Les labos européens ouvrent leurs portes aux scientifiques ukrainiens

Depuis les débuts de la guerre menée par la Russie en Ukraine, les laboratoires et universités du monde entier s’efforcent d’accueillir scientifiques et étudiants ukrainiens. Ce texte de Dominique Leglu, directrice éditorial du pôle Sciences du groupe Challenges, a initialement été publié dans le magazine Challenges du 7 avril 2022.

Ici, 6 postes de recherche à l’Institut de biologie et de biotechnologie de Poznan, en Pologne. Là, 300 places de dortoirs pour les étudiants voulant poursuivre leurs études à Bucarest, en Roumanie. A Paris, l’Institut Pasteur pointe 43 postes… A Toulouse, 4 propositions à l’université Paul Sabatier pour de la recherche contre le cancer… C’est un vrai branle-bas de combat pacifique qui agite les laboratoires et universités du monde entier depuis les débuts de la guerre menée par la Russie en Ukraine, pour accueillir scientifiques et des étudiants ukrainiens.

Mappemonde interactive
A preuve, plus de 800 institutions ont rejoint cette mappemonde interactive logotée #ScienceForUkraine, qui permet désormais de suivre en direct plus de 1600 propositions, en Europe et ailleurs, et donne accès aux sites ERA4Ukraine, Science4refugees/Euraxess pour avoir une vision précise et globale. Cela donne du baume au cœur mais le milieu scientifique lui-même n’y voit rien que de très normal. La science est internationale. Les chercheurs ne vivent ni dans une bulle ni dans une tour d’ivoire, ils ne cessent d’interagir par-delà les frontières. Leurs connexions se sont même surmultipliées avec la pandémie de Covid-19. Mais si on riait aux tribulations mondiales des tribus universitaires comme les a narrées jadis le Britannique David Lodge dans son roman « Un tout petit monde », la nécessité d’accueil d’aujourd’hui n’a rien de drôle.

Chapeau bas devant les initiatives rapides de coordination comme celles menées en Roumanie par Luciana Alexandra Ghica (université de Bucarest), en France par Iryna Gozhyk (CNRS-Saint-Gobain) et Olivier Morin (CNRS-ENS-Institut Max Planck) ou encore Zhanna Santybayeva (CNRS) pour l’association Femmes et Sciences… Avec un temps de retard, ont commencé d’arriver fin mars des annonces financières officielles formalisant une aide aux scientifiques et étudiants. 6 millions de zlotys (1M3€) du centre national de recherche polonais Narodowe Centrum Nauki, 9 millions de francs (8,7M€) par le Fonds national Suisse accordés à ses « hautes écoles », 3 millions de livres (3,5M€) par le gouvernement britannique…

La fuite des cerveaux
Dans le même temps, se murmure in petto que « les meilleur.es » des scientifiques sont déjà à Boston, New York ou Berkeley. La réalité d’un brain drain ne saurait être ignorée. D’autant que l’avenir des cerveaux du pays agresseur est aussi à l’ordre du jour. Plusieurs milliers de scientifiques russes ont protesté avec courage dès février contre la guerre. On ne sait pas combien pourraient partir, redoutant un isolement dramatique de leur pays. Sur le site T-Invariant, lancé par la diaspora russe établie dans des labos du monde entier, coexistent la protestation antiguerre et l’appel à aider aussi bien scientifiques ukrainiens en fuite que russes et biélorusses hors de leurs frontières. Quand l’agence Interfax répercute la prévision de l’association russe des communications électroniques (RAEC), selon laquelle, en avril, pourraient émigrer 70.000 à 100.000 informaticiens, on se doute que de nombreuses oreilles se dressent.

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