Une résolution initiée par le Liechtenstein et obligeant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité à justifier leur recours au veto a été adoptée mardi à l’ONU. Une réforme rare, relancée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L’Assemblée générale des Nations unies a adopté mardi 26 avril par consensus une résolution obligeant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité à justifier leur recours au veto.
Ciblant directement les États-Unis, la Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni, seuls détenteurs du veto, la mesure initiée par le Liechtenstein a vocation à leur « faire payer un prix politique plus élevé » lorsqu’ils y auront recours, résume un ambassadeur d’un pays n’en disposant pas et demandant à garder l’anonymat.
Interrogé sur la réforme lors de son premier déplacement en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a souligné être « très favorable à un usage modéré du droit de veto ». « Le veto a probablement été utilisé trop de fois. Dans de nombreuses circonstances, il est utilisé sans que les intérêts vitaux d’un pays n’existent », a-t-il ajouté.
La réforme poussera-t-elle les cinq membres permanents à moins utiliser le veto prévu par la Charte des Nations unies ? Ou aura-t-elle un effet incitatif à en provoquer sciemment davantage contre des textes d’emblée inacceptables ? L’avenir le dira.
« Diviser » encore davantage l’ONU
Certains pays pourraient pousser les États-Unis à utiliser leur veto sur des textes liés à Israël. De l’autre côté, Washington pourrait mettre au vote au Conseil de sécurité un projet de résolution renforçant les sanctions contre la Corée du Nord, en discussions depuis plusieurs semaines maintenant, en sachant pertinemment que Moscou et Pékin y mettraient leur veto.
Avancée pour la première fois il y a deux ans et demi, la réforme prévoit une convocation de l’Assemblée générale « dans les dix jours ouvrables suivant l’opposition d’un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, pour tenir un débat sur la situation dans laquelle le veto a été exprimé ».
Près d’une centaine de pays avaient rejoint le Liechtenstein pour co-parrainer ce texte, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, ainsi que l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. La Russie et la Chine ne se sont pas jointes aux parrains du texte. Il va « diviser » encore davantage l’ONU, avait pesté avant l’adoption un diplomate russe s’exprimant sous couvert d’anonymat.
La Russie visée ?
Le projet « ne vise personne », a assuré l’ambassadeur du Liechtenstein, Christian Wenaweser. « Il n’est pas dirigé contre la Russie », insiste-t-il alors que la mise au vote après plus de deux ans de gestation infructueuse coïncide avec la paralysie du Conseil de sécurité pour faire arrêter l’invasion russe, due au droit de veto de Moscou. Pour les États-Unis, la Russie abuse de son droit de veto depuis deux décennies et le texte adopté doit permettre d’y remédier.
La résolution veut « promouvoir le rôle des Nations unies, le multilatéralisme et la voix de nous tous qui ne détenons pas de droit de veto et ne siégeons pas au Conseil de sécurité sur les questions de paix et de sécurité internationales », a fait valoir Christian Wenaweser.
Le texte n’est pas contraignant et rien n’empêche un pays ayant utilisé son veto de ne pas venir l’expliquer devant l’Assemblée générale. Son application, à effet immédiat, « jettera la lumière » sur le recours à ce droit et sur les « blocages » du Conseil de sécurité, fait valoir toutefois un ambassadeur demandant à ne pas être identifié.
AFP