Même si les chiffres définitifs de la CMDT ne sont pas encore communiqués, la campagne cotonnière 2021- 2022 s’annonce comme une réussite. Le secteur renoue avec le succès et le Mali est même désigné comme premier producteur africain. Le résultat d’un « travail acharné » des paysans, motivés par un prix au producteur de 280 francs CFA le kilo. Mais alors qu’ils attendent que tout le coton soit enlevé, ils font déjà face aux défis de la nouvelle campagne.
L’un des plus importants étant le prix de l’engrais, qui s’est envolé sur le marché international. À quelques semaines du début de l’hivernage, les paysans ne cachent pas leurs inquiétudes. La campagne 2022 – 2023 sera inédite, dans un contexte de crise internationale et de quasi isolement du Mali. Le samedi 19 mars, le Président de la transition, le colonel Assimi Goita, a célébré en grande pompe la Fête du coton. Sur les comptes officiels de la présidence du Mali, les photos de cette visite-célébration ont été largement diffusées. Selon des données du département américain de l’Agriculture publiées en septembre 2021, le pays, après une catastrophique campagne 2020, retrouve sa place de leader du continent africain grâce à une production record de plus de 760 000 tonnes.
Les chiffres de la CMDT ne sont pas encore disponibles, mais ils devraient confirmer la place enviable du Mali. Derrière les sourires et les visages gais vus à Koutiala, les producteurs s’interrogent et s’inquiètent. Ils craignent des montagnes russes pour la campagne cotonnière qui s’annonce. Des semences et des engrais disponibles à temps, une bonne pluviométrie, bien répartie, un prix rémunérateur au producteur, tout ceci contribue à un bon résultat de campagne. Ces facteurs ont contribué à la réussite de la campagne 2021 – 2022 dont les résultats sont flatteurs pour le Mali.
Mais les années semblent se suivre sans se ressembler. Cette année, les prix très élevés de l’engrais, à cause notamment de la conjoncture internationale aggravée par la récente crise entre la Russie et l’Ukraine, des difficultés et des urgences au Mali ne rassurent pas le monde paysan. Dans ce contexte, certains acteurs n’imaginent le Mali conserver cette première place pour la campagne prochaine. « Nous avons des doutes », affirme M. Seydou Coulibaly, producteur de coton à Ouéléssébougou. « S’il n’y a pas de dispositions particulières, il y aura des difficultés. Nous espérons que les choses rentreront vite dans l’ordre ». Incertitudes Si les préparatifs de la campagne ne sont pas encore compromis, il faut agir, et vite. En effet, en principe, les discussions autour du prix de l’engrais et de sa disponibilité et du prix au producteur doivent être entamées en cette période de l’année pour être bouclées fin avril et donner aux paysans le temps d’agir.
Parce que s’il « pleut à temps, on peut défricher ». Mais, pour ce faire, ils doivent disposer des semences et des engrais, qu’ils n’ont pas pour le moment, ce qui ne les « rassure point », ajoute M. Coulibaly. A priori, ces discussions ne sont pas liées à l’arrivée de l’engrais, dont on ne sait pas si le Mali disposera à temps, compte tenu de l’absence de débouchés sur la mer. Mais, plus que cette difficulté, ce qui inquiète les producteurs, c’est l’accompagnement des institutions de financement. « Cette année, nos interrogations sont surtout relatives au fait de savoir si les banques accepteront de nous financer ? ». Le système coton étant une chaîne, le prix de l’engrais est payé sur l’achat de coton, or actuellement « nous avons encore du coton non enlevé ». Lorsque les prix de l’engrais et les superficies à cultiver ont été fixés l’an passé, il n’y avait pas les difficultés actuelles concernant l’engrais. Le coton, vendu principalement à l’extérieur, et l’engrais en provenant, les producteurs expliquent qu’ils auraient pu compter sur le gouvernement « s’il n’y avait pas toutes ces crises ».
À y voir de près, on se rend compte que les défis sont nombreux. Mais « un enfant ne connaît pas les contraintes de son père», ajoute Seydou Cousystème d’approvisionnement est un mécanisme qui a certes évolué, mais la réalité est que la gouvernance pose encore beaucoup de problèmes. Et la situation est même alarmante, soutient un ancien du secteur. En effet, c’est au mois de septembre, lorsque les récoltes sont en cours que doivent être passées les commandes d’engrais. Afin qu’au moment de leur livraison, les camions qui apportent les engrais aux paysans, ramènent les cotons pour « éviter des frais supplémentaires », explique-t-il. Malheureusement, la crise dans les organisations paysannes est encore d’actualité et joue négativement sur la situation. Un « secteur politisé » au détriment des intérêts du pays. Il faut donc que l’Etat prenne les décisions responsables afin de sauver cet outil économique vital pour le pays. D’autant que lorsque le secteur tombe en crise, c’est l’Etat qui intervient. La formation des producteurs est un acquis, mais leur « utilisation pour des intérêts partisans » doit cesser.
Au-delà du coton, le problème général des filières est l’insuffisance de la transformation. Il faut donc inverser cette tendance en mettant en place une véritable volonté politique pour renforcer la transformation. «Parce qu’il reste inadmissible que nous ne transformions que 2% de la production. Un niveau insignifiant qui ne saurait se justifier par le manque d’énergie» affirme un acteur qui a requis l’anonymat. Parce qu’il existe des alternatives dans ce domaine.
Pire, certains artisans se fournissent aujourd’hui au Burkina Faso. «Il faut donc mettre en place des mécanismes de garantie pour permettre à ces transformateurs d’accéder facilement au coton» conclut notre interlocuteur. Fatoumata Maguiraga Journal du Mali N°364
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