Tanzanie : vers une trêve politique entre le CCM et le Chadema ?

La libération la semaine dernière du chef du principal parti d’opposition suscite un espoir d’ouverture démocratique en Tanzanie mais, pour de nombreux experts, la page de l’autoritarisme n’est pas encore entièrement tournée dans ce pays d’Afrique de l’Est.

A la surprise générale, les procureurs tanzaniens ont annoncé vendredi qu’ils abandonnaient les poursuites engagées contre le leader du parti Chadema, Freeman Mbowe, emprisonné depuis plus de sept mois et jugé pour terrorisme. Peu après sa libération, cette figure de l’opposition a été reçue par la présidente Samia Suluhu Hassan, et tous deux ont promis d’apaiser les divisions du pays.

Cette rencontre a ravivé l’optimisme suscité par la nomination de Samia Suluhu Hassan à la présidence en mars 2021, après la mort soudaine de son autocratique prédécesseur John Magufuli, surnommé le « Bulldozer » pour son style intransigeant. Elle avait alors affiché une certaine rupture avec son prédécesseur, tendant la main à l’opposition et autorisant la réouverture de médias interdits.

Réformes constitutionnelles

Cet espoir, partagé tant dans le pays qu’à l’étranger, avait été douché par l’arrestation de Freeman Mbowe et d’autres responsables de Chadema le 21 juillet dans la ville de Mwanza (ouest), où ils devaient participer à un rassemblement demandant des réformes constitutionnelles.

Vendredi, le secrétaire général de Chadema, John Mnyika, a espéré que la libération de Freeman Mbowe permette d’« ouvrir un nouveau chapitre de vérité et de justice ». Et d’ajouter : « Je serai encore plus soulagé quand la Tanzanie aura une nouvelle constitution, un organe électoral indépendant et qu’on verra les droits du peuple respectés comme des aspects importants de la démocratie et du développement ».

Samia Suluhu Hassan était sous pression pour faire cesser les poursuites contre Freeman Mbowe, basées sur des accusations qualifiées par Chadema de « politiques » et destinées à museler l’opposition. Des organisations de défense des droits civiques et certains pays occidentaux ont régulièrement fait part de leurs inquiétudes sur son cas. Des représentants d’ambassades ont régulièrement assisté aux audiences.

État de droit

Vendredi, le Chama Cha Mapinduzi, le parti au pouvoir confronté à des divisions internes, a accueilli la libération de Freeman Mbowe avec « satisfaction », s’étant engagé « à la défense de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’État de droit ». Pour le coordinateur national de la Coalition tanzanienne des défenseurs des droits de l’homme, Onesmo Ole Ngurumwa, la libération de Mbowe marque « une étape politique importante » pour la présidence Hassan.

« Le changement dépendra principalement de la volonté politique, en particulier de la présidente, de résoudre les principaux problèmes de démocratie et d’État de droit soulevés par l’opposition », estime de son côté Richard Mbunda, professeur de sciences politiques à l’université de Dar es Salaam.

Amnesty International a appelé lundi le gouvernement à faire beaucoup plus et à « arrêter d’utiliser la loi comme une arme contre l’opposition et les voix critiques ».La libération de Freeman Mbowe « doit marquer la fin des tentatives des autorités tanzaniennes d’écraser l’opposition politique et la dissidence pacifique », a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe de l’ONG pour l’Afrique de l’Est.

Les formations d’opposition attendent désormais des réformes avant les élections présidentielles de 2025, afin d’établir des règles du jeu équitables. Depuis que Samia Suluhu Hassan est arrivée au pouvoir, elle a cherché à rompre avec certaines des pratiques de John Magufuli.

Trêve

Le mois dernier, elle a rencontré à Bruxelles le vice-président de Chadema, Tundu Lissu. Ce dernier était le candidat du parti à l’élection présidentielle de 2020 contre John Magufuli. Il vit en exil en Belgique depuis une tentative d’assassinat en 2017.

Dans un discours devant ses partisans mardi, Freeman Mbowe a affirmé qu’une trêve avec Samia Suluhu Hassan pourrait ouvrir la voie à un avenir meilleur. « Je pense que cela nous mènera quelque part et résoudra de nombreux problèmes politiques », a-t-il déclaré. D’autres membres de l’opposition ont également exprimé leur optimisme, comme le chef de l’Alliance pour le changement et la transparence (ACT Wazalendo) Zitto Kabwe, qui a qualifié la rencontre entre Mbowe et Hassan de « geste très positif ».

« Ce n’est pas qu’un événement ponctuel », a-t-il assuré à l’AFP. « Cela inaugure déjà un nouvel exercice de notre politique. __Je suis très optimiste quant à la situation politique dans le pays, je suis sûr que les élections de 2025 se dérouleront un peu plus équitablement qu’auparavant ».

africanews

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