Comment restaurer les terres dégradées, qui ne retiennent plus l’humidité et qui sont de moins en moins fertiles ? C’est l’un des principaux enjeux de la COP15 contre la désertification, qui s’ouvre ce lundi 9 mai à Abidjan. Le choix de la Côte d’Ivoire pour abriter cette rencontre mondiale est d’autant plus pertinent que, selon la FAO, l’Afrique subsaharienne est la région du monde la plus durement touchée par la désertification. Au cœur de cet événement, le ministre ivoirien de l’Environnement Jean-Luc Assi, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
L’un des principaux enjeux de cette COP 15, c’est la lutte contre la désertification et je crois que l’état des lieux est assez alarmant aujourd’hui ?
Jean-Luc Assi : Oui, bien sûr. Alarmant, oui et c’est toute l’Afrique. Vous savez très bien que l’Afrique, dont les populations sont encore beaucoup rurales, est particulièrement exposée à ce phénomène. Il y a 319 millions d’hectares en Afrique qui sont menacés de désertification.
Ce qui pourrait représenter la moitié des terres exploitables, c’est ça ?
Oui. La désertification, c’est véritablement la dégradation progressive des sols. Il y a une forte utilisation de l’engrais synthétique, et l’engrais synthétique effectivement a permis de détruire la qualité du sol. Et la tendance, c’est de passer vraiment à l’engrais vert, c’est-à-dire tout ce qui est engrais agricole.
Les engrais verts, ce sont des engrais naturels ?
Naturels, c’est cela.
Et en Côte d’Ivoire par exemple, est-ce que vous avez une estimation du pourcentage des terres qui sont dégradées ?
On tourne autour de 40 %. La Côte d’Ivoire a perdu son couvert forestier. Il est donc important de reconstituer cette forêt.
Est-ce que cela a été le prix à payer pour que la Côte d’Ivoire devienne le premier producteur mondial de cacao ?
En ce qui concerne le cacao ivoirien, il a été récemment démontré que le développement de l’économie du cacao a entraîné effectivement une déforestation. Ça, on peut le dire, à peu près 60% des superficies forestières. Donc, pour restaurer ces terres ivoiriennes, il faut mettre en place un vaste programme de reconstitution du couvert forestier. Donc il y a un vaste programme jusqu’à 2030.
Mais est-ce que les producteurs de cacao ne vont pas s’opposer à ce plan de reforestation ?
Ce plan de reforestation est accompagné de nouvelles techniques pour faire l’agriculture, parce qu’aujourd’hui, on parlera plutôt d’agriculture intensive au lieu d’agriculture extensive. Donc, les agriculteurs auront toutes les techniques appropriées pour faire de l’agriculture intensive et durable. Et au fur et à mesure qu’on reconstitue le couvert forestier, il est évident que les terres vont commencer à retrouver leur niveau de fertilité. Et si les terres retrouvent ce niveau, c’est sûr que, sur une petite surface, une petite superficie, vous pouvez produire plus qu’une grande superficie où les terres ont perdu leur fertilité comme aujourd’hui. Il y a plusieurs techniques, la technique de brûlage par exemple. Nos agriculteurs font du brûlage et le brûlage détruit aussi les sols. Donc, il y a d’autres techniques qui vont permettre de faire des composts qui vont enrichir les sols. Toutes ces techniques vont être contenues dans ce qu’on appelle « l’initiative d’Abidjan », qui va être mise en application jusqu’à 2030.
Comme la Côte d’Ivoire accueille cette semaine la COP 15, c’est une personnalité ivoirienne qui présidera la COP ces deux prochaines années. Qui sera cette personnalité ?
Je crois qu’il faut attendre le 11 mai, puisque c’est le 11 qu’il y aura l’élection. Donc, c’est à partir du 11 qu’on saura qui va présider cette COP pendant ces deux ans à venir.
Alain-Richard Donwahi a dirigé le ministère des Eaux et forêts pendant cinq ans. Or ce ministère, comme l’a révélé Jeune Afrique, est impliqué dans le scandale d’un trafic de bois présumé. Et monsieur Donwahi n’a pas été reconduit au gouvernement lors du dernier remaniement. Est-ce que, malgré tous ces handicaps, il pourrait être nommé à la présidence de la COP 15 ?
Cela, c’est vous qui le dites. Je n‘ai pas d’information là-dessus. C’est seul le président de la République qui sait à qui confier la présidence de la COP.
Mais comme depuis plusieurs mois, le ministère des Eaux et forêts fait l’objet d’un audit pour ce trafic de bois présumé, est-ce que cela ne complique pas la candidature d’Alain-Richard Donwahi tout de même ?
Certainement que ce sont des rumeurs que vous avez entendues. Mais laissez les choses se faire jusqu’au 11 mai et on verra bien.
PRESSAFRIK