberbank, parmi les plus grandes du pays, à cause de retraits «significatifs». «La coalition anti-guerre en action !» s’est félicité sur Twitter le président ukrainien Volodymyr Zelensky, après s’être entretenu avec Boris Johnson et le président polonais Andrzej Duda.
Concernant les hypothétiques pourparlers, la présidence ukrainienne n’en a pas précisé la date, la Russie affirmant initialement qu’ils auraient lieu dès dimanche. Selon Kiev, la rencontre devait avoir lieu à la frontière ukraino-bélarusse, «dans la région de la rivière Pripiat», près de Tchernobyl. Moscou a évoqué la région de Gomel, de l’autre côté de la frontière du Bélarus, pays qui sert de base arrière pour ses militaires. «Je ne crois pas trop à un résultat», mais «il faut qu’on essaie», a déclaré Volodymyr Zelensky dans une vidéo.
Déjà plus de 368’000 réfugiés
Sur le terrain, le flot de réfugiés fuyant l’Ukraine enfle. Depuis jeudi, quelque 368’000 réfugiés ont fui vers les pays voisins et leur nombre «continue à augmenter», a annoncé le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés. L’UE a dit s’attendre à plus de 7 millions de personnes déplacées. L’Ukraine a fait état de quelque 200 civils tués et de dizaines de militaires morts au combat, mais n’a pas publié de bilan précis dimanche.
Selon l’état-major ukrainien, l’armée russe «n’a pas atteint» son «principal objectif (qui) est de verrouiller Kiev» et a recours «au sabotage» avec «des groupes de reconnaissance qui détruisent l’infrastructure civile». À Kiev, sous couvre-feu jusqu’à lundi 08 h 00, la journée a été calme après des affrontements durant la nuit «avec des groupes subversifs» selon le bureau du maire.
Deux villes encerclées
De son côté, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir encerclé deux grandes villes du Sud, Kherson et Berdiansk, qui comptent respectivement 290’000 et 110’000 habitants. Il revendique également des gains territoriaux pour les séparatistes prorusses dans l’Est, soutenus par l’armée russe.
L’armée russe a pour la première fois dimanche reconnu des pertes humaines, sans les chiffrer. L’Ukraine affirme que plus de 4300 soldats russes ont été tués. Kiev accuse par ailleurs la Russie devant la Cour internationale de justice de planifier un génocide en Ukraine, a annoncé dimanche la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté dimanche une résolution convoquant lundi «en session extraordinaire d’urgence» l’Assemblée générale des Nations Unies pour que ses 193 membres se prononcent sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et la France déposera lundi au Conseil de sécurité un projet de résolution sur l’aide humanitaire à l’Ukraine.
L’Union européenne a confirmé dimanche qu’elle s’était entendue avec les puissances du G7 pour bloquer les transactions de la Banque centrale russe. Quant à l’éviction de banques russes du système international de messagerie interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale, annoncée samedi, le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell a annoncé que l’UE «continuera à y travailler» avec ses partenaires dans le monde.
Volodymyr Zelensky a salué la formation d’une «coalition anti-guerre» internationale pour soutenir l’Ukraine et appelé les étrangers à venir se battre «contre les criminels de guerre russes» dans une «Légion internationale» en formation. Premier pays à réagir à cet appel, le Danemark a dit ne pas y voir d’»obstacle juridique». «C’est un choix que tout un chacun peut faire», a déclaré la Première ministre Mette Frederiksen.
Première décision frappant le secteur pétrolier, la major britannique BP a annoncé dimanche sortir du capital du géant russe Rosneft dont elle détient une participation de 19,75%, malgré la perte financière importante engendrée. L’Arabie saoudite a de son côté confirmé son attachement à l’alliance Opep+ avec la Russie, dimanche lors d’un entretien entre le prince héritier Mohammed ben Salmane et le président français Emmanuel Macron.
Premier oligarque russe à s’exprimer contre le conflit, le milliardaire russe Mikhaïl Fridman a dénoncé la guerre en Ukraine, une «tragédie» qui va selon lui «ravager» les deux pays. Des milliers de personnes ont défilé dimanche en Europe en solidarité avec l’Ukraine. «Stoppez la guerre! Stoppez Poutine!»: au moins 100’000 personnes ont manifesté à Berlin, 70’000 à Prague, 40’000 à Madrid, 15’000 à Amsterdam et 10’000 à Copenhague.
Les boycotts de la Russie dans le sport se multiplient. La Fédération tchèque de football refusera d’affronter la Russie en vue du Mondial-2022, à l’instar de la Pologne et la Suède, la Fédération française «penche pour une exclusion de la Russie».
2 Commentaires