Les débutants de 2017 : révélations, déçus du macronisme et erreurs de casting

L’élection d’Emmanuel Macron en 2017 a permis l’arrivée à l’Assemblée nationale de nombreux députés novices en politique, avec des résultats contrastés. En cinq ans, si certains se sont révélés, d’autres ont été de véritables erreurs de casting, tandis que plusieurs ont été déçus par le macronisme.

Avec entre 15 000 et 20 000 candidats à la candidature émanant de la société civile annoncés par La République en marche (LREM) pour devenir l’un des 577 candidats du parti présidentiel aux élections législatives de 2017, le résultat ne pouvait être que contrasté. « Au sein de La République en marche, les députés qui ont émergé sont ceux qui avaient déjà une expérience en politique, que ce soit comme élu ou comme collaborateur », analyse le sociologue Étienne Ollion, directeur de recherche au CNRS et auteur du livre « Les candidats » (Puf, 2021).

Certains ont toutefois réussi à émerger malgré leur inexpérience, devenant des figures incontournables de la majorité présidentielle au Palais Bourbon. D’autres, en revanche, ont été déçus par les orientations politiques d’Emmanuel Macron et de LREM, au point de ne pas vouloir renouveler leur mandat en 2022. Enfin, plusieurs députés novices en politique ont été de véritbales erreurs de casting, faisant le plus souvent parler d’eux pour de mauvaises raisons. Tour d’horizon de ces différents profils avec quelques exemples.

Les révélations
Yaël Braun-Pivet (députée des Yvelines)
Sa récente nomination comme ministre des Outre-mer du premier gouvernement d’Élisabeth Borne est venue consacrer, à 51 ans, un parcours réussi lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Élue députée des Yvelines en 2017 après avoir été avocate et bénévole au sein de l’association Les Restos du cœur, Yaël Braun-Pivet a rapidement été propulsée à la tête de la commission des lois.

À ce poste, d’ordinaire attribué à des députés expérimentés, elle se fait remarquer en multipliant les bourdes lors des premières semaines de la mandature. Elle confond notamment la loi et le décret et, s’exprimant en commission en pensant que son micro est coupé, critique les députés LREM « vautrés » dans leur chaise. Elle symbolise alors l’incompétence prêtée à ces députés tout juste arrivés à l’Assemblée nationale. Mais bien épaulée en raison de sa fonction de présidente d’une commission et dotée d’une grande capacité de travail, elle fait rapidement oublier ces quelques faux-pas et devient au printemps 2018 rapporteure, au côté de Marc Fesneau, du projet de loi constitutionnelle « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace », qui ne sera finalement jamais voté.

Yaël Braun-Pivet joue également un rôle très politique en présidant la commission d’enquête parlementaire lors de l’affaire Benalla. Elle refuse alors d’auditionner le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, un très proche d’Emmanuel Macron. Mais preuve de son assurance et de son épaisseur grandissantes, elle n’hésite pas à s’opposer au gouvernement, fin 2020, lors de l’examen du controversé article 24 de la loi Sécurité globale. Yaël Braun-Pivet est désormais candidate à la réélection.

Jean-Baptiste Moreau (député de la Creuse)
Choisi parmi les quatorze premiers candidats présentés par En Marche en avril 2017, Jean-Baptiste Moreau, éleveur dans la Creuse de vaches limousines, symbolise à merveille cette société civile accédant à l’Assemblée nationale.

Au sein de la majorité, il s’impose rapidement comme le député de la majorité spécialiste des questions agricoles et d’alimentation. Il est ainsi président du groupe d’étude sur la modernisation des activités agricoles et la structuration des filières, membre du comité de pilotage de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, rapporteur de la mission d’information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate et, surtout, rapporteur du projet de loi pour « l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable » (Egalim).

Mais sa plus grande réussite tient sans doute à sa capacité à être entendu sur d’autres sujets. Jean-Baptiste Moreau, 45 ans, est ainsi parvenu à devenir une voix qui pèse sur des sujets comme la légalisation du cannabis ou la laïcité. Au point d’être nommé en 2019 porte-parole de La République en marche et d’être qualifié dans un portrait du Journal du Dimanche de « poids lourd de la majorité ». Il est logiquement candidat à sa réélection.

Parmi les révélations, on peut aussi citer : Jean-Baptiste Djebbari (député de la Haute-Vienne puis ministre délégué aux Transports), Nadia Hai (députée des Yvelines puis ministre déléguée à la Ville), Caroline Janvier (députée du Loiret).

Les déçus du macronisme
Matthieu Orphelin (député du Maine-et-Loire)
Ancien militant d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) et porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot (devenue depuis Fondation pour la nature et l’Homme) de 2012 à 2015, Matthieu Orphelin est élu député du Maine-et-Loire en juin 2017. Proche de l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, il incarne l’aile gauche de La République en marche qui pousse pour aller de l’avant en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Habitué des arcanes du monde politique, communicant hors pair, il s’impose rapidement comme l’un des députés les plus en vues de la majorité. Petit à petit, il déchante face à la politique menée par le gouvernement et finit par quitter le groupe LREM en février 2019. Il regrette alors le manque de progrès sur les « enjeux climatiques, écologiques et sociaux » et affirme quelques mois plus tard, à l’occasion des élections européennes de mai 2019 qu’il ne peut voter pour la liste LREM en raison du « trop grand écart » entre le programme annoncé en matière d’environnement et les actes du gouvernement.

Le cas de Matthieu Orphelin est loin d’être isolé. Sur les 314 députés LREM et apparentés en 2017, 48 ont quitté le groupe au cours du quinquennat. Jamais une telle hémorragie au sein du groupe majoritaire, qui a d’ailleurs perdu la majorité absolue en mai 2020, n’avait eu lieu sous la Ve République. Soutien de Yannick Jadot à l’élection présidentielle de 2022, Matthieu Orphelin, 49 ans, a annoncé en février qu’il n’était pas candidat à sa réélection un deuxième mandat de député.

Annie Chapelier (députée du Gard)
Moins médiatique que Matthieu Orphelin, Annie Chapelier, 54 ans, infirmière-anesthésiste de profession, a été et élue députée du Gard en 2017. En janvier 2020, elle aussi quitté le groupe La République en marche en janvier 2020, dénonçant « un mouvement hors sol, indifférent aux territoires » où « des apparatchiks, petits chefs plus ou moins autoproclamés » dictent la ligne politique à « une masse, insignifiante à leurs yeux, à qui on demande une allégeance et une obéissance aveugles ». Au-delà de la ligne politique, Annie Chapelier critique surtout le rôle de député. Elle publie Dans « Un Parlement en toc » publié en avril 2022, livre dans lequel elle dénonce l’omniprésence des lobbies, le manque de moyens et le peu de pouvoirs réels accordés aux parlementaires. « Nous ne sommes là que pour un décorum, un jeu de rôle », dénonce-t-elle encore dans une interview sur France Inter le 3 mai. Comme Matthieu Orphelin et environ 70 députés élus avec l’étiquette La République en marche, Annie Chapelier a choisi de ne pas rempiler pour un nouveau mandat.

Parmi les déçus, on peut aussi citer : Jennifer De Temmerman (députée du Nord), Paula Forteza (députée des Français de l’étranger), Cédric Villani (député de l’Essonne).

Les erreurs de casting
Joachim Son-Forget (député des Français de l’étranger)
Difficile de faire pire. Radiologue à Genève, Joachim Son-Forget est élu en 2017 député des Français établis en Suisse et au Liechtenstein. Sa première année de mandat se déroule sans accroc, puis viennent les nombreux dérapages. En septembre 2018, il prend la défense du forain Marcel Campion, accusé d’avoir tenu des propos homophobes, puis, en décembre, s’en prend sur Twitter à la sénatrice Europe Écologie-Les Verts Esther Benbassa en l’attaquant sur son physique.

S’en suivent de nombreux tweets jugés indignes d’un député par l’opposition, mais aussi par ses collègues. « Aucune controverse politique ne justifie de verser dans le sexisme et la vulgarité », condamne Gilles Le Gendre, le patron du groupe La République en marche à l’Assemblée. Joachim Son-Forget explique avoir souhaité « faire le buzz en utilisant les principes de la psychologie cognitive » et finit par démissionner du groupe LREM fin décembre.

La suite de son mandat n’est qu’une succession de polémiques et de provocations. Il s’affiche en ligne avec des fusils d’assaut. En 2019, il se rapproche de l’extrême droite sur Twitter avec Marion Maréchal en évoquant « une amitié naissante ». Début 2020, il diffuse sur le même réseau social le lien permettant d’accéder aux vidéos intimes de Benjamin Griveaux, alors candidat aux municipales à Paris. Puis il devient un fervent défenseur du docteur Didier Raoult pendant la crise du Covid-19. Et finit par soutenir Éric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022.

« Qu’est-ce que c’est chiant d’être député ! », dit-il de son mandat dans un portrait du Monde publié en avril 2020, décrivant le parlementaire comme un « petit notable [qui] ne sert à rien ». Pourtant, à 39 ans, le voici candidat à sa réélection, mais cette fois-ci sans étiquette. Face à lui, le parti présidentiel a investi l’économiste Marc Ferracci, un très proche d’Emmanuel Macron.

Martine Wonner (députée du Bas-Rhin)
Sans le Covid-19, elle aurait pu passer pour une simple déçue de la politique menée par Emmanuel Macron. Psychiatre de formation, Martine Wonner est élue députée du Bas-Rhin en 2017 et fait alors partie de l’aile gauche de la majorité présidentielle. Elle vote contre le délai donné à l’utilisation du glyphosate en 2018, elle s’abstient la même année sur la loi Asile et immigration, elle vote contre la ratification du CETA (traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada) en 2019 et se montre régulièrement critique du gouvernement et de la majorité sur les questions sociales.

Mais l’arrivée du Covid-19 en 2020 la fait basculer du côté des complotistes, provoquant son exclusion du groupe LREM. Martine Wonner s’illustre d’abord en prenant la défense du docteur Didier Raoult et en faisant campagne pour laisser les médecins de ville prescrire de l’hydroxychloroquine. Puis, à l’automne 2020, elle affirme à l’Assemblée nationale que le port du masque « ne sert strictement à rien », apparaît dans le documentaire complostiste « Hold-up » et finit en 2021 par cibler les vaccins anti-Covid à ARN messager, qu’elle qualifie de « cochonneries génétiquement modifiées » qui « ne protègent personne ». En 2022, elle dénonce d’ailleurs à l’Assemblée nationale les « conséquences délétères de la politique vaccinale » française, coupable de provoquer selon elle « fausses couches, myocardites, péricardites, maladies auto-immunes, syndromes de Guillain-Barré, cancers multiples, maladies de Creutzfeld-Jacob, Sida » et « décès ».

Dans son combat antivax, Martine Wonner ne recule devant aucune outrance : elle accuse au printemps 2021 le gouvernement et les soignants de « crimes contre l’humanité » et les qualifie d « assassins », puis manifeste l’été suivant avec Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot, enjoignant les Français opposés aux vaccins anti-Covid à « faire le siège des parlementaires » pour « envahir leur permanence ». Alors qu’elle avait promis de ne faire qu’un seul mandat, Martine Wonner, 58 ans, est candidate sans étiquette à sa réélection.

Parmi les erreurs de casting, on peut aussi citer : Marion Lenne (députée de Haute-Savoie), Claire O’Petit (députée de l’Eure), Brune Poirson (députée du Vaucluse et secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire).

france24

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