Le prochain président de la République aura-t-il les moyens d’appliquer son programme? C’est tout l’enjeu des élections législatives qui se tiendront les 12 et 19 juin, avec la perspective d’une nouvelle recomposition politique à l’Assemblée nationale, et LFI en embuscade.
L’enjeu de ce 3e tour
Les présidents qui ont bénéficié de législatives organisées dans la foulée de leur élection ont toujours obtenu une majorité. En 2017, sur fond de dégagisme, Emmanuel Macron avait même obtenu pour LREM-MoDem 350 des 577 sièges.
Mais les Français seront-ils enclins à donner une telle majorité, souvent synonyme de pleins pouvoirs, au futur chef de l’Etat quel qu’il soit? Ou leurs votes aboutiront-ils à une cohabitation? Sept semaines séparent le second tour de la présidentielle du premier tour des législatives. Un long délai, durant lequel chaque camp devra négocier. Couperet le 20 mai pour le dépôt des candidatures.
Quelle majorité pour un Macron réélu?
Que le président-sortant l’emporte haut la main ou non, les macronistes ne s’attendent pas à des législatives faciles. Mais une étape après l’autre: les investitures seront données après le 24 avril. Selon un député sortant, c’est « une boîte noire », avec le président de l’Assemblée Richard Ferrand (LREM) à la manoeuvre qui a entamé des échanges en bilatérale avec les partenaires MoDem, Agir, Territoires de progrès, et encore Horizons d’Edouard Philippe.
La stratégie même d’Emmanuel Macron reste à définir, en fonction de son score. Une chose est sûre: il a exclu une dissolution. Pour le reste, le président-candidat a indiqué dès dimanche soir vouloir fonder « un grand mouvement politique d’unité et d’action », et « tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France ». Certains le pressent de le faire dès avant les échéances électorales de juin.
Une part des députés de la majorité sortants risquent d’en faire les frais, devant faire place à de nouveaux venus. « Ca va saigner », lâche une source parlementaire. Une trentaine de LREM sur près de 270 ne se représentent pas.
Quelle majorité en cas de victoire de Le Pen?
Marine Le Pen pourrait-elle obtenir une majorité sans alliances? Son conseiller Philippe Olivier et le député Sébastien Chenu sont aux manettes. La candidate se dit certaine de ralliements « de la droite » et « de la gauche » souverainiste pour « gouverner » avec elle.
Jusqu’alors, les législatives ne lui ont pas réussi, du fait du scrutin majoritaire à deux tours. En 2017, le Front national, ancêtre du RN, avait totalisé au 1er tour 13,2% des suffrages et 2,9 millions de voix. Présent dans 120 circonscriptions au second tour, il n’avait glané que huit sièges.
Cette année, tendrait-t-elle la main à Reconquête, le parti d’Eric Zemmour? « Si elle gagne les élections, elle sera sur un nuage, il y aura zéro dialogue avec nous. Si le RN ne gagne pas, elle se retrouve au point de départ avec un parti qui va mal », commente un cadre du parti zemmouriste.
A droite, sauver les meubles
Après la bérézina de la présidentielle, LR compte sur son « ancrage territorial », qui lui a « toujours permis de survivre », selon le président du parti Christian Jacob. LREM, RN et LFI « vont vouloir nationaliser le débat des législatives, mais notre enjeu est d’en faire un scrutin ultra-local », appuie le député Pierre-Henri Dumont.
Le groupe LR – actuellement 101 députés – craint-il de nouveaux débauchages, notamment en cas de victoire d’Emmanuel Macron? « Peut-être encore deux ou trois, mais ceux qui devaient partir l’ont déjà fait », assure-t-on en interne. D’autres redoutent des déchirements: d’après plusieurs députés, Nicolas Sarkozy pousserait l’idée d’une coalition avec Emmanuel Macron.
A gauche, Mélenchon en position de force
La campagne présidentielle souvent acrimonieuse entre partis de gauche, et la quasi-hégémonie de Jean-Luc Mélenchon le 10 avril dans cet électorat, ont rebattu les cartes. La France insoumise ambitionne « d’imposer une cohabitation » à Emmanuel Macron, ou du moins se démultiplier au Palais Bourbon où LFI compte 17 députés depuis 2017.
Plus modestement, socialistes et communistes espèrent sauver leurs sièges, et les écologistes, qui ne disposent pas d’un groupe, se frayer un chemin. Mais sans alliances, l’équation peut être compliquée.
En froid avec LFI, le PS réfléchit à la relance d’une gauche de gouvernement. Mais n’exclut pas un accord « technique » avec les insoumis pour juin.
france24