Le sentiment anti-immigrés refait surface en Afrique du Sud. Le pays a déjà été secoué par des violences xénophobes meurtrières en 2008, 2015 ou 2019. Un mouvement baptisé Operation Dudula multiplie les manifestations pour demander de renvoyer les immigrés illégaux chez eux. Des actions sont menées contre les commerces accusés d’employer trop d’étrangers. La place qu’occupent les étrangers sur le marché du travail est une thématique qui monte, notamment chez les politiques, toutes sensibilités confondues. La faute notamment à un taux de chômage qui bat des records : 35% au dernier pointage.
Ils sont environ un millier à défiler dans le quartier déshérité de Hillbrow, dans le centre de Johannesburg ce matin. Ils chantent en zoulou : « Qui vous a dit de vous rabaisser face à un étranger ? Pas nous, on reste droits ! » Si le message officiel est « pas d’emplois pour les sans papiers », les revendications des manifestants dépassent ce cadre.
« Pour le moment, on se concentre sur les sans papiers, mais même les autres étrangers doivent nous faire de la place, on doit pouvoir travailler » revendique cet homme. « On en a assez des immigrés qui s’emparent du pays, clame une femme. Il y a des gens qui ont des diplômes universitaires mais qui restent chez eux faute de travail. »
Ces revendications sont le fruit d’une frustration : le taux de chômage explose, il dépasse les 65% chez les 15-24 ans. À quelques rues de la manifestation se tient une réunion de plusieurs collectifs contre la xénophobie. On y retrouve Shaheen Khan. Il est inquiet du fait de la dégradation continue des conditions de vie qui alimente le sentiment anti-immigrés. « Le niveau d’inégalité est plus important que sous l’apartheid, affirme Shaheen Khan. Les gens ont faim. On l’a vu pendant les émeutes de juillet. »
Ces émeutes avaient suivi l’arrestation de l’ancien président Jacob Zuma. Se mêlaient alors des facteurs politiques et sociaux sur fond de pandémie. Selon Terri Magott, une militante, les manifestations anti-immigrés se nourrissent d’un facteur supplémentaire : les contre-vérités.
« Je ne sais pas d’où vient cette idée qu’il y a un afflux d’immigrés, mais statistiquement, c’est faux, affirme Terri Maggot. Pareil pour les emplois, il y en a peu de disponibles, donc comment voulez-vous que les immigrés occupent des emplois qui n’existent pas ? »
Les politiques ont une grande responsabilité dans la propagation de ce genre d’idées, observe Khangelani Moyo, chercheur sur les questions de migration. « Quand il y a des violences xénophobes, elles sont souvent déclenchées par un discours politique, explique-t-il. On s’en est aperçu plusieurs fois avec Herman Mashaba, quand il était maire de Johannesburg. Même lors des dernières élections locales, il a fait campagne sur un sentiment anti-immigrés. »
Aujourd’hui, c’est le gouvernement qui semble adhérer à l’idée qu’il y a trop d’étrangers pour certains emplois. Une loi est en cours d’écriture pour imposer des quotas.
rfi
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