Le site d’investigation Mediapart publie mardi une vidéo dans laquelle huit femmes prennent la parole, pour certaines à visage découvert. Elles accusent le candidat Reconquête! d’avoir eu des comportements inappropriés ou d’avoir agressé sexuellement certaines d’entre elles, entre 1999 et 2019.
« Ca fait vingt ans et j’y ai pensé tout le temps. » Dans une enquête vidéo publiée mardi par Mediapart, huit femmes accusent Éric Zemmour de comportements inappropriés et d’agressions sexuelles pour des faits présumés allant de 1999 à 2019. Sept ont déjà témoigné, la plupart anonymement, dans des articles de Mediapart en avril et mai derniers. Mais cette fois-ci, elles prennent la parole, certaines à visage découvert, dans une vidéo de 36 minutes. Les journalistes ont par ailleurs recueilli le témoignage d’une huitième femme qui sort du silence pour la première fois. Et pendant dix mois, ils ont travaillé pour corroborer ces accusations avec les témoignages de proches de ces femmes, les écrits d’un journal intime ou encore un sms constaté par huissier.
Le témoignage inédit de Claire, stagiaire au Figaro
Claire s’exprime pour la toute première fois. Bonnet sur la tête et masque sur le visage, elle raconte sa rencontre avec Éric Zemmour en 2002, alors qu’elle vient tout juste de décrocher son bac et un stage d’observation au Figaro. Un jour, selon ses dires, le journaliste l’appelle dans son bureau pour régler un bug sur son ordinateur : « Il me dit, ‘toi tu es jeune, tu vas réussir à me débloquer le problème’ », raconte Claire. D’après elle, alors qu’elle est en train de travailler sur l’ordinateur, « là je sens sa main dans mon dos qui fait des allers-retours de bas en haut », affirme-t-elle, en mimant des caresses. « Je lui dis ‘qu’est-ce que vous faites ?’ Et il me répond : ‘Mais tu es stagiaire non ? Les stagiaires ça sert à quoi à ton avis ?’ »
Claire affirme en avoir parlé immédiatement à sa responsable de stage, Pascale Sauvage, qui ne semble pas étonnée. Interrogée par les journalistes de Mediapart, cette dernière explique être allée en discuter avec le principal intéressé : « Je lui ai dis, ‘écoute Éric, tu ne touches pas à la stagiaire.’ » Ce à quoi, d’après Pascale Sauvage, il aurait répondu en rigolant : « Si maintenant on ne peut plus draguer les stagiaires… parce que les stagiaires c’est quand même fait pour faire des pipes et du café. »
Séverine témoigne pour la première fois à découvert
Une autre ex-stagiaire du Figaro témoigne elle aussi dans la vidéo de Mediapart, pour la première fois à visage découvert. Séverine, âgée aujourd’hui de 45 ans, avait déjà témoigné, anonymement dans des articles de Mediapart. Elle accuse Éric Zemmour de l’avoir embrassée de force dans un ascenseur de la rédaction, en 1999. Quelques minutes auparavant, il avait essayé de l’inciter « à accepter des relations » avec lui, lui disant qu’il était en mesure de l’aider dans son « début de carrière », raconte-t-elle. Séverine affirme s’être confiée à une amie quelques années plus tard, qui témoigne à son tour dans l’enquête de Mediapart.
Gaëlle Lenfant témoigne à nouveau à visage découvert
Enfin, Gaëlle Lenfant, conseillère municipale d’opposition à Aix, et première femme à avoir briser le silence à visage découvert, témoigne de nouveau. Elle accuse elle aussi Éric Zemmour de l’avoir embrassée de force, en 2005. Les journalistes de Mediapart ont aussi recueilli la parole d’une amie, à qui s’était confiée Gaëlle Lenfant juste après les faits présumés.
« Anne », jeune journaliste, témoigne à nouveau, le visage flouté
Anne, dont le prénom a été changé, avait déjà pris la parole anonymement dans Mediapart et pour Complément d’Enquête. Elle apparaît à nouveau avec le visage flouté. En 2005, selon son récit, alors qu’elle est jeune journaliste, Éric Zemmour lui « fait des avances », la « drague » lors d’un « rendez-vous professionnel« . Au moment de partir, elle le remercie d’avoir payé le café mais il lui répond : « Vous allez me remercier autrement’ et là, il me fourre sa langue dans ma bouche », accuse la jeune femme. Sur le moment, Anne ne trouve pas la force de le repousser. Et d’après elle, le désormais candidat recommence quelques secondes plus tard, à la sortie du café. Une agression qu’elle raconte dans son journal intime de l’époque que Mediapart a pu consulter.
Deux témoignages anonymes d’employées d’I-Télé
Le site d’investigation reprend aussi (elles avaient déjà témoigné dans Mediapart) les accusations portées par deux femmes qui travaillaient à I-Télé, l’une en tant que maquilleuse, l’autre comme hôtesse d’accueil lorsqu’Éric Zemmour était chroniqueur, de 2003 à 2014. Elles l’accusent d’agressions sexuelles. Célia* accepte de raconter pour la première fois face à une caméra mais sous couvert d’anonymat ce qu’il s’est passé au début des années 2010, quand Éric Zemmour lui « touche les fesses« , affirme-t-elle.
Nathalie*, l’accuse elle, par écrit, de l’avoir « plaquée contre le mur, une main sur mon bras et l’autre au-dessus du sein, près de l’aisselle« . D’après elle, il ajoute : « Mais tu comprends pas que j’ai envie de baiser avec toi. » Ces femmes avaient alors alerté leurs collègues, et l’un d’eux témoigne pour Mediapart.
Marie, attachée de presse, transmet un sms qui évoque un « viol »
Les journalistes rappellent aussi le témoignage de Marie, attachée de presse, qui accuse Éric Zemmour de lui avoir posé la main sur la cuisse en 2018, lors d’un rendez-vous professionnel dans un café. Elle n’a pas voulu témoigner dans le reportage mais a transmis à Mediapart ce sms, envoyé d’après elle par Éric Zemmour après une discussion sur le rapport femmes-hommes : « Alors, j’attendrai que vous m’invitiez chez vous pour vous violer ! » Un sms qu’elle a fait constater par huissier.
Idem, Mediapart cite Aurore Van Opstal, journaliste belge, qui a accusé sur Twitter le candidat de Reconquête! de lui avoir « caressé la cuisse jusqu’à l’entrejambe » en 2019, alors qu’ils venaient de se rencontrer.
« Un type dangereux pour les femmes »
À 33 jours du premier tour de la présidentielle, Mediapart enfonce le clou. Pour ces femmes, ces comportements présumés sont d’autant plus inadmissibles pour un candidat à la présidence de la République. « Moi j’estime qu’il est indigne de cette fonction », affirme l’une d’entre elles. « Je n’ose même pas imaginer ce que serait la condition féminine s’il était élu », s’inquiète une autre. « Je pense que c’est un type qui est dangereux pour les femmes. »
Aucune des huit femmes n’a porté plainte contre Éric Zemmour. Les journalistes de Mediapart précisent que le candidat n’a jamais répondu à leurs questions. Contacté par l’AFP, l’entourage du candidat déclare que « Mediapart veut faire un coup le jour de la journée de la femme en recyclant des témoignages déjà sortis l’an dernier. Minable à cinq semaines du premier tour. »
:France Inter
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