En annonçant, mercredi soir, de nouveaux investissements dans la défense, Emmanuel Macron a implicitement reconnu un manque de moyens. Ce qui est avéré
La guerre en Ukraine va-t-elle accélérer la course à l’armement ? Mercredi soir, lors de son allocution consacrée à l’invasion russe, Emmanuel Macron a été formel : « Notre pays amplifiera l’investissement dans sa défense. » Et pour cause. Côté français, cette attaque est venue confirmer plus qu’une intuition, une certitude : celle que les prochains conflits armés relèveront de la « haute intensité ». En clair : selon les militaires, les guerres de demain généreront des affrontements plus durs, à plus grande échelle et cela se traduira par d’importantes pertes humaines.
Ce que l’offensive de Moscou sur Kiev vient donc confirmer. Toutefois, si la France n’intervient pas directement sur le sol ukrainien, se contentant de livraisons d’armes, cette attaque au cœur de l’Europe ne peut que poser la question de nos capacités à faire face à une telle situation ? Dit autrement, la défense française pourrait-elle tenir ? Si cette interrogation exclut le recours à l’arme nucléaire, Emmanuel Macron y a implicitement répondu. Et sa réponse est négative.
Preuve que le sujet préoccupe, un rapport de la commission de défense de l’Assemblée nationale consacré à la préparation à la haute intensité a été publié le 17 février. Signé des députés Patricia Mirallès (LREM) et Jean-Louis Thiériot (LR), il apporte un éclairage saisissant. Certes, à la lueur de la cinquantaine d’auditions menées, ils dressent un constat flatteur : « En dépit de son caractère “échantillonnaire”, la France reste une puissance militaire crédible et l’une des plus aguerries du monde occidental. » Il n’empêche, des faiblesses existent. En particulier sur le volume des forces disponibles.
Or, dans le cas d’un conflit à haute intensité, c’est-à-dire face à un État, la masse fait la différence. Dans les airs, en mer ou sur terre. Ainsi, pour Patricia Mirallès : « En extrapolant à partir des taux d’attrition constatés lors de conflits symétriques entre forces aériennes (la guerre de Kippour ou la guerre des Malouines), il est manifeste que l’aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours. » Rappelons qu’aujourd’hui l’armée de l’air compte une centaine de Rafale.
Et les difficultés sont aussi réelles dans le domaine terrestre, comme elle le rappelle : « L’exercice Warfighter conduit aux États-Unis en avril 2021 a entraîné fictivement la mort d’un millier de soldats et davantage de blessés en dix jours. » Et d’ajouter : « Une frappe de drone, en particulier, a provoqué la mort de huit cents soldats. » Enfin, sur mer, les perspectives ne sont pas plus clémentes : l’exercice Polaris, organisé du 27 novembre au 3 décembre dernier, l’a montré : « Sept à huit bâtiments de guerre ont été détruits. En une quinzaine de minutes d’un premier combat, deux frégates avaient été envoyées par le fond et deux autres étaient neutralisées, soit entre 200 et 400 marins tués ou disparus. »
Ces exemples le montrent : un conflit de puissance à puissance demande encore plus de moyens que la lutte contre le djihadisme que la France mène au Sahel. Face à ces perspectives, les rapporteurs appellent à poursuivre l’effort de modernisation engagée dans les armées et les grands projets déjà lancés : le Scaf, le futur avion de combat européen, et le nouveau porte-avions notamment.
Reste que depuis 2017, les budgets de la Défense ont été augmentés. Et la nouvelle loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit 295 milliards d’euros d’investissements. Début février, à Canjuers (Provence), l’armée de terre a présenté le dernier né de ses véhicules blindés, le Jaguar. Équipé d’un canon de 40 mm et lourd de 20 tonnes, c’est le successeur des antiques VAB et autre AMX10RC. Pour l’heure, 62 véhicules ont été commandés, mais 135 auront été livrés fin 2025 et près de 300 à l’horizon 2030. Toujours au rayon des blindés, depuis 2019, le Griffon, actuellement déployé au Mali, est opérationnel. Pour l’heure, la France en compte près de 300 pour un objectif fixé à 900 en 2025 et 1872 exemplaires en 2030.
Début février, Hervé Grandjean, le porte-parole des Armées, rappelait les objectifs fixés pour 2025 : « 200 chars Leclerc, dont 80 rénovés, 135 Jaguars, 3 300 blindés légers, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque dont 67 Tigre, 115 hélicoptères de manœuvre, 109 canons de 155 et 20 drones tactiques notamment. » Les prévisions tablent aussi sur 185 Rafale dans huit ans. Pour autant, malgré les efforts enclenchés, le député Jean-Louis Thiériot estime, que pour affronter un conflit à « haute intensité », il faudrait mobiliser 40 à 60 milliards d’euros supplémentaires.
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