L’inflation en Turquie a atteint de nouveaux sommets en mars, poussée par la guerre en Ukraine à 61,14% sur un an, soit une hausse de 5,46 points en un mois, selon les statistiques officielles publiées lundi.
En février, la hausse des prix à la consommation avait atteint 54,4% en glissement annuel, accumulant les records liés à l’effondrement de la livre turque et à la flambée des prix de l’énergie notamment.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, deux importants partenaires commerciaux de la Turquie dont dépendent étroitement ses approvisionnements en énergie (gaz et pétrole) et en céréales mais aussi son industrie touristique, coûte cher au pays.
Les observateurs mettent également en cause la politique de la Banque centrale qui a abaissé plusieurs mois durant son taux directeur. Des économistes turcs et étrangers accusent l’Office national des statistiques (Tüik) de sous-estimer de plus de la moitié l’ampleur des hausses de prix.
L’office a fait état lundi d’une hausse de plus de 99% du prix des transports en un an, de plus de 70% de ceux des produits alimentaires et de 69% des biens d’équipements.
La livre turque, qui a perdu 44% de sa valeur face au dollar en 2021, restait cependant stable lundi matin à 14,7 livres pour un dollar (16,2 pour un euro), le marché ayant déjà anticipé l’inflation en hausse.
La Turquie connaît une inflation à deux chiffres presque sans discontinuer depuis début 2017 mais n’avait jamais connu une telle hausse des prix à la consommation depuis l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan, fin 2002.
– banque centrale et taux d’intérêt-
A moins de quinze mois de la prochaine élection présidentielle, prévue en juin 2023, le conflit en cours depuis le 24 février faisait redouter de nouvelles hausses des prix à la consommation s’ajoutant à la situation déjà difficile de l’économie turque.
Le président Recep Tayyip Erdogan, qui s’efforce de promouvoir les négociations directes entre les deux présidents russe et ukrainien, a annoncé la semaine dernière une baisse de la TVA de 18 à 8% sur les produits d’hygiène et la restauration afin de soulager les finances de ses concitoyens.
Il avait déjà abaissé en février la TVA de 8 à 1% sur les produits alimentaires de première nécessité, sans parvenir toutefois à enrayer les hausses de prix qui ont effacé partiellement les augmentations de salaires accordées au 1er janvier.
Le chef de l’Etat a demandé samedi de la « patience » aux Turcs: reconnaissant que la guerre en Ukraine affectait déjà les prix à la consommation, il a expliqué « mener une bataille contre ceux qui imposent des prix exorbitants » et prévenu qu’il sera « sans pitié » avec les spéculateurs.
« Nous devons surmonter les problèmes. Je demande à la nation d’être patiente et de nous faire confiance », a-t-il indiqué.
Mais Timothy Ash, analyste au cabinet BlueAsset Management à Londres et spécialiste reconnu de la Turquie, attribue la responsabilité de cette envolée des prix à la politique de la banque centrale, « cause majeure de l’inflation » selon lui, pour avoir abaissé les taux d’intérêt de 19% à 14% entre septembre et décembre – elle les maintient stables depuis janvier.
Cette « politique non orthodoxe » a stimulée l’inflation, explique-t-il, et « la guerre en Ukraine a juste aggravé les choses ». « N’oublions pas que l’objectif visé est une inflation à 5%, ce que la Banque centrale n’a pas su atteindre depuis 2011 », relève-t-il encore.
Or, prévient Jason Tuvey du cabinet londonien Capital economics, le taux d’inflation « risque de grimper encore un peu dans les mois qui viennent. » Lui aussi déplore qu’il n’y ait « toujours aucun signe de la banque centrale et, surtout, du président Erdogan indiquant qu’ils sont prêts à changer de cap et à relever les taux d’intérêt ».
L’agence de notation Standard & Poor a attribué la semaine dernière une note négative à la Turquie à long terme, de « B+ » à « BB-« .
AFP