Mis en cause par plusieurs ONG pour son rôle dans le refoulement illégaux de migrants, Fabrice Leggeri, patron de l’agence européenne Frontex depuis 2015, a remis sa démission. Elle doit être examinée vendredi par le conseil d’administration.
Figure de l’imperméabilité des frontières européennes, régulièrement accusé de tolérer des refoulements illégaux de migrants, le patron français de l’agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières Frontex, Fabrice Leggeri, a présenté sa démission, a appris l’AFP vendredi 29 avril de sources concordantes.
La proposition de démission de Fabrice Leggeri, remise jeudi et qui doit être « examinée par le conseil d’administration » vendredi, « fait suite à une enquête diligentée contre sa gestion de l’agence par l’Olaf », l’Office européen de lutte antifraude, a souligné une source proche du dossier à Paris, confirmant des informations de presse.
« Je peux confirmer qu’il a présenté sa démission » au conseil d’administration, et ceci « ouvre la possibilité d’un nouveau début » pour Frontex, a indiqué à Berlin un porte-parole du gouvernement allemand interrogé lors d’une conférence de presse.
Directeur exécutif de Frontex depuis 2015, Fabrice Leggeri a été visé par un rapport non public début 2022 de l’Olaf qui, selon Le Point, lui reproche en substance de « ne pas avoir respecté les procédures, s’être démontré déloyal vis-à-vis de l’Union européenne et un mauvais management personnel ».
Mais cette enquête intervient sur fond d’accusations régulières, notamment de la part d’ONG ces dernières années, de pratiques de refoulements illégaux de migrants (dits « pushbacks ») et de complaisance envers les autorités grecques, par exemple, sur des renvois brutaux vers la Turquie.
Mercredi encore, une enquête publiée par le quotidien Le Monde et Lighthouse Reports a démontré qu’entre mars 2020 et septembre 2021, Frontex a répertorié des renvois illégaux de migrants, parvenus dans les eaux grecques, comme de simples « opérations de prévention au départ, menées dans les eaux turques ».
Le dilemme de Frontex
Dans une lettre diffusée sur les réseaux sociaux par le journal allemand Der Spiegel et Lighthouse Reports vendredi, le patron de Frontex confirme qu’il « remet (son) mandat au conseil d’administration, puisqu’il semble que le mandat de Frontex sur lequel (il a) été élu puis reconduit en juin 2019 a silencieusement mais effectivement changé ».
De fait, au-delà du rapport de l’Olaf, c’est la philosophie et la nature même de la mission de l’agence qui semble au cœur du rapport de force qui a poussé Fabrice Leggeri à la démission : Frontex doit-elle assurer avant tout l’imperméabilité des frontières extérieures de l’Europe ? Ou bien doit-elle surveiller les États membres de l’UE dans la protection des demandeurs d’asile qui frappent à sa porte ?
Ces derniers mois, le directeur exécutif de Frontex s’interrogeait ouvertement et publiquement sur ce dilemme. Début décembre, lors d’une table ronde, il s’était même dit « démuni » face à cette situation.
« Entre l’impératif de ne pas laisser des gens passer irrégulièrement et, de l’autre, le principe de non refoulement parce que toute personne en besoin de protection a droit à l’asile, comment fait-on ? Personne n’est capable de me répondre. On est schizophrènes », avait-il lâché.
En sept ans à la tête de Frontex, qui doit surveiller les frontières extérieures de l’UE, Fabrice Leggeri a accompagné le renforcement de l’agence qui a été considérablement musclée et dont les effectifs – avec des agents armés, désormais – doivent atteindre 10 000 garde-côtes et garde-frontières d’ici 2027.
AFP