Après avoir fermé le robinet du gazoduc avec Rabat, Alger cherche à « punir » Madrid pour cause d’alignement sur les positions marocaines au Sahara occidental. Enquête sur une crise hautement inflammable.
Les Américains appellent cela une perfect storm (« une tempête parfaite »), soit une conjonction des pires ennuis au plus mauvais moment. Alors que les tensions entre l’Algérie et le Maroc connaissent un nouveau regain depuis plus d’un an, l’Espagne est entrée dans la danse en se prononçant en faveur du plan d’autonomie marocain en mars, déclenchant la colère d’Alger. Une décision qui intervient dans un contexte de crise de l’énergie après l’invasion russe de l’Ukraine.
À l’affaire du Sahara occidental, qui mine les relations entre les trois pays, s’ajoute désormais la guerre du gaz. Exportateur de pétrole et de gaz de premier plan, l’Algérie joue de cette ressource comme une arme pour sanctionner Rabat et Madrid, et comme une carte pour se rendre incontournable sur la scène mondiale.
Plus de huit mois après la fermeture, en octobre 2021, du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui alimente l’Espagne et le Portugal en gaz algérien via le Maroc, les Algériens peuvent mesurer l’impact de cette arme sur l’économie de son voisin de l’ouest : après l’arrêt de deux centrales électriques et au vu de tensions sur le budget de l’État, Rabat cherche des fournisseurs pour pallier le manque de gaz en provenance d’Algérie et réduire sa dépendance à l’égard de l’Espagne.
Un mal pour un bien
Mais l’arrêt du GME n’a pas que des retombées négatives pour le royaume. Il oblige les autorités marocaines à faire de la sécurité énergétique leur priorité numéro un et à préparer ainsi l’entrée du royaume sur le marché mondial du GNL. La fermeture en 1994 des frontières avec l’Algérie avait contraint Rabat à diversifier son économie pour ne plus dépendre du marché algérien, celle du GME l’oblige aujourd’hui à se tourner encore une fois vers d’autres clients.
Certes la fermeture du GME et les menaces de couper le Medgaz mettent Madrid dans l’embarras, mais elles brouillent ses relations avec l’Algérie, un partenaire jusque-là jugé stratégique et fiable.
L’usage du gaz comme arme politico-diplomatique a donc ses limites, dans la mesure où celle-ci pourrait saper la crédibilité et la fiabilité du groupe pétrolier Sonatrach aux yeux de ses partenaires étrangers.
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