Élu à l’unanimité, vendredi, pour prendre la suite de feu Vladimir Jirinovski, emblématique fondateur du LDPR, parti ultranationaliste russe, Léonid Sloutski en devient le nouveau leader. Le député de la Douma, qui dit vouloir « renforcer la politique sociale du LDPR », faisait partie des personnalités ciblées par les sanctions européennes à la suite de l’annexion de la Crimée en 2014. Il a également été visé par des accusations de harcèlement sexuel et de corruption.
Longtemps dans l’ombre de l’emblématique Vladimir Jironovski, mort en avril dernier, le voilà désormais aux commandes. Le député Léonid Sloutski a été choisi, vendredi 27 mai, pour prendre la tête du parti ultranationaliste russe, Liberalno-democratitchestkaïa Partia Rossii ou Parti libéral démocrate (LDPR).
Chef de la Commission des Affaires étrangères à la Douma, la chambre basse du parlement russe, Léonid Sloutski a fait partie de la délégation de Moscou lors des récentes négociations de paix avec Kiev, des pourparlers au point mort depuis mars.
Sur son compte Telegram, la formation a indiqué que Léonid Sloutski, 54 ans, avait été élu « à l’unanimité » lors d’un congrès à Moscou. Il était le seul candidat.
« Léonid Sloutski a été élu à l’unanimité nouveau président du LDPR », écrit le parti sur son compte Twitter. « Le LDPR poursuivra le travail du fondateur du parti, Vladimir Jirinovski, et continuera à travailler au profit de la Grande Russie ! »
Новым Председателем ЛДПР единогласно избран Леонид Слуцкий. 86 делегатов со всей страны выбрали его преемником Владимира Жириновского на Внеочередном XXXIV съезде партии.
ЛДПР продолжит дело основателя партии Владимира Жириновского и будет дальше работать на благо Великой России!— ЛДПР (@ldprparty) May 27, 2022
« La stratégie du Parti libéral démocrate reste la même », a souligné Léonid Sloutski, après son élection. « La seule chose est qu’il sera modifié dans le sens de résoudre les tâches qui ont été fixées sur le terrain et visent à renforcer la politique sociale du Parti libéral démocrate », rapporte son parti sur Twitter.
Économiste de formation, il est député depuis 2000. Jusqu’ici numéro 2 du LDPR, son nom est associé à plusieurs affaires, des sanctions occidentales contre la Russie après l’annexion de la Crimée à des accusations de harcèlement sexuel, en passant par des révélations de faits de corruption.
Harcèlement sexuel
En 2004, après l’envoi de troupes russes pour prendre le contrôle de la Crimée, Moscou organise un référendum pour justifier l’annexion de la région. En réaction, l’Union européenne (UE) met en place des sanctions contre la Russie, cible 21 personnalités – dont Léonid Sloutski – en leur interdisant de voyager dans l’UE et en gelant leurs actifs financiers.
En février et mars 2018, le député se retrouve au cœur d’un scandale. Léonid Sloutski est accusé de harcèlement sexuel par plusieurs journalistes russes, des accusations rares en Russie, un pays très à la traîne dans la lutte contre les violences sexistes, où ces dernières font rarement l’objet d’enquêtes.
Les journalistes, dont Farida Rustamova qui travaillait à l’époque pour le service russe de la BBC, ont accusé Léonid Sloutski de propos obscènes et d’attouchements, brisant le silence sur un sujet qui reste largement tabou en Russie. À l’époque, le député avait qualifié ces accusations de « provocation bon marché et de bas niveau » et les a rejetées comme une attaque politique ordonnée par ses ennemis, affirmant même que le scandale avait « renforcé [ma] dignité plutôt que de l’enlever ».
Ce dernier a finalement été blanchi par la commission d’éthique de la Douma, qui a affirmé n’avoir trouvé aucun signe de « comportement inapproprié ».
Corruption
La même année, les déclarations de revenus du député attirent l’attention de la Fondation anti-corruption créée par l’opposant russe Alexeï Navalny.
La Fondation avait documenté comment la femme de Léonid Sloutski avait acheté une Bentley de luxe, voiture coûtant plus de 300 000 dollars et dont l’achat semblait avoir été financé par un prêt sans intérêt de 25 millions de roubles (440 000 dollars) d’un promoteur milliardaire azerbaïdjanais.
Selon Alexeï Navalny, le prêt était lié au lobbying pour les intérêts du milliardaire à Moscou et s’était fait par l’intermédiaire d’un autre législateur de la Douma, allié de premier plan de l’ancien maire de Moscou, Iouri Loujkov.
L’enquête d’Alexeï Navalny avait, par ailleurs, révélé qu’une Mercedes-Maybach de luxe appartenant à Léonid Sloutski avait, en moins d’un an, accumulé 825 amendes impayées, principalement pour conduite dangereuse, ce que le nouveau chef du LDPR avait admis dans une interview avec le magazine Snob, un site internet ciblant les élites économiques et culturelles russes. « Je n’achète pas de produits de luxe », avait-il déclaré. « Je préfère dépenser de l’argent pour quelque chose de plus substantiel. Par exemple, sur la restauration des églises. »
Après son élection, vendredi, il a promis de « renforcer » le programme social de son parti, selon l’agence TASS.
« Pas une année pacifique »
Le LDPR, fondé en 1992 par Vladimir Jirinovski, et centré autour de son leader historique jusqu’à sa mort récente, est souvent considéré, en particulier par les médias étrangers, comme un parti populiste, nationaliste ou ultranationaliste. Il a remporté 7,55 % des voix lors des législatives de 2021, derrière les communistes (18,93 %) et le parti de Vladimir Poutine (49,82 %).
Classé à l’extrême droite, Vladimir Jirinovski, mort en avril à 74 ans, avait participé à presque toutes les présidentielles de la Russie moderne. Son parti a toujours été représenté et bien visible dans les instances locales et nationales.
Le LDPR est toutefois accusé de jouer un rôle d’opposition de façade qui, finalement, se range toujours derrière les grandes décisions de Vladimir Poutine.
Les idées anti-occidentales de Vladimir Jirinovski, obsédé par la grandeur de la Russie, et qui paraissaient extrêmes dans les années 1990, se sont peu à peu imposées dans la vie publique russe, y compris au Kremlin.
Fin 2021, Vladimir Jirinovski prédisait que l’année 2022 « ne sera pas une année pacifique, ce sera l’année où la Russie redeviendra une puissance », annonçant ainsi l’intervention militaire en Ukraine.
AFP