Une étude montre que les déplacements des populations animales à cause du réchauffement climatique vont générer un contexte propice à la prolifération des virus, avec le risque d’une nouvelle pandémie en filigrane. Mais tout n’est pas perdu.
Après plus de deux ans et demi à faire les frais de la pandémie, force est de constater que nous sommes encore loin d’avoir fini d’en entendre parler, et ce malgré la levée des restrictions sanitaires en France. De nombreux laboratoires de recherche travaillent en ce moment à anticiper l’émergence des prochains virus susceptibles de provoquer une nouvelle pandémie potentiellement encore plus dévastatrice. Et d’après une équipe de chercheurs américains, le changement climatique va jouer un rôle prépondérant dans cette dynamique.
Cette conclusion se base sur un constat déjà bien établi et documenté : le réchauffement climatique a tendance à modifier en profondeur certaines niches écologiques. Ces changements ont une conséquence très concrète : exactement comme on le voit déjà chez les humains, le réchauffement climatique a aussi tendance à provoquer des déplacements de population importants chez les autres espèces animales.
Ces déplacements auront à leur tour un impact considérable sur les niches écologiques concernées. Mécaniquement, ces changements vont altérer l’équilibre subtil qui y règne en introduisant de nouvelles pressions de sélection; les différentes espèces vont donc être forcées d’y répondre par un processus de sélection naturelle, qui favorise les espèces les plus adaptées à leur environnement.
Le réchauffement climatique comme moteur de brassage
Or, la vitesse de cette sélection naturelle dépend directement de la vitesse de reproduction des espèces concernées. Pour les espèces les plus développées, comme les mammifères, ces changements seront relativement lents… mais la donne est sensiblement différente pour des micro-organismes qui arriveront avec ces animaux.
Contrairement à ces derniers, les bactéries et virus peuvent se reproduire extrêmement rapidement. Si ces nouveaux environnements seront probablement très difficiles pour les espèces macroscopiques, les simulations des chercheurs montrent qu’il s’agira en revanche d’un véritable El Dorado pour ces pathogènes. Ces micro-organismes auront alors accès à tout un éventail d’hôtes potentiels, vraisemblablement affaiblis par ce changement d’écosystème et donc d’autant plus vulnérables.
Dans ces conditions, ils pourront s’en donner à cœur joie; ils auront tout le loisir de circuler librement sur une véritable autoroute épidémiologique, entre des espèces dont le système sera bien souvent incapable de gérer ces pathogènes inconnus au bataillon.
Ce brassage extrêmement important va ensuite donner lieu à de nombreuses mutations, et, par conséquent, à l’apparition de nouvelles souches de virus et de bactéries… et ainsi de suite. Il pourrait donc en résulter un effet boule de neige important. Et pas besoin d’être un épidémiologiste de renom pour comprendre que certains de ces nouveaux virus représentent autant de candidats potentiels pour la prochaine pandémie humaine.
D’après les chercheurs, le réchauffement climatique représente donc indirectement le tout premier facteur de risque pour l’émergence de nouvelles maladies, devant la déforestation, le commerce et la consommation d’animaux sauvages, et même devant l’agriculture industrielle !
Des solutions existent… mais il faut des données en masse
D’après les chercheurs, ces premiers contacts entre toutes ces populations d’animaux nouvellement réfugiés pourraient représenter une véritable autoroute épidémiologique pour “des milliers” de virus. “Ce mécanisme ajoute une nouvelle couche de complexité à la façon dont le réchauffement climatique va menacer la vie humaine et celle des autres animaux”, explique Gregory Albert, postdoctorant en biologie à Georgetown et auteur principal de l’étude.
Mais cela ne signifie pas pour autant que l’humanité est impuissante face à cette dynamique. Pour les auteurs, il est tout à fait raisonnable de penser que l’on pourra anticiper les prochaines grandes pandémies. Mais cela implique de mettre en place très rapidement un système de surveillance capable d’analyser, en parallèle et en temps réel, la transmission des maladies et les changements des niches écologiques.
Il deviendra alors possible de repérer certaines corrélation statistiques qui nous permettront, avec un peu de chance, d’éviter un nouvel épisode de type Covid-19 – ou pire. Carlson termine donc sur une note résolument optimiste. “Nous sommes plus proches que jamais de prédire et d’empêcher la prochaine pandémie”, affirme-t-il. “Cette étude est un grand pas dans cette direction, mais maintenant, il va falloir commencer à travailler sur la partie la plus compliquée du problème”, conclut-il.