Dix jours seulement après sa montée surprise au capital du réseau social, Elon Musk tombe le masque. Dans un document transmis à la SEC, le gendarme des marchés financiers américains, l’homme le plus riche du monde propose d’acheter 100% des parts de Twitter pour 43,4 milliards de dollars, soit 6,7 milliards de plus que la valeur actuelle de l’entreprise, et de sortir la plateforme de la Bourse. « C’est ma meilleure offre et mon offre finale », affirme-t-il. Twitter indique « réfléchir » à cette offre « non sollicitée et non contraignante ».
Hier, certains actionnaires de Twitter déclaraient la guerre à Elon Musk en le traînant devant la justice. Mais l’homme le plus riche du monde refuse le conflit. A la place, il dégaine son arme la plus puissante : l’argent. Son but : conquérir Twitter une bonne fois pour toutes. Sa proposition : acheter l’intégralité des parts du réseau social pour 54,20 dollars par action, soit 43,4 milliards de dollars (39,77 milliards d’euros) au total. Une offre supérieure de 6,7 milliards à la capitalisation actuelle de Twitter. « C’est ma meilleure offre et mon offre finale », clame-t-il dans le document officiel qu’il a envoyé jeudi 14 avril à la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain.
Elon Musk tombe le masque
Par la même occasion, Elon Musk souhaite retirer Twitter de la Bourse. En cas de refus de la direction actuelle, le tout-puissant patron de Tesla et de Space X prévient qu’il « réexaminera sa position d’actionnaire ».
Dans les échanges électroniques d’avant Bourse, l’action décollait de 12,24%, à 51,5 dollars. Depuis lundi 4 avril, date à laquelle Elon Musk a révélé avoir acheté 9,2% des parts du réseau social, la valeur de l’action a pris 17%, passant de 39,31 dollars à 45,85 dollars mercredi 13 avril à la clôture.
Que feront la direction et les actionnaires de Twitter, qu’Elon Musk espère convaincre par la plus-value qu’il leur propose ? Dans un communiqué, Twitter a indiqué avoir reçu « l’offre non sollicitée et non contraignante » d’Elon Musk, et a déclaré qu’il allait « l’examiner avec attention », pour « déterminer la ligne de conduite qu’il estime servir au mieux les intérêts de l’entreprise et de tous les actionnaires de Twitter »
Avec cette offre, Elon Musk refuse finalement de jouer à l’actionnaire activiste et préfère tomber directement le masque en réclamant le contrôle absolu de Twitter.
Depuis des années, le milliardaire critique la politique de modération du réseau social, dont il est par ailleurs l’un des utilisateurs les plus suivis au monde, avec 81 millions de « followers », et aussi l’un des plus actifs. Racheter Twitter lui permettrait ainsi de modeler à sa guise cette plateforme mondialement réputée, qui revendique 212 millions d’utilisateurs monétisables par jour, et qui nuit, selon lui, à la liberté d’expression, ce qui est également un mantra des partisans de Donald Trump aux Etats-Unis.
Dix jours surréalistes
La guerre éclair d’Elon Musk sur Twitter a commencé il y a seulement dix jours. Lundi 4 avril, Elon Musk annonçait à la surprise générale avoir acquis 9,2% du capital du réseau social, pour près de 2,9 milliards de dollars, devenant de fait son premier actionnaire. Dans son courrier à la SEC, il précisait qu’il n’avait aucune intention de devenir un actionnaire activiste. Mais impossible d’ignorer que depuis janvier, ce qui correspond à l’achat de ses premières actions Twitter, l’entrepreneur fantasque multipliait les critiques à l’encontre du réseau social, l’accusant de museler la liberté d’expression et critiquant ouvertement sa gestion par Parag Agrawal, le CEO depuis novembre dernier et la mise à l’écart de son fondateur et PDG emblématique, Jack Dorsey.
La Tribune s’interrogeait alors : « Elon Musk préfère-t-il investir dans un réseau social reconnu, en dépit des problèmes de croissance et ainsi « influencer » la direction d’une entreprise et d’une plateforme établie, plutôt que d’en créer une à partir de zéro ? »
Elon Musk n’a pas attendu très longtemps pour confirmer sa volonté interventionniste. Dès le soir-même, il lançait sa première offensive : un sondage pour savoir si les utilisateurs souhaitent pouvoir modifier leurs tweets a posteriori. Anodin ? Pas vraiment. Car s’il s’agit d’une demande ancienne et populaire parmi les utilisateurs de Twitter qui souhaitent pouvoir corriger leurs erreurs quand ils écrivent à la va-vite. L’ancienne direction de Jack Dorsey y était farouchement opposée en raison des potentielles dérives liées au harcèlement en ligne ou à la désinformation. Le fondateur avait ainsi déclaré en 2020 que le bouton « éditer » ne verrait « probablement jamais » le jour.
Le piège du conseil d’administration
Mardi 5 avril, soit le lendemain de l’annonce de la montée au capital d’Elon Musk, Twitter proposait carrément à son nouveau premier actionnaire – par ailleurs accusé de possibles manipulations de cours par le gendarme des marchés financiers pour des propos tenus sur le réseau social – une place au conseil d’administration de l’entreprise.
Le CEO, Parag Agrawal, en faisait l’annonce dans un tweet : « Je suis ravi de partager que nous nommons Elon Musk au sein du conseil d’administration ! A travers les conversations avec Elon ces dernières semaines, il était devenu clair qu’il apporterait une grande valeur à notre Conseil d’administration », expliquait-il. Elon Musk lui répondait alors, toujours en public : « J’ai hâte de travailler avec Parag & le conseil d’administration de Twitter pour amener des améliorations majeures à Twitter dans les prochains mois! »
Mais s’agissait-il d’une victoire d’Elon Musk et d’une soumission de Parag Agrawal, ou alors d’un cadeau empoisonné visant à contenir l’agressivité du nouveau premier actionnaire ? Car en acceptant un poste au conseil d’administration jusqu’en 2024, Elon Musk s’empêchait ainsi de monter à plus de 14,9% du capital de l’entreprise. Il aurait certes pu tenter d’influer sur la stratégie de l’entreprise via le conseil d’administration – et sa force de frappe, grâce à ses 80 millions de followers, est réelle – mais il aurait encore fallu que la majorité de celui-ci valide ses demandes.
Un week-end de messages provocateurs
Pendant quelques jours, Elon Musk a semblé choisir l’option de faire pression sur le conseil d’administration en « trollant » massivement le réseau social. Jeudi, il publiait un « meme » reprenant une célèbre photo où on le voit tenir un joint dans un halo de fumée, avec la légende : « le prochain conseil d’administration de Twitter va déchirer ». Il acceptait également de rencontrer les employés de Twitter pour une séance de questions/réponses, comme s’il était le nouveau dirigeant de la société.
Samedi, il allait encore plus loin dans la pression. « Est-ce que Twitter est en train de mourir ? » demandait-il, illustrant son propos par le fait que la plupart des « super comptes » du réseau social – ceux qui comptent le plus d’abonnés comme Barack Obama, Justin Bieber, Taylor Swift, Rihanna, Lady Gaga…- postent rarement des contenus.
Encore plus « troll », Elon Musk publiait deux autres tweets dans le week-end, qui ont dû rester au travers de la gorge de Parag Agrawal. Le premier était un sondage, avec comme options »oui » ou « bien sûr » à la question « faut-il supprimer le ‘w’ de Twitter ? ». Dans le second, il suggérait de « convertir le siège de Twitter à San Francisco en refuge pour les sans-abris », car « personne ne s’y déplace de toutes façons » [sic].
Guerre ouverte
Et puis finalement, Elon Musk a – encore – changé d’avis. Lundi 11 avril, il refusait son siège au conseil d’administration. Et pas de la plus élégante des manières : d’après un message du CEO Parag Agrawal, l’homme le plus riche du monde d’après Forbes a tout bonnement posé un lapin aux dirigeants, alors qu’il avait laissé entendre publiquement qu’il siégerait.
« La nomination d’Elon au conseil d’administration devait entrer en vigueur le 9 avril, mais Elon nous a annoncé le même jour qu’il ne le rejoindrait pas », a écrit Agrawal, avant d’ajouter : « Elon est notre plus gros actionnaire et nous resterons ouverts à ses idées ». Une heure après le message du CEO, le principal concerné se contentait de répondre en publiant l’emoji « pouffe de rire »… sans autre commentaire.
Mardi 12 avril, certains actionnaires osaient lui déclarer la guerre, en portant plainte auprès régulateur des marchés financiers. Leur grief : ils accusaient Elon Musk d’avoir déclaré le franchissement du seuil de 5% à la SEC avec 10 jours de retard, entraînant un préjudice financier pour les actionnaires qui ont vendu leurs parts pendant cette période, et permettant à Musk de grimper encore au capital en profitant de la faiblesse de la valeur de l’action. Nul doute que cette proposition de racheter Twitter devrait permettre à ces actionnaires, s’ils saisissent la perche, de retomber sur leurs pattes.
reuters