Ukraine : l’Union européenne veut mettre la pression sur la Chine pour qu’elle n’aide pas la Russie

Les deux puissances vont se parler aujourd’hui au sujet notamment de la guerre en Ukraine. Les Européens veulent savoir si la Chine peut utiliser son influence pour établir un cessez-le-feu ou des corridors humanitaires ou si elle aide Moscou à contourner les sanctions, en augmentant ses achats d’hydrocarbures ou par une aide financière. Pékin refuse pour le moment de condamner l’invasion russe en Ukraine. Mais la Chine veut trouver une difficile position d’équilibriste pour éviter à son tour de possibles sanctions occidentales. Des responsables européens au fait des préparatifs du sommet ont déclaré que toute aide apportée à la Russie porterait atteinte à la réputation internationale de la Chine et compromettrait ses relations avec ses principaux partenaires commerciaux, l’Europe et les Etats-Unis.

Les échanges entre la Chine et la Russie représentaient l’an dernier 2,4% du commerce international chinois. Tandis que plus d’un quart du commerce mondial de la Chine s’était fait avec l’Europe et les Etats-Unis l’année dernière. L’UE veut se servir de ce poids économique pour convaincre la Chine de ne pas aider Moscou à éviter les sanctions économiques imposées à la Russie suite à l’invasion en Ukraine.

Les échanges entre la Chine et la Russie représentaient l’an dernier 2,4% du commerce international chinois. Tandis que plus d’un quart du commerce mondial de la Chine s’était fait avec l’Europe et les Etats-Unis l’année dernière. L’UE veut se servir de ce poids économique pour convaincre la Chine de ne pas aider Moscou à éviter les sanctions économiques imposées à la Russie suite à l’invasion en Ukraine. 

Alors que les européens sont sous pression ce 1er avril suite à la confirmation hier soir de Vladimir Poutine d’imposer le paiement des livraisons de gaz en roubles sous peine de couper l’approvisionnement, l’Union européenne ouvre un nouveau front diplomatique et économique. Les Vingt-Sept veulent dissuader Pékin d’aider le Kremlin à contrer les sanctions occidentales imposées contre la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine.

A ce titre, un sommet virtuel se déroulera entre les deux puissances ce vendredi 1er avril. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil, Charles Michel, s’exprimant au nom des Etats membres, s’entretiendront en visioconférence avec le Premier ministre chinois Li Keqiang puis le président Xi Jinping.

« Les réactions alambiquées de la Chine sont une façon d’être du côté russe sans en payer le prix. Sans pression accrue, elle apportera davantage d’aide à Poutine », redoute l’eurodéputé vert allemand Reinhard Bütikofer.

L’UE met en garde la Chine contre une possible aide à la Russie
Interrogé mercredi sur le sommet, le porte-parole de la diplomatie chinoise Wang Wenbin a souhaité « un développement soutenu et sain des relations Chine-UE, afin d’injecter stabilité et énergie positive dans une situation mondiale complexe et turbulente », sans faire aucune référence à l’Ukraine.

« Concrètement, il est essentiel de savoir si la Chine utilise son influence pour établir un cessez-le-feu, des corridors humanitaires » ou « si elle aide Moscou à contourner » les sanctions, en augmentant ses achats d’hydrocarbures ou par une aide financière, explique un responsable européen à l’AFP. Pour rappel, Pékin se refuse à condamner l’invasion de l’Ukraine, et a salué début mars une amitié « solide comme un roc » avec Moscou, défendant les préoccupations « raisonnables » de la Russie pour sa sécurité.

Une amitié réaffirmer encore ce mercredi : le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, en visite à Pékin, a obtenu une réaffirmation de l’amitié « sans limite » des deux pays face aux Etats-Unis, au nom d’un nouvel « ordre mondial multipolaire ».

L’Union européenne n’a pas hésité à annoncer le 18 mars qu’elle sanctionnerait commercialement la Chine si cette dernière envoyait du matériel militaire à la Russie pour soutenir son effort de guerre en Ukraine, après qu’elle a eu confirmation de la volonté chinoise d’y procéder. Des responsables européens au fait des préparatifs du sommet ont déclaré que toute aide apportée à la Russie porterait atteinte à la réputation internationale de la Chine et compromettrait ses relations avec ses principaux partenaires commerciaux, l’Europe et les Etats-Unis.

UE et Chine, des partenaires économiques interdépendants
« Les Européens vont chercher à influencer le calcul stratégique des dirigeants chinois, en mettant en exergue le coût économique qu’ils subiraient en cas d’appui concret à la Russie », estime Grzegorz Stec, de l’institut allemand Merics.

Alors que les échanges entre l’Union européenne et la Chine n’ont jamais été aussi intenses qu’en 2021 avec 828 milliards de dollars de biens et services échangés, l’Union européenne (UE) n’hésite plus malgré tout à se montrer critique vis-à-vis de son partenaire chinois, assumant une rivalité stratégique dans certains domaines, doublée d’une quête de plus de réciprocité économique et de respect de ses valeurs fondamentales. Ce revirement, qui s’opère depuis la publication des « nouvelles perspectives stratégiques » par la Commission le 12 mars 2019, se concrétise de plus en plus.

Aujourd’hui, l’UE est le premier partenaire à l’import et à l’export de la Chine, tandis que la Chine est son premier partenaire à l’import. Mais l’UE est prisonnière de sa forte interdépendance avec Pékin : elle absorbe 15% des exportations du géant asiatique, qui lui fournit biens manufacturés et composants cruciaux. La Chine représente 10% des exportations des Vingt-Sept, un marché-clé, en particulier pour les industriels allemands.

L’UE et la Chine avaient signé fin 2020, sous l’impulsion de Berlin, un ambitieux d’accord d’investissements. Mais sa ratification est aujourd’hui gelée par les sanctions de l’UE pour punir le recours au travail forcé dans la région chinoise du Xinjiang et les contre-sanctions de Pékin contre des parlementaires et chercheurs européens. S’y ajoute le conflit dû au blocage par la Chine des importations de Lituanie après l’ouverture d’une représentation taïwanaise dans ce pays.

« Le danger est que la Chine survende sa neutralité pour obtenir des concessions, comme la reprise des négociations sur l’accord d’investissements », avertit Valérie Niquet de la Fondation pour la recherche stratégique.

La Russie cherchent de nouveaux débouchés
Face aux sanctions occidentales qui pleuvent sur la Russie (embargo américain et britannique sur les hydrocarbures, gel des avoirs des oligarques russes, exclusion du système bancaire international Swift, gel des avoirs d’environ 300 milliards de dollars de la banque centrale russe, départ de nombreuses entreprises occidentales), Moscou tente de se tourner vers d’autres partenaires économiques pour maintenir ses revenus.

Les liens entre Moscou et Pékin se sont traduits par une hausse des exportations chinoises vers la Russie depuis le début de l’année. Car si la Chine a connu un tassement de ses exportations en janvier-février 2022, puisqu’elles n’ont progressé que de 16,3% sur un an (un rythme inférieur à l’an dernier où elles avaient bondi de 60,6% au cours de la même période), elles grimpent fortement vers la Russie selon des chiffres publiés par les Douanes chinoises. Sur les deux premiers mois de 2022 en effet, les ventes du géant asiatique vers son voisin russe ont bondi de 41,5% sur un an, sans que le détail des produits concernés ait été précisé.

Toutefois, il faut rappeler que les échanges entre la Chine et la Russie représentaient l’an dernier 2,4% du commerce international chinois. Tandis que plus d’un quart du commerce mondial de la Chine s’était fait avec l’Europe et les Etats-Unis l’année dernière

L’Inde achète également du pétrole russe à prix cassé, tandis que la Chine multiplie également ses approvisionnements. Aujourd’hui, la Russie subvient à 20% des besoins chinois en gaz naturel, dont une partie des livraisons se font sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment par voie ferroviaire. En 2020, la Russie a livré 420 milliards de m3 à la Chine contre 170 milliards de m3 en 2013. Un volume qui va donc continuer à croître dans les prochaines années, les exportations de gaz russe en 2020 vers la Chine ne représentaient que 5% du total contre 72% pour les pays européens de l’OCDE .

Des partenariats limités
Et ces derniers jours, un nouveau projet de gazoduc – une extension du gazoduc « Power of Siberia » – vient d’être approuvé entre Gazprom et les autorités de Mongolie pour accélérer les livraisons de gaz à la Chine. Ce gazoduc, nommé Soyuz Vostok, va en effet passer par la Mongolie. D’une longueur de quelque 960 kilomètres, il aura une capacité annuelle de 50 milliards de m3 pour la Chine.

La Russie fournit également du pétrole à la Chine qui représente 20% de ses exportations totales. Pour la Chine, ce volume correspond à quelque 30% de ses importations pétrolières.

Mais pour le chercheur Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS (Paris) et chercheur associé au Policy Center for the New South (Rabat), « les dirigeants russes ne doivent pas se faire trop d’illusion sur la possibilité de remplacer leurs exportations vers l’Europe par la Chine et l’Inde. Oui, ils profitent de l’occasion même si leurs intérêts en tant que gros importateurs d’énergie, notamment de pétrole, sont de ne pas trop dépendre des Russes et de diversifier leurs approvisionnements ».

latribune

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