Aucun lien entre le décès du patient et le virus en question n’a été établi jusqu’à présent, mais les médecins veulent tout de même connaître le fin mot de l’histoire.
En janvier dernier, l’Université du Maryland a annoncé la toute première transplantation réussie d’un cœur de porc chez un patient humain, hospitalisé pour une maladie cardiaque en phase terminale à laquelle il n’avait aucune chance de survivre, car il était inéligible à une greffe standard.
L’intéressé est malheureusement décédé deux mois après cette première xénogreffe réussie (voir notre article). Depuis, les médecins qui ont piloté l’expérience tentent de déterminer les causes exactes de la mort pour juger de la pertinence de cette greffe. Et en procédant à une analyse du cœur, ils ont déterminé que l’organe transplanté abritait en fait un virus animal.
Pas de lien évident avec le décès du patient
En l’occurrence, il s’agit d’une souche porcine du cytomegalovirus, ou CMV. Ils ont donc tenté de savoir si ce virus pouvait avoir joué un rôle dans le décès du patient. Après la greffe, celui-ci restait évidemment très faible, mais les chirurgiens expliquaient qu’il avait bien toléré l’opération.
Mais quelques jours plus tard, il a commencé à présenter des symptômes caractéristiques d’une infection. Malgré des examens poussés et une lourde cure d’antibiotiques et d’antiviraux, les médecins n’ont pas réussi à inverser la tendance. D’après Bartley Griffith, le chirurgien chargé de l’opération cité par l’Associated Press, le cœur a continué de se remplir de fluides jusqu’à cesser complètement de fonctionner.
Pourtant, les médecins n’ont pas trouvé la moindre trace d’infection active par la suite. Aucun élément ne permet donc d’affirmer que ce virus a provoqué ou même accéléré le processus. “Qu’est-ce que ce virus a bien pu faire – à supposer qu’il ait fait quelque chose – pour causer ces gonflements ? Honnêtement, nous ne savons pas”, concède le spécialiste.
La piste privilégiée reste donc celle d’un rejet du greffon. Mais cette réaction n’est pas non plus typique d’un rejet, et le mystère reste donc entier.
Une investigation cruciale pour l’avenir de la xénogreffe
Il reste également une autre question importante en suspens : d’où pouvait bien provenir ce virus, alors que le porc était issu d’une filière ultra-contrôlée où il a été testé à de très nombreuses reprises ?
Il pourrait donc s’agir d’un virus dormant, ce qui signifie qu’il peut voyager d’hôte en hôte sans nécessairement provoquer une infection active; on parle alors d’infection latente. Ces virus ne représentent donc pas une menace tant qu’ils demeurent dans cet état. Mais la donne peut changer dans certaines conditions, avec des conséquences potentiellement dévastatrices.
Les chercheurs continuent donc de prêter une attention toute particulière à ces virus dormants. En ce moment, ils travaillent donc au développement de nouvelles techniques de détection plus sophistiquées. L’objectif : “s’assurer de ne pas rater ce genre de virus”, dixit le Dr. Muhammad Mohiuddin, directeur de la xénogreffe à l’Université du Maryland.
Il sera en tout cas important de faire la lumière sur les circonstances exactes du décès du patient, même si ce dernier était de toute évidence condamné. Les conclusions de cette investigation seront très importantes afin que le reste des chercheurs puisse réitérer l’expérience dans de meilleures conditions. Car c’est sur la base de travaux de ce type que nous parviendrons peut-être, un jour, à révolutionner l’approvisionnement en greffons; un nouveau paradigme qui pourrait faire la différence entre la vie et la mort pour des dizaines de milliers de patients en attente de greffe.
Associated Press