Quel est le rapport entre un crâne des catacombes de Paris, une pièce de monnaie romaine engloutie au large de la Corse et cinq lingots d’or ayant sombré sur la côte bretonne ? Vendus illégalement aux Etats-Unis, ces vestiges ont été saisis par les autorités américaines, qui les ont rendus à la France.
La cérémonie de restitution solennelle s’est tenue mercredi à Washington, en présence de l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, Philippe Etienne, et d’un haut directeur de la lutte anticriminalité américaine, Steve Francis.
Les deux responsables ont dévoilé les objets exposés sur un présentoir et décrit l’odyssée de ces biens nimbés de mystère, décrétés « inaliénables », qui n’auraient jamais dû quitter le territoire français.
Epave mise à sac
« Il est inacceptable que des biens culturels puissent être volés et objets de trafics et c’est l’une de nos priorités communes entre les Etats-Unis et la France », a expliqué à l’AFP M. Etienne.
Les lingots d’or faisaient partie de la cargaison du Prince de Conty, un navire de la Compagnie française des Indes orientales. De retour d’Extrême-Orient, ce voilier avait sombré corps et biens le 3 décembre 1746 près de Belle-Ile-en-Mer. Des 229 hommes à bord, seuls 45 survécurent.
L’épave immergée par 10 à 15 mètres de fond était tombée dans l’oubli jusqu’à sa découverte en 1974 par un enseignant qui avait étudié les archives. Des plongeurs indélicats avaient ensuite mis à sac le site subaquatique, faisant main basse sur les lingots.
Cinq de ces lots sont réapparus sur le catalogue d’une maison de vente californienne, qui prévoyait de les mettre aux enchères début 2018.
Pour le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm), le service chargé d’inventorier le patrimoine immergé en France, il ne fait aucun doute que ces lingots estampillés de caractères chinois provenaient du Prince de Conty.
Alertée par les autorités françaises, la police américaine est alors intervenue.
« Les preuves fournies par l’Etat français étaient irréfutables », a confié à l’AFP l’agent spécial David Keller, spécialisé dans les biens culturels.
Preuve par les poinçons
Ces lingots « étaient utilisés comme monnaie par la Chine pour acheter des biens provenant de France dans le cadre du commerce international. Les poinçons à leur surface identifient les personnes qui ont fabriqué ces lingots sous la dynastie des Qing, donc ils condensent beaucoup d’histoire », a ajouté l’enquêteur américain.
La petite pièce d’or rendue à la France est elle beaucoup plus ancienne, remontant au temps de la décadence de l’empire romain: elle faisait partie du fabuleux trésor englouti de Lava, une cargaison ayant sombré il y a 1.700 ans dans un golfe près d’Ajaccio.
Le site, découvert ou redécouvert en 1985 par des frères pêchant l’oursin, a été pillé de façon clandestine par ces mêmes Corses pris par la fièvre de l’or, qui se sont fait remarquer en menant grand train grâce à la revente de leur butin.
Pour les numismates, le trésor de Lava est l’une des plus importantes découvertes de l’histoire. Certaines pièces rarissimes sont estimées à plusieurs centaines de milliers d’euros l’unité. Celle rendue à la France a été retrouvée après avoir été mise en vente en 2013 par un marchand à Los Angeles.
Le crâne a lui été localisé dans une cargaison d’antiquités importées par un brocanteur de Houston, au Texas.
L’examen de la boîte osseuse par un expert et le travail des investigateurs américains ont permis d’établir avec certitude que ce vestige faisait partie du plus grand ossuaire du monde, les catacombes de Paris, abritant les restes de plusieurs millions de Parisiens dans d’anciennes galeries de carrières.
Pourquoi une telle mobilisation pour un crâne d’une personne anonyme, décédée au XVIIIe siècle ou avant ?
« C’est un reste humain mais qui appartient tout autant –j’allais dire peut-être encore plus– à notre histoire », justifie l’ambassadeur Philippe Etienne. « Ce n’est pas un hasard si les catacombes font partie des sites les plus visités, les plus célèbres à Paris et même dans le monde entier. Cela fait aussi partie de notre culture ».
AFP
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