Rwanda, Gabon, Cameroun, Burkina… Comment le cyclisme a trouvé sa voie en Afrique

Au centre du livre « Le Cyclisme africain », du journaliste Frédéric Gassmann, la petite reine s’est imposée dans plusieurs pays du continent. Où les pouvoirs politiques ont bien saisi les vertus et les opportunités que ce sport représentait.

Aujourd’hui, les noms de l’Érythréen Biniam Girmay – élu meilleur cycliste africain en 2021 –, de ses compatriotes Daniel Teklehaimanot, Natnael Berhane et Merhawi Kudus, de Nicholas Dlamini – qui fut le premier coureur sud-africain noir à participer au Tour de France en 2021 -, de l’Éthiopien Tsgabu Grmay ou encore du Burkinabè Paul Daumont sont devenus familiers à ceux qui suivent avec une attention particulière les courses internationales. Certains d’entre eux sont même sous contrat avec des équipes européennes et participent aux plus prestigieuses compétitions, dont le Tour de France déjà cité mais aussi le Giro italien ou la Vuelta espagnole.

Car même si le football y reste de loin le sport le plus populaire, l’Afrique s’est peu à peu ouverte au vélo, comme le montre Frédéric Gassmann dans Le Cyclisme africain. Plusieurs pays ont même pris l’initiative d’organiser leur compétition. Pionnier, le Burkina Faso a lancé la première édition du Tour du Faso (250 000 spectateurs, 9 étapes) en 1987. Le Rwanda, le Gabon (7 étapes), le Cameroun (8 étapes), le Mali, le Togo, le Niger, Madagascar ou le Bénin lui ont emboîté le pas.

Grand Prix Chantal Biya et Tropicale Amissa Bongo
Si le cyclisme africain n’est pas né au mitan des années 1980, il a pris un réel essor à cette époque, notamment grâce à l’ancien coureur français Francis Ducreux, installé à Ouagadougou et décédé en mai 2021. Ce dernier avait travaillé à l’organisation de nombreux tours. En Afrique, les coureurs ne disposent pas d’équipements aussi modernes qu’en Europe, et les courses se déroulent souvent sur des parcours plus accidentés. Mais plusieurs sponsors, essentiellement des banques ou des opérateurs téléphoniques, ont accepté d’accompagner ces épreuves, et plusieurs chefs d’État se sont laissé convaincre, parfois par Ducreux lui-même, avec quelques arguments bien pensés – donner une image sportive et donc positive du pays, permettre aux citoyens de se distraire et d’oublier le temps de quelques étapes les soucis du quotidien. Bien sûr, les subventions accordées par ceux qui se laissaient charmer par le discours du Français n’étaient pas aussi importantes que celles allouées au football…

LE DICTATEUR ÉRYTHRÉEN ISSAYAS AFEWORKI SAIT RÉCOMPENSER GRASSEMENT LES COUREURS QUI BRILLENT AU NIVEAU INTERNATIONAL

Certains ont cependant bien compris tout l’intérêt qu’ils avaient à soutenir le cyclisme dans leur pays. Le dictateur érythréen Issayas Afeworki sait récompenser grassement les coureurs qui brillent au niveau international. Le Cameroun organise chaque année le Grand Prix Chantal Biya, du nom de l’épouse du chef de l’État, et au Gabon, la Tropicale Amissa Bongo – du nom de la fille d’Omar Bongo, l’ancien président de la République – attire depuis 2006 des sélections nationales africaines, mais également des équipes européennes, principalement françaises. Les deux compétitions font partie de l’Union cycliste internationale Africa Tour.

Le Rwanda en pole position
Mais c’est sans doute au Rwanda que le cyclisme s’est le plus développé. Son tour en 8 étapes attire 2 millions de spectateurs et est retransmis par Canal + Afrique, Europe et Asie, TV5 Monde et Eurosport GCM. Le pays a obtenu l’organisation des championnats du monde sur route en 2025, une première pour un pays africain. Paul Kagame, qui a fait du sport et du tourisme deux des axes principaux de sa politique, s’intéresse certes plus au football qu’au cyclisme. Mais si le Rwanda accueille aujourd’hui un des rendez-vous incontournables du calendrier international, il le doit à une modernisation de la discipline voulue par son président. Lequel, pourtant, n’assiste à aucune course, visiblement pour des questions de sécurité.

Dans ce pays d’Afrique de l’Est, le cyclisme a joué un rôle important dans le processus de réconciliation nationale. Le coureur Adrian Aiyonshuti, âgé de 7 ans en 1994, a perdu soixante membres de sa famille lors du génocide des Tutsi et a longtemps refusé de rouler avec des enfants de génocidaires. Puis il a changé d’avis, même si, aujourd’hui, toutes les plaies ne sont pas encore refermées. Joseph Areruya, un autre cycliste rwandais, affirmait récemment au journal L’Équipe : « L’histoire de mon pays est terrible, mais cela ne doit pas nous empêcher de regarder devant nous. On doit exister aussi sans qu’on nous parle toujours de notre passé.

LEQUIPE

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