En Tunisie, dans le nord du pays, l’agriculture dite « Gattaya » ou « Ramli » est pratiquée dans la lagune du village de Ghar El Mellah. Cette agriculture unique au monde remonte au XVIe siècle au moment de l’occupation andalouse au XVIe et XVIIe siècle dans le pays. C’est une méthode d’agriculture sur sable qu’une quarantaine d’agriculteurs continuent de pratiquer dans la région et qui est aujourd’hui menacée par les aléas du changement climatique.
À quelques pas d’une lagune bleu clair, les cultures d’Ali Garci s’étendent sur du sable fin, séparées par des barrières de feuilles de palmier. Ali est en train de planter des melons locaux. « Vous voyez, on utilise ces barrières pour protéger les plantes », indique-t-il. Il a aussi des pommes de terre, des haricots rouges ou encore des oignons qui poussent dans le sable.
C’est une méthode ancestrale ramenée par les Andalous. Elle repose sur un système d’irrigation naturelle, enfoui sous la première couche de sable apparente. « Sous cette couche de sable sablonneuse, on trouve une couche de sable endurci, c’est une couche dure, on la respecte et on ne la casse jamais », prévient-il.
Cette fameuse couche, préservée depuis des siècles, va séparer l’eau salée de l’eau de pluie. « Lorsque le flux monte, l’eau salée s’infiltre d’une manière lente, à travers cette couche dure, et ça pousse l’eau douce qui reste toujours au-dessus pour arriver au niveau des racines des plantes », explique Ali Garci.
Un engagement pour sauver une agriculture classée au patrimoine
Un jeu d’équilibre fragile qui dépend de la pluviométrie, mais aussi de l’échange entre l’eau de mer et la lagune. Ali nous emmène voir ce couloir naturel, bloqué actuellement par un cumul de sable créé par les mouvements de bateaux du port de pêche à côté. « Regardez, l’eau entre, mais elle s’arrête là parce qu’il y a eu un accumulateur de sable assez considérable », montre-t-il.
Aujourd’hui, malgré le creusement d’une tranchée par des tractopelles, cela ne suffit pas pour laisser passer l’eau. « On va s’entraider entre nous, agriculteurs, avec des pelles, avec des brouettes, pour approfondir cette tranchée-là pour que l’eau puisse passer ». L’engagement d’Ali ne s’arrête pas là, il veut aussi que cette agriculture, certifiée comme patrimoine, soit préservée. Fragile, elle est menacée par le changement climatique : des pluies de plus en plus éparses et faibles, des vents de plus en plus forts. « Notre produit, c’est un produit naturel, qui a un goût spécifique, alors je lance toujours un SOS pour sauver ce concept d’agriculture Ramli », espère-t-il.
Aujourd’hui, près de 200 hectares sont encore occupés par l’agriculture Ramli, mais ils se réduisent à cause de l’urbanisme croissant et d’un manque d’intérêt de la jeune génération pour prendre la relève.
rfi