La campagne officielle pour le premier tour de l’élection présidentielle prend fin ce vendredi soir à 23h59. La dernière partie de la campagne s’ouvrira dimanche soir après la proclamation des résultats.
Après une campagne présidentielle percutée de plein fouet par la guerre en Ukraine, les Français sont appelés aux urnes ce dimanche pour le premier tour de l’élection. Douze candidats sont en lice pour tenter de succéder à Emmanuel Macron à l’Élysée: outre le président sortant, candidat à sa réélection, s’affrontent Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Philippe Poutou, Fabien Roussel et Éric Zemmour.
À deux jours du vote, et à quelques heures de la fin de la campagne officielle, BFMTV.com fait le point sur sept enjeux importants de la première manche du scrutin.
· L’abstention va-t-elle battre des records?
Absence de débat entre les candidats au premier tour, sentiment que le résultat est déjà plié… La fin de campagne actuelle rappelle celle de 2002, où 28,4% des inscrits sur les listes électorales s’étaient abstenus, le record jusqu’ici. Seuls 62% des Français se disent « tout à fait certains » de se rendre aux urnes le jour J, selon notre dernier sondage Elabe réalisé pour BFMTV et L’Express avec notre partenaire SFR, un niveau nettement inférieur à celui mesuré en 2017 à la même période.
La crainte de l’abstention est d’ailleurs partagée par Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour des raisons diamètralement opposées. La macronie craint que ses électeurs ne se déplacent pas, convaincus que les jeux seraient déjà fait.
« Cela peut advenir. Ne croyez pas les sondages ou les commentateurs, qui seraient formels, qui vous disent que c’est impossible », a lancé à la tribune le président-candidat lors de son unique meeting de campagne à La Défense le 2 avril.
Sur les bancs de Marine Le Pen, on sonne également la mobilisation générale, bien conscient que les abstentionnistes sont souvent de potentiels électeurs du RN.
« N’écoutez pas la petite musique qui vous dit que cette élection est déjà faite (…) Chacune de vos voix pèse autant que celle du président de la République », a-t-elle exhorté ses électeurs sur TF1 le 14 mars dernier.
· Quel sera le niveau de l’écart entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen?
L’écart n’a eu de cesse de se resserrer entre le président et la candidate du Rassemblement national au premier comme au deuxième tour dans tous les sondages de la fin de campagne.
Un score inférieur à 2017 au premier tour pour Emmanuel Macron (24,01%) serait vu comme un échec pour le président qui a parfois dépassé les 30% d’intention de vote dans certaines études après le début de la guerre en Ukraine. Marine Le Pen espère de son côté faire mieux et dépasser les 21,30% qu’elle avait alors obtenu.
Au-delà des chiffres, l’écart donnera également une indication sur la dynamique de campagne. Un score relativement bas du président de la République renverrait le signal d’un président qui sort affaibli de son quinquennat. Une bonne performance de son adversaire donnerait au contraire un certain élan à Marine Le Pen pour le second tour.
· Jean-Luc Mélenchon va-t-il concentrer le vote « efficace » à gauche?
« Il est dans sa campagne, tourné vers un seul objectif: être au second tour », assurait ces derniers jours le responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon, Antoine Léaument, à BFMTV.com. À ce stade, c’est l’hypothèse de la réédition d’un duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen qui tient la corde, à la lecture des sondages.
Depuis le mois de janvier, le candidat de La France insoumise (LFI) à la présidentielle, qui se présente pour la troisième fois à l’Élysée, affiche une dynamique régulière et importante dans les enquêtes d’opinion. Il est passé d’environ 9% d’intentions de vote à 16 ou 17% ces derniers jours de campagne, doublant durablement Valérie Pécresse et Éric Zemmour, qui peinent à présent à dépasser les 10%.
Défendant le vote « efficace » en sa faveur, vilipendé par Anne Hidalgo et Yannick Jadot, le député des Bouches-du-Rhône pourrait toutefois bénéficier d’un report de voix favorable à sa candidature. Dans une étude publiée lundi, la Fondation Jean-Jaurès montrait que Jean-Luc Mélenchon profitait « de transferts de voix du reste de la gauche, et ce autant de la part de la gauche radicale que de la gauche de gouvernement ».
Éric Zemmour l’a promis à ses sympathisants au Trocadéro le 27 mars dernier. « Nous nous battrons ensemble pour les cinq prochaines années, et le restant de nos vies », a lancé le candidat à la tribune devant plusieurs milliers de personnes.
Au menu des prochaines semaines pour l’ancien journaliste du Figaro, on trouve le choix de son atterrissage aux législatives – « Je ne suis pas contre le principe d’une candidature), je n’ai rien décidé », a-t-il affirmé dans une récente interview au Parisien.
Si le 17ème arrondissement de Paris avait été un temps envisagé, c’est le Var ou le Vaucluse qui sont désormais sur la table, des terres jugées plus favorables. D’autres têtes d’affiche pourraient également être élues sous la bannière Reconquête comme Marion Maréchal. Le parti aimerait parvenir à constituer un groupe à l’Assemblée – un objectif très ambitieux.
L’ex-éditorialiste mise également sur des accords locaux avec des LR pour parvenir à présenter des candidats dans « presque » toutes les circonscriptions de France et parvenir à faire « l’union des droites ». Marion Maréchal a ainsi plaidé dans Nice Matin pour une « grande coalition » allant de Reconquête au courant d’Eric Ciotti chez LR.
Après avoir réussi à réunir plusieurs dizaines de milliers d’adhérents au sein de Reconquête, Éric Zemmour va également chercher à structurer son parti localement pour déployer des fédérations sur tout le territoire.
· La droite risque-t-elle d’imploser?
Alors que Valérie Pécresse est à la peine dans tous les sondages, la candidate n’est pas parvenue à impulser une ligne claire à sa campagne, semblant hésiter entre un programme proche de celui d’Emmanuel Macron, qu’elle accuse d’avoir « copié » son projet, et un discours très droitier adressé aux électeurs de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour.
Résultat: les cadres du parti pourraient se déchirer le soir du premier tour, certains appelant à voter pour Emmanuel Macron tandis que d’autres pourraient appeler au vote blanc voire à soutenir Marine Le Pen.
Certains de ses lieutenants sont d’ailleurs déjà dans l’après, à l’instar de Guillaume Larrivé. Son conseiller politique a appelé dans une tribune au Point à « une nouvelle majorité » avec Emmanuel Macron en cas de défaite. Éric Woerth, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, a de son côté rejoint les bancs de la macronie il y a quelques semaines.
D’autres cadres du parti pourraient également être tentés par Reconquête si le candidat arrivait devant Valérie Pécresse au second tour. Un bureau politique se réunira lundi à 12h pour décider de la ligne officielle du parti.
· Yannick Jadot va-t-il battre le record établi par Noël Mamère en 2002?
Hormis en 2002, les candidats écologistes, depuis le premier en 1974, René Dumont, ont oscillé entre 1,3 et 3,8% des suffrages. Vingt ans après la timide percée de Noël Mamère, qui avait remporté 5,25% des voix, les enquêtes d’opinion créditent cette fois-ci Yannick Jadot de 4 à 6% d’intentions de vote. Il est donc hautement probable que le résultat du candidat écologiste de 2022 se tienne dans un mouchoir de poche avec celui de son lointain prédécesseur de 2002.
Au plus fort ces derniers mois, le député européen était donné autour de 9-10%. Si un record est possible, le résultat resterait malgré tout en demi-teinte pour EELV. D’autant que l’écologie se place parmi les préoccupations les plus fortes de la population.
Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Cevipof et spécialiste de l’écologie politique, explique cette disonnance par trois grands facteurs: un phénomène de « vote utile » à gauche en faveur de Jean-Luc Mélenchon, le pouvoir d’achat qui prend le pas et induit une sorte de « fin du mois avant la fin du monde », mais aussi le fait qu’un écologiste n’est pas forcément perçu par les électeurs comme suffisamment crédible pour endosser le costume de président de la République.
« On admet un maire écologiste, un député européen écologiste, mais pas au niveau national, même aux législatives », résume Daniel Boy auprès de BFMTV.com.
· Le PS pourra-t-il se remettre d’une lourde défaite d’Anne Hidalgo?
Horizon incertain voire houleux pour le parti d’Épinay. Créditée de quelque 2% d’intentions de vote au premier tour du scrutin, sa candidate Anne Hidalgo court le risque de voir ses frais de campagne non-remboursés par l’État. Il est en effet nécessaire d’obtenir au moins 5% des suffrages pour y avoir droit.
Déjà à la peine depuis 2017 et la défaite de Benoît Hamon, qui avait recueilli 6,36% des voix, couplée à la vague macroniste qui avait déferlé sur l’Assemblée nationale, le PS exsangue financièrement avait dû vendre son siège de la rue de Solférino acquis en 1980 à l’orée des années Mitterrand, pour investir des locaux à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Si les tendances des sondages se confirment dimanche, le parti pourrait être dans une situation financière encore plus difficile, et voir d’autres cadres, comme en 2017 ou dernièrement le maire de Dijon François Rebsamen, partir grossir les rangs du parti d’Emmanuel Macron.
La question de l’avenir du PS crée aussi des remous en interne. Ce jeudi, le parti était agité de soubresauts au lendemain de la révélation par Le Monde de la tenue mercredi soir d’un dîner à huis clos, pour évoquer justement cette question. Les agapes réunissaient Anne Hidalgo, l’ancien chef de l’État François Hollande, le sénateur Patrick Kanner ainsi que les maires de Lille et Nantes Martine Aubry et Johanna Rolland. Olivier Faure, le premier secrétaire du parti, n’a pas été convié. Un menu qui laisse un goût amer dans les rangs socialistes.
bmftv