Variole du singe: ce qui rassure et ce qui inquiète les scientifiques

L’identification de cas de variole du singe sur différents continents ces derniers jours interroge et inquiète, après deux ans de pandémie de Covid-19. Si ce virus est déjà connu, plusieurs interrogations sont posées sur sa diffusion actuelle.

Après deux ans d’une pandémie due au Covid-19, la circulation en Europe, au Canada, aux États-Unis ou encore en Israël, de l’Orthopoxvirose simienne – aussi appelée variole du singe – interroge. La peur de la remise en place de restrictions, du développement inattendu de cette maladie et de centaines ou milliers de contaminations inquiète.

Mais ce virus est bien différent du SARS-CoV-2. Contrairement au Covid-19, le virus de la variole du singe est déjà connu, il a en effet été identifié pour la première fois chez l’homme en 1970 en République démocratique du Congo. Cela signifie qu’il existe déjà des données sur cet agent infectieux, bien que des questions persistent.

· La propagation des cas sur plusieurs continents inexpliquée
Il s’agit peut-être de la principale question concernant les cas de variole du singe recensés en Europe dernièrement. Ils se trouvaient jusque-là surtout présents en Afrique de l’Ouest, où le virus est endémique, avec une épidémie majeure au Nigeria en 2017, et environ 6000 cas par an en République démocratique du Congo. « Ce qui est inédit, c’est qu’à chaque fois qu’on voyait des cas, c’était de manière sporadique. Ils se limitaient à un territoire. Or là, la variole du singe est présente sur différents continents », déclarait cette semaine à BFMTV l’infectiologue Benjamin Davido.

L’étendue de la transmission est « atypique », a estimé vendredi le directeur de l’OMS pour l’Europe, Hans Kluge, soulignant que « tous les cas récents sauf un n’avaient pas voyagé dans des zones où la variole du singe est endémique ». Cette particularité lui fait craindre « que la transmission s’accélère ».

En France, c’est un homme de 29 ans, localisé dans la région parisienne, sans antécédent de voyage dans un pays où circule le virus, qui a été contaminé. « Une enquête épidémiologique approfondie est mise en œuvre par les équipes de Santé Publique France et de l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France, en lien avec le médecin ayant pris en charge cette personne », expliquait vendredi SPF.

Actuellement, seuls des débuts d’explications sont avancées pour comprendre ces transmissions. Un sauna de Madrid, établissement gay, est ainsi soupçonné d’être un foyer de variole du singe, et a été contraint de fermer ses portes. Les trois cas identifiés en Belgique sont, eux, tous liés à un festival de mode fétichiste tenu récemment à Anvers, ont averti vendredi les organisateurs, appelant à la vigilance tous ceux qui l’ont fréquenté.

· Le mode de contamination recherché

Ce virus se transmet d’abord des animaux aux hommes, « les cas sont souvent observés à proximité des forêts tropicales humides où se trouvent des animaux porteurs du virus », explique SPF.

Il est « peu contagieux » entre hommes déclare Benjamin Davido. Les contaminations interhumaines se produisent en effet « à l’occasion d’un contact prolongé en face à face par des gouttelettes respiratoires ou par contact direct avec une personne infectée, à travers les fluides corporels, les lésions cutanées de la maladie ou les muqueuses internes comme la bouche, ainsi que par des objets que le malade a contaminés, comme des vêtements ou du linge de lit », explique SPF.

Les récents cas sont survenus principalement, mais pas uniquement, chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Nombre de chercheurs insistent toutefois quant au fait qu’il est trop tôt pour en conclure que le virus a évolué pour devenir transmissible sexuellement.

« Ce n’est pas une maladie spécifiquement sexuellement transmissible. Les données actuelles ne permettent pas d’établir une transmission sexuelle dans la mesure où en Afrique rien n’a été étudié à ce propos » expliquait à BFMTV.com Antoine Gessain, responsable de l’unité d’épidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes à l’Institut Pasteur.

Il note toutefois que « jusqu’à présent, ce virus n’avait jamais intégré une communauté à risque important de transmissions sexuelles comme ici », ce qui laisse planer le doute sur l’évolution des contaminations.

· A priori pas de risque de pandémie

La peur d’une pandémie liée à ce virus après le passage du Covid-19 est compréhensible, et si les réponses des scientifiques sont rassurantes sur ce point, la vigilance est de mise. « Il n’y a pas beaucoup de risques d’une grande pandémie », déclare Antoine Gessain. Dans le Journal Du Dimanche, le virologue Xavier de Lamballerie parle lui d’un « niveau d’alerte moyen », et pour l’infectiologue et épidémiologiste Didier Pittet « la question se posera forcément de savoir si on n’est pas face à un début de pandémie ».

Les cas détectés restent donc pour le moment surveillés de près, afin de mesurer et de prémunir toute augmentation du nombre de malades. « On a les outils diagnostics pour mettre en évidence rapidement le potentiel de transmissibilité de cet agent infectieux », assure Benjamin Davido, et les cas identifiés pour le moment sont pour la plupart légers.

Cette maladie est en effet en grande majorité bénigne, « guérit en général spontanément et les symptômes durent de 14 à 21 jours », explique l’OMS. « Les cas graves se produisent plus fréquemment chez les enfants et sont liés à l’ampleur de l’exposition au virus, à l’état de santé du patient et à la gravité des complications (…) Selon les épidémies, le taux de létalité a pu varier énormément mais il est resté inférieur à 10% dans tous les cas documentés, principalement chez les jeunes enfants ».

Il faut également souligner que les précédents cas détectés en dehors de l’Afrique de l’Ouest n’ont pas conduit à des pandémies. En 2003, environ 70 cas de variole du singe avaient été identifiés aux États-Unis, « marquant ainsi la première apparition de cette maladie en dehors du continent africain », note l’OMS, mais n’entraînant pas d’épidémie.

« La plupart des patients avaient été en contact avec des chiens de prairie domestiques, infectés par des rongeurs africains importés. »

Et depuis 2017, quelques cas importés, notamment du Nigeria, avaient été sporadiquement identifiés dans plusieurs pays, en particulier au Royaume-Uni, sans donner non plus lieu à des épidémies.

· Pas de traitement connu, mais le vaccin contre la variole efficace

« Il n’existe pas de traitements ou de vaccins spécifiques contre l’orthopoxvirose simienne », note l’OMS, mais « on a prouvé dans le passé que la vaccination antivariolique avait une efficacité de 85% pour la prévention » de la variole du singe. Seul hic, après l’éradication de la variole au niveau mondial, ce vaccin n’est plus fabriqué. « Néanmoins, des antécédents de vaccination antivariolique entraînent probablement une évolution plus bénigne de la maladie », note l’OMS.

« Malheureusement on n’a pas de possibilité de vacciner contre cette maladie ou de traitement, il va falloir espérer que la maladie soit rapidement circonscrite », déclare Benjamin Davido.

Les symptômes de cette maladie ressemblent, en moins graves, à ceux que l’on observait dans le passé chez les sujets atteints de variole: fièvre, maux de tête, douleurs musculaires, dorsales, au cours des cinq premiers jours. Puis apparaissent des éruptions cutanées, des lésions, des pustules et enfin des croûtes.

En France les autorités sanitaires conseillent de contacter le 15 si on a une forte fièvre accompagnée d’une éruption cutanée avec des vésicules, soit des sortes de petites cloques.

bmftv

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