L’armée russe continue de progresser dans l’est de l’Ukraine, où la situation est « extrêmement difficile » pour les forces de Kyiv, selon le président Zelensky, qui craint des destructions massives et dénonce le « manque d’unité » de l’Occident derrière son pays.
Les Russes tentent coûte que coûte de resserrer son étau sur la région de Louhansk, où ils « avancent dans toutes les directions à la fois », a affirmé mercredi le gouverneur régional côté ukrainien, Serguiï Gaïdaï, sur Telegram.
Moscou a décidé d’intensifier son offensive dans le Donbass, formé des régions de Louhansk et de Donetsk, que les Ukrainiens peinent à défendre, après avoir éloigné les forces russes des deux plus grandes villes du pays, Kyiv et Kharkiv (nord-est)
« La situation dans le Donbass est extrêmement difficile », a reconnu mardi soir le président Zelensky. Selon lui, les Russes « veulent tout détruire » dans la région.
Mercredi matin, il a réclamé le « soutien d’une Europe unie », en déplorant le manque de cohésion des Occidentaux face à cette guerre qui vient d’entrer dans son quatrième mois, lors d’une prise de parole en visioconférence au forum économique de Davos (Suisse).
« Nous aurons l’avantage sur la Russie quand nous serons tous vraiment unis », a-t-il encore affirmé, regrettant notamment des dissensions à propos de l’adhésion de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN ou d’un embargo total sur l’achat de gaz et pétrole russes.
Kyiv a appelé instamment les Occidentaux à lui livrer davantage d’armements, notamment des « armes lourdes ».
C’est notamment pour défendre le Donbass, partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses, d’un prétendu « génocide », que le président russe Vladimir Poutine a déclenché le 24 février l’invasion de l’Ukraine.
« Nous continuerons l’opération militaire spéciale jusqu’à la réalisation de tous les objectifs », a insisté mardi le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou, ajoutant que Moscou s’apprêtait à mener une longue offensive en Ukraine.
Selon l’État-major ukrainien des armées, Moscou a davantage recours à son aviation pour appuyer ses troupes au sol et « détruire les infrastructures essentielles et militaires ».
Un nouveau Marioupol ?
Dans le Donbass, le gouverneur général a fait état de « bombardements de plus en plus intenses » et affirmé que « l’armée russe a pour objectif de détruire complètement
Severodonetsk », ville stratégique au nord-ouest de Louhansk.
Le gouverneur Gaïdaï redoute de son côté que les forces russes ne s’acharnent sur Louhansk comme sur Marioupol, grande cité portuaire du sud-est qu’elles ont conquise après des semaines de siège et de bombardements qui l’ont pratiquement rasé.
Les Russes encerclent Severodonetsk et Lyssytchansk, deux localités séparées par une rivière et qui constituent la dernière poche de résistance ukrainienne.
Des combats sont également en cours pour le contrôle de la ville de Lyman, un important nœud ferroviaire dont la prise constituerait un progrès important dans ces tentatives d’encerclement, a affirmé le chef des séparatistes prorusses de Donetsk, Denis Pouchiline lors d’une émission pro-Kremlin diffusée sur YouTube.
Sur le front méridional, la situation demeure stable, bien que les Ukrainiens y revendiquent des gains territoriaux.
À Mykolaïv (sud), à quelques kilomètres de territoires contrôlés par l’armée russe, la vie quotidienne reste très difficile, au rythme des pénuries, d’eau notamment, qui se multiplient.
Le bruit de l’artillerie gronde au loin et les sirènes anti-bombardements aériens retentissent à certains moments, mais Anna Bondar attend patiemment son tour pour faire le plein d’eau potable. À 79 ans, elle a un mari alité et passe deux à trois heures par jour à ramener de l’eau chez elle. « Je suis très fatiguée », avoue-t-elle à l’AFP.
Depuis que des combats ont mis hors d’état un pipeline en avril et coupé l’accès à l’eau, les habitants vont à pied, en voiture ou encore à vélo à la recherche de camions-citernes.
À quelques dizaines de kilomètres à l’est se trouve Kherson, seule région d’Ukraine en totalité conquise par l’armée russe, et où un groupe de journalistes, dont ceux de l’AFP, ont pu aller accompagnés par des blindés russes.
Dans la ville, l’administration mise en place par Moscou réclame haut et fort une annexion. Les habitants, ceux qui ne sont pas partis se murent eux dans un silence anxieux.
À 100 km au sud, dans la petite station balnéaire de Skadovsk, les passants s’excusent poliment lorsqu’un journaliste de l’AFP veut les interroger sur la vie sous contrôle russe.
Sauf Vera Mironenko, une mère de trois enfants. « Tout le monde vit sur ses économies, les entreprises sont fermées », dit-t-elle, évoquant des « prix stratosphériques » et l’absence de médicaments. « On patiente en attendant que la vie s’arrange […] quel que soit le pouvoir », ajoute-t-elle, un brin fataliste.
Accentuant leur pression sur la Russie, les États-Unis ont annoncé mettre fin, à partir de mercredi 4 h 01 GMT (0 h 01 HAE), à une exemption permettant à Moscou de payer ses dettes en dollars. Cette décision pourrait précipiter la Russie, qui a une douzaine de paiements à honorer d’ici la fin de l’année, dans le défaut de paiement.
Au Forum de Davos, le président suisse Ignazio Cassis a annoncé que son pays organiserait, les 4 et 5 juillet, une « conférence de reconstruction de l’Ukraine » réunissant notamment la Banque mondiale, l’OCDE et l’Union européenne (UE).
L’UE discute toujours d’un embargo sur le pétrole russe, qui requiert l’unanimité des pays membres, et auquel s’oppose notamment la Hongrie, très dépendante du pétrole russe. « Quelque chose ne va pas avec la Hongrie ! », a estimé mercredi le président Zelensky.
En trois mois de conflit armé, 234 enfants ont été tués et 433 blessés, a dénoncé mardi le bureau de la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova.
Au total, des milliers de civils et de militaires ont péri, sans qu’il existe un bilan chiffré. Pour la seule ville de Marioupol, les autorités ukrainiennes parlent de 20 000 morts.
Plus de huit millions d’Ukrainiens ont été déplacés à l’intérieur de leur pays, selon l’ONU. S’y ajoutent 6,5 millions qui ont fui à l’étranger, dont plus de la moitié – 3,4 millions – en Pologne.
AFP