Crise en Ukraine : les céréales locales pour remplacer le blé au Sénégal ?

La crise ukrainienne a déjà des répercussions sur les modes de vie dans le monde entier. Si par exemple en France, on tente de voir comment remplacer l’huile de tournesol jadis contenue dans certains aliments, au Sénégal, l’heure est à la recherche de substituts du blé pour faire du pain.

Le blé est au cœur de l’alimentation des Sénégalais qui consomment beaucoup de pain. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, le petit-déjeuner comporte impérativement du pain. Soit avec du beurre, du chocolat en tartine ou avec une sauce quelconque, mais il faut consommer du pain. Quitte à enfouir à l’intérieur une omelette, ou des spaghettis. Le pain est indispensable dans le pays. Normal que le pays de la Téranga, qui dépend à 80% du blé en provenance de Russie et d’Ukraine, se prépare à toute éventualité, compte tenu de la guerre qui oppose ces deux Nations grandes productrices de blé. Et c’est dans ce contexte que l’éventualité de remplacer le blé par des céréales locales est soulevée au Sénégal, comme cela se fait dans certains pays africains.

«S’il arrivait que le blé disparaisse des marchés…»

«Pour le moment, les prix ont légèrement grimpé, mais le blé est encore disponible et la farine aussi. Donc, nous n’envisageons pas encore de faire du pain avec des céréales locales. Tant que nous pouvons avoir cette farine de blé et proposer le même pain aux Sénégalais, nous le ferons», confie Mamadou Diop, boulanger à Grand-Dakar. Pour lui, « les Sénégalais sont trop habitués au pain à base de blé, il leur sera très difficile de consommer une baguette à base d’une céréale autre que le blé». Le boulanger précise toutefois que «s’il arrivait que le blé disparaisse des marchés, nous serons obligés de changer de matière première et faire du pain avec les céréales dont nous disposons. Et là, c’est sûr que les gens vont l’acheter, car ils n’auront pas le choix». M. Diop a toutefois précisé avoir assez de réserves de farine de blé lui permettant de tenir sur environ un mois.

«Avec un peu plus d’effort, on peut tendre vers une baguette exclusivement faite à base de céréales locales. Surtout que ce ne sont pas les céréales qui manquent dans ce pays»

Pour sa part, Pape Sambe, de la boulangerie Sope Dabakh des Parcelles, qui dit avoir fait des provisions sur plusieurs semaines, n’écarte pas l’idée de proposer du pain à base de farine de manioc ou de mil. «Déjà, au Sénégal, nous avons l’habitude de produire du pain partiellement à base de farine de mil. D’ailleurs, on l’appelle le pain de mil (mbourou dougoub). Je pense que, avec un peu plus d’effort, on peut tendre vers une baguette exclusivement faite à base de céréales locales. Surtout que ce ne sont pas les céréales qui manquent dans ce pays. Compte tenu de la situation en Ukraine, qui influence beaucoup les cours mondiaux et les marchés, nous proposerons aux populations des produits qui pourront répondre à leurs attentes». Pape Sambe, qui soutient avoir raté l’expérimentation du pain à base de farine de manioc qu’il a tentée, se dit convaincu que s’il persévère, il pourra aboutir à des résultats concluants. Même s’il dit être conscient que les Sénégalais sont très exigeants en matière de pain. «Le goût varie en fonction de la farine utilisée pour faire le pain», dit-il.

Le pain à base de blé ou partiellement fait de mil, les Sénégalais connaissent. Qu’en est-il du pain à base de manioc ou de maïs ? «Je ne sais pas ce que ça va donner, mais je ne pense qu’on ait le même goût délicieux qu’avec le pain à base de farine de blé», estime Coumba Seck, agent commercial qui confie ne pas pouvoir se passer de pain. «Je prie chaque jour que cette guerre entre l’Ukraine et la Russie prenne rapidement fin afin que le monde retrouve son mode de vie habituel. Nous craignons tous, où que nous soyons, les conséquences néfastes de cette guerre qui menace notre survie. Je ne peux pas imaginer passer un seul jour sans consommer de pain», lance-t-elle. A la question de savoir ce qu’elle pense d’un pain à base de mil ou de maïs, sa réponse est sans appel : «je ne veux même pas y penser. Je ne connais pas le goût et je ne veux même connaître le goût. J’ai 42 ans et je n’ai connu que le pain à base de blé. Pour moi, il est impensable de consommer un pain différent. Même le pain à base de mil qui est souvent proposé ne passe pas chez moi. Pour moi, le pain, c’est avec le blé».

«Les Sénégalais sont habitués au pain à base de blé»

Cette situation est aussi vécue par certains vendeurs qui dépendent exclusivement du pain. Comme Astou Ndiaye, qui tient un mini fast-food au Rond-point Parcelles Assainies. «S’il arrivait que le pain manque dans ce pays, je ferme boutique. Ça, j’en suis certaine, car ma principale activité est la vente de petit-déjeuner et de dîner. Et tout ce que je propose est à base de pain. Je ne fais que des sandwichs. A part un peu de soupe et de couscous. Et la commercialisation de ces deux mets ne peut pas me permettre de survivre. Donc vous comprenez que je dépends exclusivement du pain», insiste-t-elle, avec un brin d’inquiétude. A la question de savoir ce qu’elle pense du pain à base de céréales locales, elle prie le Ciel que ses clients l’adoptent. «Si mes clients l’apprécient, je ne demanderais pas mieux. Mais à priori, je sais que les Sénégalais sont habitués au pain à base de blé». L’heure n’est pas encore à la rupture de blé, mais l’idée de trouver une farine de substitution n’est pas écartée, en cas d’aggravation de la situation actuelle où la tension sur le blé est perceptible.

afrik

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