Alors qu’on prédisait une hécatombe sanitaire en Afrique, le continent a su relativement résister à la pandémie de la covid-19 même si le nombre de décès et de nouvelles contaminations reste important. Selon le médecin et spécialiste de la santé publique et d’éthique médicale, Dr Félix Atchadé, il n’y a pas encore d’explications réelles à donner pour cet état de fait. Face aux conséquences désastreuses que la pandémie a entraînées en Afrique, il soutient dans une Tribune parvenue à la Rédaction de Sud Quotidien, qu’il faut une «césure qui doit permettre de revoir de fond en comble le mode de développement de l’Afrique et sa place dans le monde».
La pandémie de covid-19 s’est répandue dans le monde entier mais le scénario catastrophe n’a pas eu lieu en Afrique, malgré les études alarmistes.
«En Afrique subsaharienne, plus de dix-huit mois après le début de la pandémie de la maladie à SRAS-COV2, la catastrophe épidémique et ses conséquences démographiques annoncée comme inéluctable par les cassandres n’est pas advenue. L’expression épidémiologique de la pandémie a été, jusqu’à présent, moins accentuée en Afrique qu’en Europe ou en Amérique du Nord à titre d’exemple. Il n’y a pas encore de consensus scientifique sur les raisons de cet état de fait et de nombreuses explications sont avancées : démographiques (jeunesse de la population), météorologiques et/ou climatiques (chaleur, humidité, etc.), virologique(c’est un virus à enveloppe, par conséquent fragile sous les tropiques), de santé publique (mise en place précoce du dépistage, distanciation sociale, expérience de gestion des épidémies, etc.) et économiques (une moindre intégration à la mondialisation), etc. », a fait savoir le médecin et spécialiste de santé publique et d’éthique médicale.
Selon Félix Atchadé, « ces explications de bon sens relèvent pour le moment d’extrapolations ». « Il manque des données empiriques pour les confirmer ou les infirmer. Il n’est pas établi que cette conjoncture perdure parce que la situation sanitaire n’est pas uniforme dans la région et l’expression épidémique de la maladie est extrêmement mouvante. Ces derniers mois, le constat de vagues de plus en plus éprouvantes pour les systèmes de santé oblige à la vigilance. Si la catastrophe épidémique n’a pas touché le continent, il y a un effet Covid-19 dont les manifestations économiques, politiques et sociales ébranlent les sociétés et les États africains», a-t-il expliqué.
Toutefois, même si les nouvelles contaminations ont baissé en Afrique, la prudence reste encore de mise. «La vague du dernier trimestre de 2020 et du début de cette année et celle liée au variant delta du début du deuxième semestre 2021 ont montré que la vigilance s’impose», a déclaré Félix Atchadé.
Poursuivant son propos, il ajoute : «Au-delà de la dynamique épidémique, la Covid-19 est l’accélérateur, au sens chimique du terme, de toutes les crises en Afrique. Il faut qu’il y ait un avant et un après, une césure qui doit permettre de revoir de fond en comble le mode de développement de l’Afrique et sa place dans le monde. Ce changement de paradigme doit être une rupture radicale d’avec les politiques néolibérales inspirées du consensus de Washington», a souligné le médecin et spécialiste de la santé publique et d’éthique médicale. Ce, face aux conséquences socio-économiques et politiques désastreuses de la pandémie.
« Que ces politiques aient pour nom ajustement structurel, stratégie de croissance accélérée, initiative PPTE (Pays pauvres très endettés), Document stratégique de réduction contre la pauvreté (DSRP), etc., elles ont en commun d’être fondées sur le postulat que les forces du marché sont les mieux à même de favoriser la croissance économique qui elle-même est confondue avec le développement. Par leur incapacité à enrayer le choc économique causé par la pandémie, ces politiques ont montré leurs limites. Il est nécessaire de prendre le contre-pied de cette idéologie et remettre au centre de l’action politique comme fin en soi le développement de l’humain. Ce changement de paradigme ne peut s’envisager que dans le cadre d’un État social qui tient la promesse d’assurer à chacun les conditions de sa dignité, quels que soient les aléas de la vie », a ajouté Félix Atchadé.
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