Le président sortant et la candidate d’extrême droite se sont qualifiés, dimanche, pour le second tour de l’élection présidentielle, avec une légère avance pour Emmanuel Macron (27,6 %) sur Marine Le Pen (23,41 %), selon les estimations de notre partenaire Ipsos-Sopra Steria. Jean-Luc Mélenchon est troisième avec 21,95 % des voix.
Le remake de 2017 aura bien lieu. Après plusieurs mois de campagne durant laquelle Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont presque systématiquement toujours été donnés en tête des sondages, les deux favoris du scrutin présidentiel se sont effectivement qualifiés, dimanche 10 avril, pour le second tour de l’élection présidentielle.
Le pari est d’abord gagnant pour Emmanuel Macron – premier président sortant à arriver en tête (27,6 % des voix) au premier tour depuis Jacques Chirac en 2002 –, qui n’a cessé, depuis son élection en 2017, de faire de Marine Le Pen son unique adversaire dans le paysage politique français. Emmanuel Macron affirme depuis cinq ans que l’ancien clivage droite-gauche a laissé place au clivage « progressistes-nationalistes ». En se retrouvant une nouvelle fois opposé à la candidate du Rassemblement national au second tour de la présidentielle, le chef de l’État espère désormais bénéficier d’un « front républicain » pour assurer sa réélection.
Son score au premier tour a été rendu possible par un quinquennat marqué à droite. Après avoir torpillé la gauche en 2017, Emmanuel Macron a inlassablement occupé le terrain du seul parti qu’il considérait comme une menace sérieuse en vue de 2022 : Les Républicains (LR). Comme il l’avait promis durant sa campagne victorieuse il y a cinq ans, le président a ainsi mené, jusqu’à la crise du Covid-19, une politique économique néolibérale, mais a également pris des positions similaires à la ligne historique de LR sur l’immigration, la sécurité, les retraites ou encore la laïcité – ce qui n’était pas prévu dans son programme.
Le vote Valérie Pécresse siphonné par Emmanuel Macron
Pour mettre en œuvre une telle stratégie, Emmanuel Macron a d’abord attiré à lui plusieurs figures de la droite dès le début de son mandat, à commencer par son Premier ministre, Édouard Philippe, bientôt suivi par Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin. Des ralliements qui ont contribué à réduire considérablement l’espace politique du parti Les Républicains, pris en tenaille entre La République en marche et le Rassemblement national (RN). Résultat : Emmanuel Macron a littéralement siphonné, lors du premier tour, le vote en faveur de la candidate LR, Valérie Pécresse, qui n’obtient, cinq ans après les 20 % de François Fillon, que 4,7 % des voix. Un score historiquement bas pour un parti dont les cadres n’imaginaient pas une seconde finir sous la barre symbolique des 5 % permettant le remboursement des frais de campagne.
>> À lire : Présidentielle : Emmanuel Macron renoue avec le « en même temps » lors de son grand meeting
Le score d’Emmanuel Macron valide enfin le choix d’opérer une campagne a minima. Il s’est déclaré officiellement candidat au dernier moment, n’a tenu qu’un seul meeting et n’a effectué que quelques déplacements en France, préférant profiter du contexte international de la guerre en Ukraine pour asseoir sa stature de chef d’État et ne pas se mêler aux autres candidats dans des débats télévisés.
Marine Le Pen dédiabolisée par la présence d’Éric Zemmour
Face à lui, Marine Le Pen (23,41 % des suffrages) parvient à hisser pour la troisième fois sous la Ve République l’extrême droite au second tour d’une élection présidentielle – après son père, Jean-Marie Le Pen, en 2002, et elle-même en 2017. Elle améliore même son score du premier tour d’il y a cinq ans (21,30 %).
La candidate du Rassemblement national est parvenue à faire oublier son naufrage de l’entre-deux-tours d’il y a cinq ans, réussissant en 2022 à s’imposer devant Jean-Luc Mélenchon (21,95 %), Éric Zemmour (7,05 %) ou Valérie Pécresse (4,8 %) comme la seule candidate en mesure de battre Emmanuel Macron. Comme ce dernier, elle répète depuis cinq ans qu’un nouveau clivage est l’œuvre en France, opposant les « mondialistes » aux « nationalistes ».
Pour cela, elle a paradoxalement bénéficié de l’arrivée dans le paysage politique d’Éric Zemmour, autre candidat d’extrême droite. Ce dernier, par ses propos outrageux à destination des immigrés et des musulmans, a permis à Marine Le Pen d’apparaître comme une candidate à l’image adoucie et presque totalement dédiabolisée, attirant ainsi à elle de nouveaux électeurs osant cette fois-ci franchir le pas d’un vote RN.
>> À lire : En meeting à Perpignan, Marine Le Pen appelle au vote pour faire « gagner le peuple »
Dans le même temps, les électeurs d’extrême droite les plus radicaux, un temps tentés par Éric Zemmour, ont finalement préféré voter « utile » avec un bulletin Marine Le Pen dès le premier tour. L’ancien polémiste, dont certains sondages lui accordaient autour de 16 % des intentions de vote en février, n’obtient finalement que 7,05 % des voix. Ce dernier, qui avait dit ne pas croire à la victoire de Marine Le Pen, a « appelé » dimanche à voter pour elle.
Enfin, la députée du Pas-de-Calais, grâce à une campagne menée sur le terrain, partout en France, avec des meetings dans des petites villes de province lors desquels elle s’est concentrée sur le thème du pouvoir d’achat, est une nouvelle fois parvenue à mieux capter l’électorat populaire que Jean-Luc Mélenchon, son rival le plus sérieux pour lui barrer la route du second tour.
L’enjeu des électeurs de Jean-Luc Mélenchon
S’ouvre désormais une campagne de second tour qui devrait, elle, être bien différente de celle de 2017. Les sondages annoncent un résultat plus serré (54 %-46 %, selon l’estimation Ipsos-Sopra Steria) entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen qu’il y a cinq ans. Le président de la République ne s’y est pas trompé, appelant lors de son discours dimanche soir à fonder au-delà des « différences » un « grand mouvement politique d’unité et d’action » en disant vouloir « tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France ».
Un clin d’œil a même été consenti en direction de Jean-Luc Mélenchon et, plus particulièrement, de ses électeurs, appelés à être les arbitres de ce second tour, Emmanuel Macron notant que certains se positionnent « pour faire barrage à l’extrême droite » et se disant « pleinement conscient que cela ne vaudra pas soutien du projet » qu’il porte.
Elle aussi consciente de l’enjeu que représentent les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen leur a également adressé un message en défendant une vision d’un « rassemblement des Français autour de la justice sociale et de la protection, garantie par un cadre fraternel autour de l’idée millénaire de nation », qu’elle a opposée à « la division, l’injustice et le désordre imposés par Emmanuel Macron au profit de quelques-uns ».
Quant au leader de La France insoumise, s’il n’a pas explicitement appelé à voter pour Emmanuel Macron, il a répété à trois reprises : « Il ne faut pas donner une seule voix à Marine Le Pen ! »
france24