Le corps du militant indépendantiste corse Yvan Colonna a été inhumé vendredi dans le caveau familial de son village natal de Cargèse. La procession funéraire a été suivie par une foule imposante et les obsèques se sont déroulées dans le calme et le silence.
Élus, habitants, militants nationalistes… À Cargèse, en Corse, des centaines de personnes sont venues dire adieu, vendredi 25 mars, à Yvan Colonna, l’enfant du pays, mortellement agressé par un codétenu dans la prison où il purgeait sa peine pour l’assassinat du préfet Claude Érignac.
Le militant indépendantiste, décédé lundi soir des suites de sa violente agression le 2 mars à la prison d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône, a été inhumé dans le caveau familial en fin d’après-midi, dans ce village de 1 300 habitants, berceau de la famille Colonna.
Plusieurs centaines de personnes ont accompagné le cercueil, porté par six hommes, sur les quelque quatre kilomètres menant au caveau « Famille Joseph Colonna 1905 », en pleine nature.
Juste avant l’inhumation, la foule rassemblée sur le chemin d’accès au caveau, à quelques mètres de la famille, a entonné le « Dio vi salvi Regina », l’hymne corse, puis des chants indépendantistes. Et si un homme, bouquet de violettes à la main, a regretté, d’un « vergogna » sonore (« Honte à vous »), que « des chants de guerre [soient prononcés] devant un mort », la plupart ont par contre applaudi, répondant par des flots de « Viva Yvan ! »
Le drapeau bleu-blanc-rouge absent
Arrivé peu après 14 heures à Cargèse, depuis Ajaccio, le cercueil avait d’abord fait un passage devant la maison familiale des Colonna, puis « devant le champ d’oliviers [qu’Yvan] avait dû abandonner un jour de mai 1999 », avant ses quatre ans de cavale, comme l’avait annoncé l’avis de décès, en langue corse, dans le quotidien Corse-Matin.
C’est ensuite une longue cérémonie religieuse qui avait suivi, en présence de plusieurs personnalités de l’île : Gilles Simeoni, le président autonomiste du Conseil exécutif, Jean-Guy Talamoni, l’ex-président indépendantiste de l’assemblée de Corse, ou encore Charles Pieri, ex-leader présumé du Front de libération nationale de la Corse (FLNC), un mouvement qui a récemment menacé de reprendre la lutte armée.
Parmi les 2 000 à 3 000 personnes réunies au plus fort de la journée, massées devant l’église et dans les ruelles du village, nombreux brandissaient des « banderas », le drapeau corse frappé de la tête de Maure. Un drapeau breton et quelques drapeaux basques s’étaient également invités.
Mais le bleu-blanc-rouge était invisible : « Le drapeau français, vous n’allez pas le voir aujourd’hui », lance un homme au crâne rasé à un journaliste, « il est persona non grata ».
Une « insulte pour l’État français », selon Gérald Darmanin
Sur une plaque de bois, à côté de la porte de l’église, un visage au pochoir regardait la foule : celui d’Yvan Colonna. Ici, il est l’enfant du pays, mort à 61 ans. Pas l’homme condamné par trois fois à la perpétuité pour l’exécution par balles du préfet Érignac, en février 1998 à Ajaccio. Un crime qu’il a toujours nié et dont beaucoup le croient innocent.
En témoignage de « solidarité », le parti autonomiste Femu a Corsica, de Gilles Simeoni, avait appelé à mettre tous les drapeaux en berne. La mise en berne mardi par la collectivité de Corse des trois drapeaux – corse, français et européen – ornant sa façade avait pourtant été dénoncée comme « une faute » par le président Emmanuel Macron.
Jeudi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin y avait même vu « une sorte d’insulte pour la famille Érignac, pour l’État français, pour les représentants de l’État ».
L’agression d’Yvan Colonna, par un détenu condamné pour « association de malfaiteurs terroriste », alors qu’il demandait depuis des années à purger sa peine en Corse, avait soulevé une vague de colère dans l’île. Ce drame a aussi fait ressurgir la question de l’autonomie pour cette île-région de 340 000 habitants.
Reuters
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