A Abidjan, la quinzième réunion des Etats membres de la convention onusienne de lutte contre la désertification (COP15) s’est pour la première fois donné un objectif quantitatif : sauver un milliard de terres dégradées dans le monde d’ici 2030.
« C’est un objectif global nécessaire qui fixe un cap un peu à la manière du 1,5°C à ne pas dépasser de la convention climat », se félicite Jean-Luc Chotte, président du comité scientifique français de la désertification (CSFD) et chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Lors de sa quinzième réunion qui vient de se clore à Abidjan (Côte d’Ivoire), les 195 Etats signataires de la convention de lutte contre la désertification (UNCCD) ont affirmé vouloir restaurer un milliard d’hectares de terres qui ont perdu leur fertilité et ne peuvent plus être cultivées d’ici la fin de la décennie.
Si cet objectif est réellement tenu, ce serait un historique retournement de tendance car actuellement, 12 millions d’hectares sont perdus tous les ans, soit l’équivalent de la surface de la Belgique, selon les conclusions du deuxième rapport sur les sols produit par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Jusqu’à aujourd’hui, la destruction de milieux naturels pour y substituer agriculture et élevage concerne 70% de la surface terrestre. Ces terres sont souvent fragiles et leur surexploitation provoque l’érosion, la disparition ou la baisse de la teneur en matière organique de la couche superficielle des sols, celle riche en humus qui est la plus fertile. Ainsi, dans le monde, 52% des terres agricoles sont dégradées, 70% de la ressource en eau est accaparée par l’agriculture, elle-même responsable de 80% de la déforestation mondiale.
Les pays du sud sont les plus affectés
La situation est particulièrement préoccupante dans les régions sèches qui représentent 45% des zones bioclimatiques et où vivent un tiers de l’humanité. Entre 2000 et 2015, la dégradation des sols et la désertification a affecté 30 millions de km², soit la surface de l’Afrique. En 2050, 90% des écosystèmes naturels du monde auront été transformés si les tendances actuelles perduraient. Sur les neuf « frontières planétaires » qui marquent les impacts de l’Homme sur la planète qui ne devraient pas être dépassées, cinq le sont d’ores et déjà qui ont toutes un lien avec les sols : le changement climatique, les changements d’utilisation des terres, la perte de biodiversité, les cycles du phosphore et de l’azote et tout dernièrement, selon les travaux du Stockholm resilience centre, les teneurs en eau douce dans les sols, la végétation, les précipitations et l’évaporation.
Ces travaux suédois corroborent les constats effectués par la publication des chiffres globaux sur la sécheresse dans le monde compilés par l’UNCCD. Car les impacts de la surexploitation des terres sont exacerbés par les effets du changement climatique qui bouleverse le cycle de l’eau et augmente les probabilités de sécheresse partout dans le monde. « Depuis 1970, les risques liés à la météo, au climat et à l’eau ont représenté 50 % de toutes les catastrophes et 45 % de tous les décès rapportés. Tragiquement, 9 de ces décès sur 10 ont eu lieu dans des pays en développement, où la sécheresse a entraîné les plus grandes pertes humaines au cours de cette période », rappelle Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de l’UNCCD. Le phénomène est devenu global et n’épargne aucune région du monde, à l’exception des pôles, selon la recension des dernières sécheresses.
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