« Les ennemis de mes ennemis sont mes amis », dit l’adage. Le parti de l’ancien président Alpha Condé et celui de son ex-principal opposant, Cellou Dalein Diallo, viennent d’en fournir une parfaite illustration. Pour la première fois depuis des années, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel) et l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) ont avancé main dans la main. Ce mercredi 11 mai, ils ont signé une déclaration conjointe pour s’opposer au nouveau chronogramme proposé par la junte. Avec pour adversaire commun le nouveau patron du régime, Mamadi Doumbouya.
Aux côtés de l’UFDG et du RPG Arc-en-ciel, d’autres formations ont répondu présent, notamment l’UPR , le GRUP et les NFD, respectivement dirigés par les anciens ministres Bah Ousmane, Papa Koly Kourouma et Mouctar Diallo. L’Union des forces républicaines de Sidya Touré et l’Union démocratique de Guinée de Mamadou Sylla étaient également de la partie.
À l’issue de la réunion, les 46 partis politiques rassemblés ont annoncé qu’ils « rejetaient énergiquement la décision unilatérale » du président de la transition et « récusaient par voie de conséquence la durée de la transition de 39 mois ». Ils rappellent que, conformément à l’article 77 de la Charte de la transition, le chronogramme aurait dû être décidé d’un « commun accord » entre le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD) et les forces vives du pays, et non entériné par le Conseil national de transition (CNT). Un peu plus tôt dans l’après-midi, malgré le boycott des représentants de l’UFDG et du RPG, l’organe législatif de la transition avait adopté une résolution fixant la durée de la transition à trois ans – soit trois mois de moins que la durée proposée par Mamadi Doumbouya.
Les partis signataires de la déclaration « renouvellent leur appel pour la mise en place, sans délai, d’un réel cadre de dialogue entre le CNRD et les forces vives (partis politiques et société civile), ouvert aux partenaires techniques et financiers et sous la médiation de la Cedeao ». Seul un tel « cadre est conforme à l’esprit de la Charte pour décider, sur une base consensuelle, des conditions propices au retour à l’ordre constitutionnel », renchérissent-ils.
C’en est bien fini de la lune de miel entre la junte et les anciens partis d’opposition. Au lendemain de la prise de pouvoir de Mamadi Doumbouya (le 5 septembre 2021), l’UFDG s’était réjoui de voir son siège rouvert et son chef – jusque là interdit de voyager – recouvrer sa totale liberté de mouvement. Elle n’avait pas caché son contentement de voir Alpha Condé chuter, après plus de dix années d’opposition souvent violente et de répression.
Elle a depuis déchanté. Le leader de l’UFDG s’est vu expulser de sa résidence à Conakry, et sa maison à Labé (sa ville d’origine) est menacée de démolition par le patrimoine bâti public. Un traitement à peine plus enviable que celui de l’ancien président, en résidence surveillée, ou celui de son ancien Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, incarcéré.
Ce rapprochement RPG-UFDG n’est pas une première. Sous le régime de Lansana Conté, lors de la transition militaire de Moussa Dadis Camara, puis de Sékouba Konaté (décembre 2008-décembre 2010), les deux formations politiques avaient cohabité au sein du Forum des forces vives de Guinée, qui regroupait la classe politique et la société civile. Pourtant, cette fois-ci, leur association n’a pas manqué de surprendre l’opinion guinéenne. Mais, étant donné la capacité de mobilisation des deux forces, leur alliance « constitue une force politique majeure », note un observateur.
Jeune Afrique