Pour toutes celles et ceux qui désespèrent à chaque fois qu’ils reçoivent des appels intempestifs du CPF ou de leur opérateur téléphonique, des solutions existent. On fait le point avec une avocate spécialisée.
Le démarchage téléphonique n’est pas nouveau, surtout depuis l’avènement des smartphones. Pourtant depuis quelques années, il n’a jamais été aussi envahissant. C’est désormais presque quotidiennement que l’on reçoit des SMS ou appels d’organismes en tous genres, qui nous proposent de souscrire par téléphone à la meilleure offre de notre vie. Plus récemment, c’est le CPF (compte professionnel de formation) qui a envahi nos messageries, et nous harcèle de manière récurrente, à toute heure de la journée. Entre arnaques et recours légaux, on a demandé à Maître Emma Hanoun, avocate spécialisée en droit des nouvelles technologies pour le cabinet DJS Avocats, de nous aider à y voir plus clair.
Le Compte personnel de formation : c’est quoi au juste ?
Si jusqu’à présent les opérateurs téléphoniques étaient les rois du démarchage intempestif, depuis quelques mois c’est le CPF qui s’est imposé à nos oreilles. Plusieurs fois par semaine, parfois même tous les jours, un opérateur nous appelle pour faire la promotion de notre Compte Personnel de formation. Même après avoir bloqué le numéro entrant et demandé plusieurs fois à ne plus être rappelé, les tentatives se multiplient, et virent parfois au harcèlement.
Pour bien comprendre pourquoi le CPF a subitement attiré l’attention des démarcheurs téléphoniques, il faut s’y intéresser d’un peu plus près : créé dans le cadre de la réforme sur la formation professionnelle en 2014, ce dispositif de financement public est ouvert à toutes les personnes majeures sous contrat de travail ou inscrites à Pôle Emploi. Concrètement, il s’agit d’un cumul d’heures de formation personnelle, qui a été converti en euros depuis 2019. Désormais accessible sous la forme de crédits, il permet à son bénéficiaire de réserver et de payer une formation directement en ligne.
Crédité à raison de 500€ par année de travail, et dans une limite de 5000€, le CPF représente une importante manne financière pour certains escrocs, qui entendent bien nous convaincre de dépenser nos crédits dans des formations imaginaires, voire carrément frauduleuses. C’est pour cette raison que le démarchage téléphonique lié au CPF a explosé ces derniers mois : le service encore méconnu du grand public concerne près de 38 millions de Français et Françaises, mais surtout 53 milliards d’euros potentiels à détourner.
Appels du CPF : attention c’est une arnaque !
Officiellement, le gouvernement n’a pas encore interdit le démarchage téléphonique lié au CPF. Pourtant, lorsque ce dernier vous contacte par SMS ou téléphone, vous pouvez être certain qu’il s’agit d’une tentative de phishing, met en garde Maître Emma Hanoun : “Un centre de formation non frauduleux pourrait tout à fait effectuer du démarchage téléphonique, sous réserve de respecter les réglementations en matière de droit de la consommation et de la protection des données à caractère personnel. Toutefois, la Caisse des Dépôts rappelle que seul le site officiel peut vous permettre d’utiliser votre CPF en toute sécurité. On peut en déduire que quasi tous les appels, SMS, mails reçus sont presque tous des démarchages frauduleux qui relèvent de l’escroquerie”. Prudence donc, il vaudra mieux ne jamais donner suite aux propositions qui vous sont faites par téléphone, et privilégier la plateforme web officielle.
Face à la multiplication des arnaques au CPF, le gouvernement avait déjà promis d’agir dès l’été 2021, en renforçant les lois contre le démarchage téléphonique. En attendant leur interdiction pure et simple, les prospections frauduleuses liées au Compte personnel de formation savent pourtant jouer sur la corde sensible des particuliers. Généralement, les escrocs misent sur l’urgence en prétextant que si le crédit n’est pas rapidement utilisé, il sera perdu (ce qui est totalement faux).
Pour faire simple, gardez à l’esprit que le CPF ne vous appellera jamais. C’est à vous de faire valoir vos droits en vous rendant directement sur le site officiel de l’organisme pour vous inscrire aux formations qui vous intéressent. Notons que depuis le début de l’année 2022, le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion et le ministère des Comptes publics ont réuni un comité de pilotage chargé de lutter contre le démarchage abusif et la fraude au CPF.
Démarchage téléphonique : nos conseils pour dire stop
En marge des arnaques, le démarchage téléphonique peut aussi parfois virer au harcèlement. Pourtant, des lois existent rappelle Maître Hanoun, à commencer par le droit d’opposition du consommateur, qui repose sur un système opt-out simple : si vous dites non à un service, il ne peut légalement plus vous appeler. “Les seules exceptions qui existent à cela, c’est lorsque la prospection concerne la vente de journaux, ou qu’il existe déjà une relation contractuelle”, précise Me Hanoun. “Encore une fois, c’est encadré, puisque c’est uniquement valable dans le cadre d’une relation en cours, et qui s’étale dans le temps”. Notons aussi que les instituts de sondage, qui par définition ne sont pas à but commercial peuvent aussi vous contacter, conformément aux réglementations en vigueur.
En théorie, et si l’organisme qui vous démarche respecte la loi, il est tenu de ne plus vous rappeler sur simple demande de votre part. Dans la réalité, les choses sont un peu plus compliquées. Pour être certain de faire valoir vos droits, le plus simple reste encore de s’inscrire sur le fichier centralisé d’opposition Bloctel, conseille Me Hanoun : “À partir de là, le démarcheur n’a plus le droit de vous appeler, et s’il l’a déjà fait, il ne peut plus céder vos coordonnées à d’autres entreprises”. Si les appels persistent, il sera alors possible de déposer une réclamation, directement sur le site ou sur celui de la DGCCRF, qui pourra prononcer une sanction”.
Côté sanctions justement, les démarcheurs illégaux risquent gros : en 2020, le montant des amendes administratives a été augmenté, passant à 75 000€ maximum pour une personne physique, et 375 000€ pour une personne morale. La loi dispose aussi que tout contrat conclu dans le cadre d’une prospection illégale est automatiquement nul. De plus, c’est désormais à l’entreprise concernée de prouver qu’elle est conforme en cas de plainte, selon le principe de présomption de responsabilité établi en 2020. Enfin, et au même titre que les décisions prises par la CNIL, l’autorité de contrôle de la DGCCRF a désormais l’obligation de publier ses décisions sur son site officiel. Un ajout dissuasif estime Me Hanoun, qui “la plupart du temps a plus d’impact que la sanction elle-même”.
Mieux vaut prévenir que guérir
Qu’il s’agisse du CPF, de notre opérateur téléphonique ou de n’importe quel organisme commercial, il existe des moyens légaux pour ne plus être démarché par téléphone. Le plus simple reste cependant d’agir en amont, et de ne pas donner son numéro de téléphone à n’importe quel service, surtout si ce dernier prévoit ensuite de le revendre à des tiers. Ainsi, lorsque vous vous inscrivez à une plateforme qui nécessite un numéro de téléphone, attention à toujours décocher la case autorisant l’utilisation de vos coordonnées à des fins commerciales. Pour éviter ce genre de situations, Me Hanoun conseille aussi de bien lire les politiques de confidentialité avant de souscrire à un service : “Conformément au RGPD, un professionnel doit clairement indiquer quelles données sont collectées, pour quelle durée et dans quelle finalité. Il faut également indiquer les éventuels transferts de données, dans le cas où elles sont transmises à des partenaires commerciaux”.
Il faut cependant garder à l’esprit que même après avoir donné son consentement, il est toujours possible de se rétracter. En vertu du droit d’accès, chaque consommateur peut légalement contacter un professionnel pour avoir accès à l’ensemble des informations le concernant, mais aussi pour demander à quel partenaire tiers ont été transmises ses données.
jdg