Effets de la crise malienne : À Kidira, les apprentis maliens vendent du thé pour pouvoir survivre

La fermeture des frontières décidée par les autorités de la Cedeao au niveau de tous les États membres n’est pas sans conséquences chez les chauffeurs maliens bloqués à Kidira. Ils sont fatigués et très meurtris. C’est le constat fait quand nous avons rencontré des chauffeurs maliens et leurs apprentis à l’entrée de la commune. Ils y vivotent. Manger, boire, ou même dormir est devenu un calvaire. Il arrive même qu’ils tendent des sébiles. Ahurissant !!!

La fermeture des frontières a engendré de dures conditions de vie chez les populations, surtout celles riveraines de la bordure frontalière sénégalo malienne. Aujourd’hui, aller et venir d’un bord à l’autre de la frontière est rendue quasi impossible, surtout en véhicule.

Les camionneurs maliens sont bloqués à Kidira et ne diront pas le contraire. Ils n’arrivent plus à avancer ni à reculer, pas d’aller et venir, et cela, depuis des semaines maintenant. Mais pour autant, ils gardent espoir et restent viscéralement attachés aux autorités de la junte. Les conditions de vie de ces chauffeurs maliens sont extrêmement difficiles au niveau de la frontière.

C’est ce que nous ont signifié des conducteurs rencontrés à l’entrée de la commune de Kidira où sont constatées de longues files de véhicules maliens, gros porteurs parqués. Malgré ce qu’ils éprouvent dans leur chair, ils ont tenu à s’exprimer avec engagement et détermination, en martelant : «Nous soutenons nos dirigeants et sommes en phase avec leurs décisions, quoiqu’il arrive. Que la Cedeao fasse tout ce qu’elle voudra, cela ne nous fera pas fléchir. Quoi qu’il puisse arriver, même si nous devrions rester ici pour plusieurs mois encore, nous sommes prêts et réitérons notre soutien aux responsables de la junte militaire qui ont l’onction des populations maliennes», a laissé entendre, un Dramane Traoré très déterminé.

Ce dernier est un chauffeur d’origine malien, parmi ceux actuellement bloqués à Kidira. Il est aussi le porte-parole du Collectif des chauffeurs trouvés sur place.

Assis dans ou auprès de leurs véhicules dont les moteurs ne vrombissent plus depuis l’annonce de la mesure de fermeture des frontières, ils ont l’air très fatigués et complètement secoués.

D’après eux-mêmes, ils tirent le diable par la queue. Pour manger, leurs apprentis sont obligés de vendre du thé sur le long de la route, et par moments, ils tendent leurs sébiles pour espérer glaner quelques pièces sonnantes. Dramane Traoré ne dit pas autre chose. Trouvé au niveau du parking où ils ont garé leurs véhicules, il n’a pas mis de gants pour peindre le tableau sombre de leurs conditions de vie :

«Ici nous y sommes très fatigués», a-t-il laissé entendre, la mine toute grise. «Depuis plus d’un mois, nous ne travaillons plus. Et notre seule et unique source de revenu provient de notre activité. Malheureusement à l’arrêt», dirat-il.

«Trouver à manger et boire est devenu un parcours du combattant. Mais on fait avec», ajoutera Mamadou Dangnokho, un jeune apprenti malien. «Vous voyez bien, dit-il, nous les plus jeunes achetons du thé que nous préparons et vendons sur le long de la route aux véhicules de passage. «C’est avec les revenus tirés de l’activité que nous achetons de quoi manger. C’est vraiment dur», explique-t-il.

Les autorités municipales ne sont pas restées insensibles à notre situation, nous ont témoigné les chauffeurs maliens : «Les conditions dans lesquelles nous nous trouvons sur place les ont poussé à nous venir en aide. Pendant quelques jours, elles nous ont offert de la nourriture. Elles nous envoient à chaque fois des repas. Elles ont fait ce qu’elles ont pu. Nous leurs en sommes très reconnaissants. Seulement, il est venu l’heure de rouvrir les frontières dans le plus grand intérêt des populations et même des États», a renchéri ce chauffeur malien. Ismaïla Dramé, commerçant établi à Kidira dit, lui, craindre un regain du banditisme dans la contrée.

«Vous imaginez si la situation n’évolue pas et que les chauffeurs et leurs apprentis n’aient plus de quoi manger ? Ils se lanceront dans le vol et les agressions honnêtes citoyens. Et ce sera bienvenue à l’insécurité». C’est pourquoi, il en appelle aux autorités de la Cedeao pour qu’elles revoient la situation et reviennent sur la décision de fermeture des frontières

Antres choses, dira-t-il, «au plan économique, c’est une énorme perte. Nos marchandises sont bloquées de part et d’autre du Mali et du Sénégal. Nous sommes diminués et fortement secoués par la perte que ça a engendrée. Hormis cela, les chauffeurs ne travaillent plus, les propriétaires des véhicules sont secoués, les sources de revenus ont tari. C’est quasiment la débandade», relève-t-il.

Appelant de toutes ses forces à la réouverture imminente des frontières. «C’est vrai que nous souffrons actuellement des conditions de vie ici à Kidira. Et c’est tout à fait normal. Quand on ne travaille plus, c’est forcément les sources de revenus qui tarissent. Mais, pour autant aussi, les États frontaliers avec le Mali comme le Sénégal et les autres ont un réel manque à gagner dans cette fermeture. L’essentiel de nos cargaisons transitaient par le Sénégal. C’est une importante manne financière qui s’envole aussi», soutient Dramane Traoré.

D’où son appel à la levée de la mesure qui ne profite à personne. Nos tentatives de joindre le maire de Kidira ont été vaines. En déplacement chez lui, il est occupé, avait servi sa famille. Son téléphone aussi sonne dans le vide

Cette situation qui commence à perdurer pourrait engendrer d’autres conséquences. Outre la question de l’alimentation et celle des sanitaires avec les conditions d’hygiènes déplorables au niveau des parkings, des risques d’insécurité pourraient être notés.
Tribune

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