Une politique culturelle avec une vision sur le marché international ! C’est ce qui permettra à l’industrie créative africaine d’occuper sa place dans le monde. C’est l’avis du Dr Hamadou Mandé, Maître de conférences à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. L’universitaire s’est évertué à faire hier le diagnostic de l’impact du Covid-19 sur le secteur.
Des secteurs de la vie handicapés par la pandémie sanitaire, les arts et la culture ont payé le plus lourd tribut. En effet, avec la limitation des déplacements et l’application des mesures barrières, des segments entiers de l’industrie créative ont été impactés négativement. Une situation que le Dr Hamadou Mandé, Maître de conférences à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, qualifie de «tsunami, qui a ébranlé un secteur aux fondements non encore consolidés, causant des dommages incalculables en amplifiant sa volatilité préexistante». Il faisait ainsi le diagnostic des conséquences de la crise du Covid-19 en Afrique ce dimanche lors du lancement du «Marché de l’art et les rencontres économiques» organisé en marge de la Biennale.
Pour l’universitaire, l’aspect informel du secteur des arts dans le continent «a laissé très peu de possibilités aux acteurs qui ont été touchés de plein fouet par les impacts de la pandémie». Par conséquent, même l’effort «de certains Etats d’amortir ce choc par des initiatives telles que la mise en place de fonds de soutien aux acteurs, ont eu des résultats mitigés du fait de leur caractère improvisé et de la lenteur de leur opérationnalisation». Fort de ce constat, Dr Mandé estime que si les conséquences de la pandémie ont été autant néfastes pour l’industrie créative, c’est parce qu’il y avait un «déficit de politiques culturelles prenant en compte les besoins réels de toute la chaîne de valeur culturelle et les défis majeurs tels que le changement climatique, l’explosion urbaine, l’aggravation des inégalités sociales et la multiplication des confits et des crises sanitaires et humanitaires» en amont de la crise sanitaire. Pour autant, l’universitaire demeure convaincu que le marché africain est quasi vierge et que son potentiel peut même porter le développement économique de l’Afrique. Ainsi la création récente de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) conforte cette idée de l’existence d’un marché potentiel important selon le Dr Mandé. Qui ajoute que «le rapport sur le panorama des Industries culturelles creatives (Icc) (2015) montre que les Icc à l’échelle mondiale ont généré en 2013, 2,250 milliards de dollars Us de revenus, créé 29,5 millions d’emplois et employé 1% de la population mondiale. La part de l’Afrique et du Moyen-Orient était de 3% de ce revenu mondial et 8% des emplois créés».
Des recommandations fortes
Pour faire de l’Afrique un géant du marché mondial des arts, Dr Mandé a donné 10 recommandations. Parmis ces recommandations, celle de travailler à l’émergence de politiques culturelles locales et nationales cohérentes et pertinentes et à leur mise en œuvre effective et d’oeuvrer pour une bonne gouvernance et une meilleure structuration du secteur culturel. Pour l’universitaire, il est nécessaire de reconsidérer les formes d’organisation actuelles qui tendent à privilégier l’émiettement en petites entités fragiles pour privilégier des entités plus grandes et plus stables et développer des marchés intérieurs dans les pays africains en assurant leur interconnexion au niveau sous-régional et sur le plan régional afin de constituer un marché africain.
Autre recommandation, c’est d’ assurer une ouverture assumée au monde à travers une présence africaine plus diversifiée et un partenariat marqué par des échanges plus équilibrés et mettre en œuvre des mesures pertinentes en faveur de l’égalité des genres en veillant à lutter efficacement contre toute forme de discrimination et en garantissant la liberté de création artistique et culturelle, renforcer la coopération régionale en accordant une réelle importance aux instruments panafricains de politiques pour faciliter la mise en cohérence et le développement d’actions structurantes concertées et en conférant une dimension culturelle prioritaire aux entités régionales. Le Pr Mandé recommande egalement de prendre en compte les possibilités offertes par le numérique et l’Internet dans la production et la diffusion de contenus culturels pour assurer une meilleure présence de l’Afrique au monde à travers ces canaux et développer des instruments adaptés de protection sociale des créateurs, du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle.
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